Inflation : la baisse de la TVA, un gain de pouvoir d'achat en trompe l'oeil

L'inflation a certes ralenti, mais reste à des niveaux élevés. Face à cette surchauffe des prix, baisser les taux de TVA sur un panier de produits pourrait être un levier rapide et efficace pour répondre à la détresse des plus modestes. Mais rien ne permet de dire que cette baisse va se répercuter sur le pouvoir d'achat des Français en bas de l'échelle. Explications.
Grégoire Normand
Les prix dans l'alimentaire ont augmenté de 14% au mois de mai.
Les prix dans l'alimentaire ont augmenté de 14% au mois de mai. (Crédits : Reuters)

L'inflation continue de miner le pouvoir d'achat des Français. Plus d'un an après l'éclatement de la guerre en Ukraine, l'indice des prix a certes marqué le pas en mai à 5,1% en glissement annuel contre 5,9% en avril, mais il reste à un niveau bien supérieur à celui d'avant pandémie. Du côté de l'alimentaire, les prix ont également ralenti, mais demeurent très élevés (14%) selon les derniers chiffres de l'Insee. Résultat, la consommation a dégringolé et le pouvoir d'achat est en perte de vitesse. En Europe, l'inflation, calculée par l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), a également freiné passant de 7% en avril à 6,1% selon l'estimation flash d'Eurostat dévoilée aujourd'hui.

Ces pressions sur les prix ont des conséquences désastreuses sur le quotidien de nombreux Français. Dans ce contexte brûlant, les économistes et partis politiques cherchent donc à trouver le meilleur remède pour lutter contre l'envolée des prix. Lors de la matinale de l'économie organisée à l'Assemblée nationale ce jeudi premier juin, plusieurs économistes sont revenus sur les différents outils mis à disposition du gouvernement pour freiner la surchauffe des prix. Parmi les leviers évoqués figure la baisse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Cette proposition est un serpent de mer dans les discussions entre économistes. Sur le plan politique, l'ensemble du spectre des partis avance régulièrement cet outil pour répondre à l'urgence. Lors de la campagne présidentielle de 2022, Marine Le Pen avait promu largement cette idée dans son programme. Mais son efficacité pour redonner du pouvoir d'achat au consommateur est loin d'être démontrée.

Marge ou véritable baisse des prix ?

La diminution de la TVA peut être perçue comme un outil efficace et rapide pour limiter la flambée des prix. En diminuant le taux sur une sélection de produits alimentaires, les consommateurs au bas de la distribution pourraient être avantagés compte tenu du poids de ces articles dans leur budget total. Au final, diminuer la TVA pourrait apparaître comme une mesure de justice sociale. En effet, la fiscalité indirecte est particulièrement injuste et régressive car elle touche de manière indistincte les ménages quel que soit leur revenu.

Mais l'efficacité de cette mesure est controversée. « Si on baisse la TVA, est-ce que cela va profiter au consommateur ? Cette baisse va-t-elle partir en marge ou en baisse de prix ? »s'est interrogé l'économiste Thomas Gjerbine, économiste au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) à Paris. En effet, rien ne garantit qu'une baisse de la TVA profiterait aux consommateurs. Dans un rapport dévoilé en février dernier, le conseil des prélèvements obligatoires (CPO) rattaché à la Cour des comptes pointait les limites de cette proposition. « Une baisse de la TVA, notamment sur les produits alimentaires, constitue une mesure moins efficace pour soutenir le pouvoir d'achat des ménages modestes que des transferts monétaires, en raison de l'incertitude sur le taux de répercussion sur les prix et de l'impossibilité de cibler certaines catégories de ménages à travers une baisse de TVA ».

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L'échec de la baisse de TVA dans la restauration

En 2009, sous le mandat de Nicolas Sarkozy, les professionnels de la restauration avaient réclamé une baisse de la TVA passant de 19,6% à 5,5%. A l'époque, les restaurateurs s'étaient engagés, en signant un contrat, à partager les fruits de cette baisse entre leur établissement, les salariés et les clients. Mais plusieurs rapports parlementaires et études d'économistes ont pointé l'échec que cette expérience  en termes de redistribution.

Les économistes de l'institut des politiques publiques (IPP), dans une note très documentée avaient montré que deux ans et demi après la baisse de la TVA, « les prix avaient seulement diminué de 1,9 %, tandis que le coût des salaires et des fournitures avait seulement augmenté de 4,1 et de 5 %, respectivement, et que les bénéfices des propriétaires avaient augmenté d'environ 24%». Après la crise de 2008, l'inflation était relativement faible. Mais dans le contexte actuel, les entreprises pourraient être tentées de récupérer une partie encore plus grande de cette baisse de la TVA pour amortir la hausse des coûts de production.

Un coût important pour les finances publiques

Outre l'efficacité incertaine relevée par les économistes, la baisse de la TVA peut avoir des répercussions majeures sur les finances publiques. Pour rappel, cette fiscalité sur la consommation est la première source de recettes fiscales. En France, les taux réduits de TVA représentent un manque à gagner colossal de 47 milliards d'euros par an, selon le conseil des prélèvements obligatoires. Ces taux dérogatoires portent aussi bien sur l'eau, l'alimentation, mais aussi le transport commercial de voyageurs ou la presse. En période d'inflation, une baisse du taux de TVA peut également représenter des recettes fiscales en moins compte tenu des mécanismes d'indexation. Loin d'être une solution miracle, la baisse de la TVA pourrait donc être contreproductive.

Grégoire Normand
Commentaire 1
à écrit le 03/06/2023 à 10:29
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Si la TVA de 5,5% devient nulle, ça fait 5,1% de baisse de prix mais ça demanderait à changer toutes les étiquettes des rayons concernés, autant ne rien faire et argumenter que les prix ayant augmenté de 5,1%, c'est le juste prix qui est affiché. :-)...

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