Croissance en zone euro : l'Espagne et le Portugal font la course en tête, l'Allemagne décroche

La zone euro a échappé de peu à la récession en fin d'année 2023 selon Eurostat. Frappés de plein fouet par l'inflation et la hausse des taux, l'Allemagne (-0,3%) et plusieurs pays d'Europe de l'Est peinent à voir le bout du tunnel. À l'inverse, l'Espagne (2,5%) et le Portugal (2,2%) ont profité grandement du retour des touristes.
Grégoire Normand
Le retour des touristes en Espagne a dopé la croissance.
Le retour des touristes en Espagne a dopé la croissance. (Crédits : VIOLETA SANTOS MOURA)

C'est un ouf de soulagement pour les pays de la zone euro. L'économie européenne a échappé de peu à la récession en 2023. Sur l'ensemble de l'année, la croissance du produit intérieur brut (PIB) a augmenté de 0,5% conformément à la dernière estimation selon les chiffres publiés par Eurostat ce mercredi 14 février. A la fin de l'année, la croissance a fait du surplace à 0% contre -0,1% au trimestre précédent selon les données corrigées des variations saisonnières (CVS).

Et les prévisions de croissance de l'OCDE ne sont pas optimistes avec 0,6% de croissance en 2024. « L'économie européenne a connu de fortes difficultés. Elle ne croit plus depuis plusieurs mois. C'est un chiffre plutôt faible », a déclaré à La Tribune, Charlotte de Montpellier, économiste chez ING. « Mais au regard de l'ampleur du choc, ce n'est pas si dramatique. Les créations d'emplois restent fortes malgré la stagnation de l'activité », ajoute-t-elle.

A l'opposé, aux Etats-Unis, l'économie américaine affiche une santé insolente. Les derniers indicateurs ont surpris la plupart des économistes. La croissance du PIB au T4 a bondi de 3,1% en rythme annualisé contre 2,9% au trimestre précédent. Les créations d'emplois ont également réaccéléré. Quant au climat des affaires et à la confiance des ménages, les indicateurs sont au vert. « Il est rare que l'économie US soit aussi proche de ces objectifs qui définissent le double mandat de la Fed. Le scénario d'une rechute en récession à court terme a totalement disparu des radars », a expliqué l'économiste de ODDO BHF Bruno Cavalier dans une récente note. Entre les Etats-Unis et l'Europe, le fossé risque de s'accentuer. « Il y a un décrochage extrêmement fort entre la zone euro et les Etats-Unis », alerte Charlotte de Montpellier.

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L'Europe du Sud, moteur de la zone euro

Dans le détail, longtemps considérés comme les cancres de la zone euro, plusieurs pays du Sud de l'Europe ont tiré leur épingle du jeu. C'est par exemple le cas de l'Espagne qui affiche un taux de croissance de 2,5% sur l'année 2023. En rythme trimestriel, la croissance du PIB espagnol a oscillé entre 0,4% et 0,6%. Après avoir payé un lourd tribut à la pandémie, les moteurs de l'économie ibérique ont fortement rebondi.  « Le retour des touristes non européens a boosté l'activité en Espagne », a affirmé Charlotte de Montpellier.

Plus à l'ouest, le Portugal a également tiré la croissance de la zone euro avec un PIB à 2,2% en 2023. En rythme trimestriel, l'activité a enregistré un creux au troisième trimestre. Mais l'économie portugaise a affiché des performances favorables au premier trimestre (1,5%) et en fin d'année (0,8%). Résultat, l'acquis de croissance pour 2024 est largement favorable pour Lisbonne.

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La France et l'Italie font du surplace

Du côté de la France, la croissance du PIB a fait du surplace pendant trois trimestres sur quatre en 2024. Seul le second trimestre a connu une croissance positive à 0,7%. Frappée de plein fouet par l'inflation, la demande, traditionnel moteur de l'économie tricolore, est en panne. Les ménages ont dû se serrer la ceinture pour leurs dépenses de consommation du quotidien.

Quant aux entreprises, le durcissement des conditions financières a mis un coup d'arrêt aux investissements. Le gouvernement devrait prochainement réviser sa prévision de croissance pour 2024 estimée actuellement à 1,4% contre 0,6% pour l'OCDE. De son côté, l'Insee table sur une reprise poussive de l'activité au premier semestre comme la Banque de France avec un PIB entre 0,1% et 0,2%.

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En Italie, l'activité est empêtrée dans une croissance atone. Hormis un premier trimestre favorable, la croissance du PIB a oscillé entre -0,3% et 0,2% sur le reste de l'année. L'économie italienne avait bien rebondi suite à la crise sanitaire, mais elle reste marquée par une productivité en berne et le vieillissement de sa population.

