[Article publié le 29 juin à 10H58 et mis à jour à 22H20] Embellie sur le front des prix en Espagne. Alors que l'inflation enregistrait en juillet 2022 un pic à 10,8% sur un an, elle a continué son ralentissement en juin. Le pays peut désormais se targuer d'avoir le taux le plus faible d'Europe, mais surtout, d'avoir atteint l'objectif fixé par la Banque centrale européenne (BCE) d'une inflation à 2%. En juin, elle atteignait 1,9% sur un an, selon une estimation provisoire de l'Institut national des statistiques (INE). Un chiffre inférieur de 1,3 point à celui de mai (3,2% sur un an) et de 2,2 points à celui d'avril (4,1%). De même, la hausse de l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCA), qui permet les comparaisons avec les autres pays de la zone euro, s'est établie à 1,6%, soit 1,3 point de moins qu'en mai (2,9%). Mais la bataille contre la hausse des prix n'est pas gagnée pour autant et le pays aurait tort de se réjouir trop vite.
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L'énergie tire les prix à la baisse, mais l'inflation sous-jacente résiste
D'abord parce que l'inflation sous-jacente, qui ne tient pas compte des prix de l'énergie et qui est corrigée des variations saisonnières, n'a reculé que de 0,2 point en juin pour atteindre 5,9% sur un an. Et pour cause, les résultats dévoilés par l'INE jeudi s'expliquent majoritairement par la baisse des prix de l'énergie, en particulier de ceux du carburant ainsi que ceux de l'alimentaire, explique l'institut. « Les prix de l'énergie baissent plus vite en Espagne que dans une majorité de pays de la zone euro, comme la France, l'Allemagne ou encore l'Italie. Et cela a d'autant plus d'impact que l'énergie a un poids plus important dans le panier des ménages espagnols que dans celui des Français, par exemple », explique Christophe Blot, directeur adjoint du département Analyse et prévision à l'Observatoire français des conjonctures économiques (ofce).
Des hausses de taux qui vont perdurer
Pas de quoi convaincre la Banque centrale européenne de changer de politique. En effet, l'Espagne est pour l'instant l'un des seuls pays européens à connaître un ralentissement si rapide de l'inflation. En France, elle atteignait toujours 5,1% en mai sur un an. En Allemagne, elle est même remontée en juin à 6,4% sur un an, soit 0,3 point de plus qu'en mai. Or, c'est bien une politique harmonisée que mène la BCE au sein de la zone euro où l'inflation se situait à 6,1% sur un an en mai. Les bons résultats espagnols ne sauraient donc endiguer le resserrement monétaire entamé depuis bientôt un an. C'est d'ailleurs le discours tenu par sa présidente Christine Lagarde qui a déclaré, à l'occasion de la dernière hausse des taux de l'institution monétaire mi-juin de 25 points de base : « Notre travail n'est pas fini. Sauf changement important dans nos perspectives, nous poursuivrons le relèvement des taux en juillet ». « Dans un futur proche, il est improbable que la banque centrale soit en mesure d'affirmer avec certitude que les taux ont atteint leur point haut », a-t-elle ajouté.
Des prix qui ne baissent pas
Car la principale mission de l'institution monétaire est bien de ramener l'inflation à 2%, seuil considéré comme garantissant la stabilité des prix pour assurer l'équilibre de l'économie. Atteindre cet objectif ne rimerait toutefois pas avec baisse des prix. Une inflation à 2% en juin 2023 signifie, en effet, que les prix en Espagne ont augmenté de 2% par rapport à juin 2022. Or, à cette époque ils étaient déjà 10% plus hauts par rapport à juin 2021. En d'autres termes, les prix ne baissent pas, ils se stabilisent.
Loin des niveaux de 2019, l'inflation va donc continuer de peser sur les économies européennes, en particulier sur les ménages, mais aussi les entreprises sans oublier les finances publiques, estime Christophe Blot.
L'économiste relativise en outre la forte chute de l'inflation espagnole. « Il est un peu tôt pour faire un bilan complet. Le pays est encore dans une période d'ajustement. Attendons de voir comment cette dynamique va se poursuivre dans les mois à venir et si elle suit dans les autres pays », tempère-t-il, alertant sur les rapides évolutions, à la baisse comme à la hausse, qui peuvent intervenir dans ce contexte d'instabilité.
(Avec AFP)