Plan de relance : Terra Nova propose de remettre les débats sur la dette à plus tard

Alors que la commission Arthuis vient de remettre son rapport sur l'avenir des finances publiques au premier ministre Jean Castex, l'ex-directrice générale de la BCE, Natacha Valla, et l'économiste du climat Baptiste Perrissin Fabert proposent de "sortir de la controverse sur la gestion de la dette Covid entre 'bons pères de famille' et 'annulationnistes'". Ils recommandent plutôt de veiller à la bonne exécution du plan de relance et la mise en oeuvre d'outils adaptés pour mieux appréhender les répercussions économiques et sociales d'un tel arsenal.
Grégoire Normand
(Crédits : Reuters)

La pandémie a ravivé de vifs débats sur la dette et l'avenir des finances publiques. Depuis maintenant plusieurs mois, les économistes et gouvernements tirent de tous les côtés à coup de tribunes, d'échanges parfois virulents sur les réseaux sociaux ou d'interventions médiatiques. Ce jeudi, l'ancien ministre de l'Economie sous Jacques Chirac, Jean Arthuis a remis son rapport au Premier ministre Jean Castex. Les rapporteurs recommandent "une maîtrise des dépenses dans la durée, qui fasse reposer les efforts sur des transformations structurelles".

La crise a obligé la plupart des grands Etats européens à s'endetter à des niveaux vertigineux pour soutenir le tissu productif et la main d'oeuvre. Au printemps dernier, le chef de l'Etat Emmanuel Macron avait déclaré la guerre au virus "quoi qu'il en coûte". La Banque centrale européenne (BCE) a rapidement amplifié ses programmes de rachats d'actifs publics et a assuré que sa politique monétaire ultra accommodante serait poursuivie. Dans les institutions européennes, le débat sur la révision des règles budgétaires inscrites dans les traités monte en puissance.

Dans ce contexte pandémique, les économistes Natacha Valla, doyenne de l'Ecole du management et d'innovation de Sciences Po Paris, ancienne directrice générale adjointe de la BCE et Baptiste Perrissin Fabert, spécialiste du climat proposent de remette à plus tard les débats sur le remboursement de la dette Covid. "Nous proposons donc une troisième voie pragmatique pour sortir des postures : remettre à plus tard - un « plus tard » qui ne correspond pas aux calendes grecques mais est explicitement défini en fonction des circonstances macroéconomiques - le sujet de la gestion de la dette pour nous concentrer sur l'exécution des plans de relance [...] Le diable est dans l'exécution et dans la rapidité de décaissement sur les projets à fort impact" expliquent les deux auteurs  dans note pour le centre de réflexion Terra Nova dévoilée ce jeudi 18 mars. Il regrettent notamment que cet aspect soit souvent délaissé par les chercheurs.

> Lire aussi : Plan de relance : 26 milliards d'euros engagés, combien réellement dépensés ?

Veiller à la bonne exécution des plans de relance

En France, l'annonce du plan de relance de 100 milliards d'euros au mois de septembre 2020 a suscité de l'optimisme dans certains milieux économiques et financiers. Cette enveloppe qui traduit une politique orientée principalement en faveur de l'offre et des entreprises a permis à l'exécutif de regonfler le moral des entrepreneurs. Il reste que l'exécution du plan de relance divisé en trois chapitres (écologie, compétitivité et cohésion) reste soumis à plusieurs contraintes sanitaires et arbitrages politiques. En effet, le prolongement de la crise sanitaire a obligé le gouvernement a mettre en oeuvre à plusieurs reprises des épisodes de confinement et des mesures d'endiguement dans les régions les plus touchées. Si cette stratégie territorialisée permet d'éviter un confinement général, la multiplication des variants depuis maintenant plusieurs mois et les tensions hospitalières freinent sans cesse le début d'une reprise économique rapide et solide. En outre, si le gouvernement a affirmé à plusieurs reprises qu'il avait déjà déployé plusieurs dizaines de milliards sur les territoires, une partie de ces sommes engagées relèvent parfois des mesures d'urgence ou servent à assurer des dépenses de fonctionnement. Dans un rapport parlementaire remis en novembre dernier, le sénateur (Les Républicains) et rapporteur général du budget Jean-François Husson exprimait quelques réserves.

"Certaines de ces dépenses portent sur le fonctionnement, sur les achats courants des ministères (tasers et caméras-piétons pour les forces de sécurité, matériels informatiques pour les agents publics...), voire même sur la contribution à une organisation internationale. Elles apportent ainsi un financement complémentaire à des dispositifs existants (par exemple du ministère de la Culture). Le financement de l'activité partielle, des associations d'aide aux personnes en précarité ou à l'hébergement, par exemple, relèvent plus de la gestion d'une situation d'urgence. L'impact d'un grand nombre de ces mesures en termes de relance de l'économie française paraît donc douteux."

En outre, les économistes taclent la mise en oeuvre du haut commissariat à la relance présidé par François Bayrou. "En France, le retour du « plan » avec la nomination de François Bayrou comme Haut-Commissaire au Plan n'a pas encore démontré son utilité" soulignent-ils.

> Lire aussi : François Bayrou et le retour en grâce du Plan, sans la planification

Green New Deal, la "bonne direction"

Le chemin emprunté par l'exécutif de la Commission européenne est globalement salué par les deux auteurs. "C'est la première fois que l'Europe se dote d'une stratégie de transition écologique aussi articulée, avec le bon niveau d'ambition" soulignent-ils. L'adhésion d'une bonne partie de la population européenne aux enjeux climatiques est un bon signal pour enclencher une vaste politique en faveur de la transition énergétique ajoutent-ils. Malgré cette adhésion de l'opinion publique, de nombreux obstacles et défis demeurent. En premier lieu, les économistes pointent la nécessité d'obtenir le soutien des catégories populaires dans cette transition. L'épisode de la taxe carbone qui avait mis le feux aux poudres au moment de la crise des gilets jaunes en novembre 2018 reste à cet égard particulièrement marquant. "Les populistes ne tarderont pas à faire le pari d'un regain anti-écolo dans les classes populaires si les politiques de transition écologique ne sont pas soucieuses à leur capacité d'adhésion" avertissent-ils.

Grégoire Normand
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