L'Allemagne au bord du précipice

De son côté, l'Allemagne a continué de souffrir des effets de la guerre en Ukraine en 2023. La récession a frappé lourdement la première économie de la zone euro. L'activité finit l'année 2023 en repli selon les derniers chiffres d'Eurostat. « L'Allemagne est devenue la lanterne rouge en zone euro », résume Charlotte Montpellier. Compte tenu du poids de l'industrie dans le PIB et de sa dépendance aux énergies fossiles, l'économie outre-Rhin a payé au prix fort l'entrée en guerre de la Russie en Ukraine. « Le choc des prix a d'abord affecté les entreprises industrielles. L'Allemagne a été particulièrement vulnérable car elle comptait beaucoup sur l'énergie bon marché », complète l'économiste d'ING.

A cela se sont ajoutées les difficultés de l'industrie automobile en manque de débouchés en Chine. Pékin compte bien renforcer sa place en Europe sur le marché de l'électrique. Une mauvaise nouvelle pour l'industrie allemande encore très centrée sur les moteurs thermiques malgré l'impérieuse nécessité de la transition écologique. Sur le plan des finances publiques, la politique budgétaire plus restrictive risque de peser sur l'activité. « Cela va accentuer les difficultés de l'Allemagne », prévoit Charlotte de Montpellier. « L'économie allemande est dans un tunnel. Il y a quelques grèves, les problèmes du Canal de Suez touchent l'industrie allemande. L'Allemagne va continuer à sous performer dans les prochains mois ».

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La BCE attendue au tournant

Après plusieurs hausses de taux inédites, la Banque centrale européenne (BCE) est attendue au tournant. Le coup de frein sur les prix en Allemagne en janvier pourrait inciter les banquiers centraux à baisser les taux au printemps. Mais rien n'est sûr. « À la BCE, le scénario d'une baisse des taux directeurs a fait quelques progrès ces dernières semaines, mais avant d'atteindre un large consensus au sein du Conseil, il faudra attendre plusieurs mois. L'assouplissement monétaire se profile pour la mi-année et s'annonce assez graduel », explique Bruno Cavalier. Pour l'instant, les dernières interventions de la présidente Christine Lagarde montrent que l'institution de Francfort est encore dans l'attentisme.

Les marchés pariaient il y a peu sur une baisse rapide des taux. Mais cette hypothèse est peu crédible aux yeux de beaucoup d'économistes. Lors de la dernière réunion des banques centrales de l'union monétaire, « les gouverneurs n'ont pas parlé de la baisse des taux », affirme un observateur spécialiste des questions monétaires. « Il existe deux risques. Si la BCE fait baisser la pression trop tôt, on risque de lâcher la cible à 2%. Et si elle agit trop tard, cela risque de trop peser sur l'activité », poursuit cette source. Autant dire que la BCE est sur le fil du rasoir.

Grégoire Normand
Commentaires 6
à écrit le 16/02/2024 à 12:09
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On affirme à plusieurs reprises que l’Allemagne est celle qui profite le plus de l’UE et de l’euro. Mais comme nous le voyons aujourd’hui, ni l’UE ni l’euro ne garantissent la réussite économique allemande. En outre, les principaux partenaires commer...

à écrit le 16/02/2024 à 12:08
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On affirme à plusieurs reprises que l’Allemagne est celle qui profite le plus de l’UE et de l’euro. Mais comme nous le voyons aujourd’hui, ni l’UE ni l’euro ne garantissent la réussite économique allemande. En outre, les principaux partenaires commer...

à écrit le 15/02/2024 à 16:47
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"À l'inverse, l'Espagne (2,5%) et le Portugal (2,2%) ont profité grandement du retour des touristes. " C'est surtout ça qui leur a permis de s'en sortir : Electricité : l'Espagne et le Portugal décrochent du système européen. L'Espagne et le Portug...

à écrit le 15/02/2024 à 8:38
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"plusieurs pays d'Europe de l'Est peinent à voir le bout du tunnel" Le business du dumping social reste un business de la misère. Ils se osnt inféodés au marché européen seulement pour prendre le fric et ne plus avoir à gouverner. Bienvenu en UERSS e...

à écrit le 14/02/2024 à 19:57
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En c"e qui concerne les USA, il faudrait voir quelle part de la croissance est due à l'augmentation du déficit public... En outre, quel est l'impact de l'indice des prix particuliers, nommé indice hédonique, qui est utilisé aux USA. A savoir un ind...

le 16/02/2024 à 12:14
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@René MONTI Les États-Unis ont également l’avantage de disposer d’un grand nombre de leurs propres matières premières. Les prix de l'énergie pour les entreprises et les consommateurs sont par exemple nettement inférieurs à ceux de l'Allemagne, grâce...

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