Si l'état des réserves de munitions en France ont beaucoup fait parler il y a quelques semaines, le sujet du manque de matériel militaire est désormais prégnant en Allemagne. Il est notamment mis en lumière dans le cadre des livraisons à l'Ukraine. De l'aveu même de la ministre allemande de la Défense, Christine Lambrecht, les capacités d'approvisionnement en matériel tiré des réserves de son armée, la Bundeswehr, sont quasiment épuisées. D'autres solutions sont néanmoins à l'étude.
"Pour les livraisons provenant des stocks de la Bundeswehr, je dois dire honnêtement que nous sommes entre-temps arrivés à une limite", a expliqué Christine Lambrecht dans une interview au journal Augsburger Allgemeine.
Des stocks rapidement vidés
Cette limite a été atteinte en quelques semaines à peine : jusqu'au 24 février, l'Allemagne rechignait, pour des raisons historiques, à envoyer des armes en Ukraine - mis à part des casques - en dépit de la montée des tensions avec Moscou. Dès les premiers jours de l'invasion, le chancelier Olaf Scholz tournait casaque pour annoncer des livraisons d'armement prélevés sur les stocks de l'armée allemande, brisant son principe de ne pas exporter d'armes en zone de conflit.
L'Allemagne a ainsi fait savoir fin février qu'elle allait livrer 1.400 lance-roquettes, 500 missiles sol-air Stinger et 9 obusiers à l'Ukraine. Ces annonces ont été renforcées début mars avec 2.700 missiles antiaériens supplémentaires, des missiles Strela de conception soviétique.
Alors que l'Allemagne a largement réduit la part de ses dépenses consacrées à la défense depuis les années 1990, n'opérant une légère remontée qu'à partir de 2018, la Bundeswehr ne peut donc aller au-delà sous peine de dégrader fortement ses capacités en cas d'extension du conflit.
La commissaire à la défense au Bundestag (Parlement), Eva Högl, a ainsi évoqué l'état "alarmant" de la Bundeswehr, tandis qu'un des plus hauts gradés a parlé d'une armée de terre "plus ou moins à sec". Et les annonces d'Olaf Scholz sur la remontée en puissance des investissements à hauteur de 100 milliards d'euros en 2022 mettront du temps avant de se ressentir dans les capacités de l'armée allemande.
L'Ukraine pas convaincue
Une posture qui ne semble pas convaincre le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba. "Il est clair que l'Allemagne peut faire plus, compte tenu de ses réserves", a-t-il affirmé. L'Ukraine souhaite notamment la livraison de 100 véhicules de combat d'infanterie Marder fabriqués par le groupe allemand Rheinmetall. Près de 400 exemplaires ont été livrés à l'Allemagne, qui a amorcé leur remplacement en 2015.
Armin Papperger, patron de Rheinmetall, a affirmé cette semaine au Spiegel que son entreprise pourrait préparer rapidement une vingtaine de blindés, actuellement en cours de maintenance, pour les fournir aux forces ukrainiennes.
Berlin ne veut pas couper pour autant son soutien à Kiev. Et la solution pourrait venir de l'industrie allemande avec la livraison de matériel neuf. Christine Lambrecht a ainsi déclaré dans la même interview : "Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas faire plus pour l'Ukraine, c'est pourquoi nous avons clarifié ce que l'industrie peut fournir directement." Des concertations sont en cours avec Kiev.