Les Panama papers poussent l’UE à préparer une liste noire des paradis fiscaux

La Commission européenne souhaite créer une liste noire européenne des juridictions non-coopératives d’ici six mois, a déclaré Pierre Moscovici. Un article de notre partenaire Euractiv.
« Je suis scandalisé et furieux face à cette affaire des Panama papers », a déclaré le commissaire européen aux affaires économiques Pierre Moscovici le 7 avril.

Lors d'une conférence de presse à Bruxelles, le commissaire européen aux affaires économiques et financières a présenté une série de réformes des règles européennes en matière de TVA, mais un sujet est venu faire de l'ombre à sa présentation : la fuite sans précédent des 11,5 millions de dossiers du cabinet d'avocats Mossack Fonseca, basé au Panama.

Les Panama papers ont levé le voile sur des sociétés offshore pratiquant l'évasion fiscale. Parmi les personnalités politiques impliquées dans l'affaire se trouvent Vladimir Poutine, le président ukrainien Petro Porochenko, David Cameron, le Premier ministre islandais Sigmundur Davíð Gunnlaugsson, et le commissaire européen en charge de l'action pour le climat, Miguel Arias Cañete.

     Lire : Le commissaire Cañete mis en cause dans les Panama Papers

« Je suis scandalisé et furieux face à cette affaire des Panama Papers », a déclaré Pierre Moscovici le 7 avril. « Nous ne savons pas encore à quel point toutes ces activités sont illégales, mais une chose est sûre [...] elles sont immorales, malhonnêtes et en un mot, inacceptables. »

« Les sommes d'argent, les juridictions et les noms associés à cette affaire sont franchement choquants », a poursuivi le commissaire, avant de déclarer que les juridictions non coopératives étaient les paradis fiscaux, qui doivent tous être inscrits sur la liste noire européenne.

La liste sera prête dans six mois et les paradis fiscaux en question seront sanctionnés, a-t-il affirmé. « L'opinion publique en a assez de ces pratiques scandaleuses. »

Réunion décisive sur les déclarations fiscales

Les compagnies internationales peuvent exploiter leur réseau de filiales et les régimes fiscaux avantageux d'autres pays pour minimiser leurs impôts.

Selon Pierre Moscovici, la pression exercée par l'opinion publique pour démasquer l'évasion fiscale des multinationales est énorme. Cette pratique vide les coffres des gouvernements et fait grimper les impôts des citoyens et des petites entreprises.

Le collège des commissaires doit se réunir le 12 avril à Strasbourg pour discuter de nouvelles mesures pour obliger les entreprises à déclarer leurs bénéfices et impôts payés dans chaque pays dans lequel elles opèrent.

Le projet de loi, prévu dans le cadre de la révision de la directive comptable, va plus loin que les règles mondiales sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), adoptées par l'Organisation de coopération et de développement économiques.

Dans le cadre du plan d'action BEPS, les données déclarées ne sont pas rendues publiques. Des documents divulgués révèlent que la Commission européenne prévoit de rendre les données publiques, mais seulement pour les activités et les bénéfices réalisés à l'intérieur de l'UE.

Les données des filiales situées en dehors de l'UE seront rassemblées et rendues anonymes. Cette loi serait donc moins stricte que les règles européennes de déclarations des banques.

     Lire : Les banques françaises demeurent dans les paradis fiscaux

Pierre Moscovici a laissé entendre que le scandale des Panama papers pourrait encourager les commissaires à aller plus loin que le BEPS sur le reporting pays par pays, et également plus loin que ce qui est présenté dans les documents fuités.

« Si cela est possible, nous devrions aller plus loin sur le reporting public pays par pays », a-t-il estimé. « L'opinion publique nous soutient à ce sujet. C'est ce que les citoyens souhaitent. »

Pierre Moscovici a assuré qu'il ne pouvait pas prévoir ce qu'il se passerait lors de la réunion du Collège des commissaires. « Mais au vu des circonstances, je peux vous assurer que la Commission prendra les mesures nécessaires », a-t-il ajouté.

Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, soutient l'idée d'une publication des informations fiscales des multinationales, depuis que des études ont révélé que cela ne nuirait pas à la compétitivité économique. Une étude similaire concernant les banques a quant à elle montré que de telles déclarations d'activités favorisaient même la compétitivité.

     Lire : Juncker envisage une transparence fiscale plus stricte pour les multinationales

Selon Agence Europe, Jean-Claude Juncker, lui-même impliqué dans le scandale des Luxleaks, aurait ordonné aux responsables européens de durcir les règles fiscales suite aux révélations des Panama papers. L'exécutif enquête déjà sur des accords de complaisance fiscale passés entre certains gouvernements et multinationales pour savoir s'il s'agit d'une infraction aux règles sur les aides d'État.

Tove Maria Ryding, coordinatrice pour la justice fiscale à l'ONG Eurodad, a déclaré avoir entendu des rumeurs selon lesquelles la Commission voulait renforcer la proposition. « Nous espérons que ces rumeurs sont vraies, car le projet de loi qui a été divulgué était complètement inefficace et insignifiant », a-t-elle commenté. « Nous espérons que cette fois-ci, la Commission européenne ne fera pas que parler de transparence fiscale et accompagnera enfin ses belles paroles d'actions pour s'assurer que le public ait accès à des informations réelles. »

      Lire : La Commission timide contre l'évitement fiscal

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CONTEXTE

Les Panama papers ont levé le voile sur des sociétés offshore pratiquant l'évasion fiscale. Parmi les personnalités politiques impliquées dans l'affaire se trouvent Vladimir Poutine, le président ukrainien Petro Porochenko, David Cameron, le Premier ministre islandais Sigmundur Davíð Gunnlaugsson, et le commissaire européen en charge de l'action pour le climat, Miguel Arias Cañete.

Ces fuites surviennent alors que la lutte contre l'évasion fiscale est l'une des priorités de la Commission Juncker. Le scandale des Luxleaks, qui révélait l'évasion fiscale pratiquée par de nombreuses entreprises siégeant au Luxembourg et sanctionnée par l'État, a éclaté juste après la prise de fonction de la Commission. Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, ancien ministre des Finances et Premier ministre du Luxembourg, a également souffert de cette affaire.

Le 18 mars 2015, l'exécutif a donc présenté un paquet de mesures censées améliorer la transparence fiscale, notamment en introduisant un système d'échange automatique d'informations sur les décisions anticipées, ou rescrits fiscaux.

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PROCHAINES ÉTAPES

  • 12 avril: Réunion du collège des commissaires.

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Par James Crisp, EurActiv.com (traduit par Marion Candau)

(Article publié le 8 avril 2016)

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Commentaires 2
à écrit le 13/04/2016 à 16:52
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Fichtre, je suis mort de peur (lol) Tant pis, je me mettrai sur une liste verte...

à écrit le 11/04/2016 à 14:58
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au lieu de refaire une énième liste noire des pays, vous feriez mieux de faire une liste noire des banques, et des financiers. Surtout ceux qui crées ces comptes par milliers. C'est aussi cela le travail de Bercy, et de toutes les autres équipes d'Eu...

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