Zone euro : la BCE enregistre sa première perte en... vingt ans

Pour son exercice 2023, la Banque centrale européenne a enregistré une perte de 1,3 milliard d'euros. En cause, sa politique de hausse des taux directeurs induite par le contexte inflationniste, consécutif à l'éclatement de la guerre en Ukraine.
La dernière perte nette de la BCE avait été enregistrée en 2004, à hauteur d'1,6 milliard d'euros.
La dernière perte nette de la BCE avait été enregistrée en 2004, à hauteur d'1,6 milliard d'euros. (Crédits : Reuters)

Une première depuis vingt ans. Ce mercredi, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé avoir subi une perte de 1,3 milliard d'euros en 2023, continuant à payer une lourde facture pour sa politique de hausse des taux, un retour à l'équilibre n'étant pas attendu avant quelques années.

La perte présentée ce mercredi représente le quatrième recul annuel de suite du résultat, depuis le bénéfice de 2,4 milliards d'euros en 2019, selon un communiqué de la BCE. Et pour rappel, la dernière perte nette avait été enregistrée en 2004, à hauteur de 1,6 milliard d'euros.

Par ailleurs, la BCE précise que résultat de l'année 2023 aurait été négatif de 7,9 milliards d'euros, sans l'assèchement de la provision pour risques, à hauteur de 6,6 milliards d'euros, qui a permis d'éponger partiellement cette perte. Grâce à ce coussin financier, la BCE avait encore pu afficher un solde équilibré en 2022, au lieu d'une perte.

L'inflation pointée du doigt

Le retournement, après « près de deux décennies de bénéfices substantiels », « reflète le rôle et la nécessité » de l'action de la BCE et des banques centrales nationales pour lutter contre l'inflation, explique l'institution. Fort de ce contexte, la BCE a décidé d'augmenter les coûts d'emprunt à un rythme sans précédent depuis juillet 2022, après que la guerre en Ukraine a fait grimper les coûts de l'énergie et des denrées alimentaires. Aujourd'hui, son taux directeur est maintenu à 4,5%, un record.

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Les taux plus élevés ont « entraîné une augmentation des charges d'intérêt » payées aux banques centrales de la zone euro, explique le communiqué de la BCE. Résultat ? Une facture de plus de 14 milliards d'euros d'intérêt l'an dernier, contre 2 milliards en 2022. 

Dans le même temps, les intérêts perçus sur la masse d'obligations accumulées par la BCE au cours des années de lutte contre la crise n'ont pas suivi. Ces actifs sont assortis de taux d'intérêt fixes et d'échéances longues, et ont été rachetés lorsque les coûts d'emprunt étaient très bas. Cet effet de ciseau dans les comptes financiers fait que la BCE devrait « subir des pertes au cours des prochaines années », selon son rapport annuel.

Des bénéfices attendus durant les prochaines années

Dans le futur, l'institution s'attend par contre à « des bénéfices soutenus », sans préciser l'échéance. Cela dépendra de la vitesse de réduction de son bilan et de la baisse des taux. La perte de 2023 viendra toutefois « compenser les bénéfices futurs », a décidé le conseil des gouverneurs de la BCE. Quoiqu'il en soit, la solidité financière de l'institution gardienne de l'euro est assurée, avec des capitaux propres de près de 46 milliards d'euros, incluant d'importantes réserves de réévaluation, selon le rapport de l'institution.

La perte essuyée l'an dernier n'aura donc « aucun impact sur la capacité à mener une politique monétaire efficace », explique la banque centrale. Mais tout comme la BCE, les banques centrales nationales de la zone euro devraient afficher, pour certaines d'entre elles, de lourdes pertes au titre de 2023.

2024, année de la baisse des taux de la BCE ?

Le scénario d'une baisse des taux directeurs de la BCE en 2024, de nature à relancer la croissance de l'activité, est-il envisageable ? Oui, si l'on en croit les derniers propos de la présidente de la BCE, tenus mardi 30 janvier, lors d'une interview sur la chaîne américaine CNN.

« Il peut y avoir plusieurs pauses, mais le prochain mouvement se fera à la baisse », avait-elle déclaré, en précisant que les membres du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) étaient sur la même ligne.

Avant de marteler : « Si nous avons le choix entre augmenter et réduire, ce sera de les réduire. »

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Reste donc à fixer le calendrier. Si Christine Lagarde a récemment évoqué la probabilité d'une baisse des taux « aux alentours de juin », plusieurs analystes tablent sur « avril ». Les investisseurs « ont interprété son absence de forte opposition aux suggestions de baisses de taux à partir d'avril comme un signal » renforçant ainsi les attentes d'une première réduction en avril, détaillait il y a quelques semaines à l'AFP Patrick Munnelly, analyste chez Tickmill.

Une interprétation soutenue par les propos de Peter Kazimir, membre du conseil des gouverneurs de la BCE, qui a de son côté évoqué, lundi 29 janvier, une première réduction de taux d'ici avril ou juin, selon l'agence Bloomberg.

L'évolution des salaires, indicateur clé

L'évolution des salaires en Europe est particulièrement observée par les banquiers centraux pour déterminer l'évolution de la politique monétaire. Au cours de la dernière réunion des gouverneurs à Francfort, la BCE a martelé que la croissance des salaires serait le facteur le plus important pour décider, ou non, d'une baisse de taux.

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L'envolée des prix sur le Vieux Continent - et en France - depuis 2022 a mis le budget des ménages sous pression. Dans la plupart des pays, les salaires sont désindexés de l'indice des prix à la consommation. Résultat, les salaires réels ont eu tendance à baisser l'année dernière.

L'inflation sous-jacente est également un indicateur très surveillé par les banques centrales de la zone euro. L'inflation hors prix de l'énergie et de l'alimentaire devrait s'établir à 2,7% en 2024 et 2,1% en 2025, contre 5% en 2023, selon l'Eurosystème. Or, ces prévisions dépendent grandement de la conjoncture. Un nouveau choc pourrait faire bondir l'indice général des prix.

(Avec AFP)

Commentaires 4
à écrit le 23/02/2024 à 16:26
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Il fût un temps, dès la création de l'Euro, l'économie européenne était la première économie mondiale. Aujourd'hui,, elle a régressé à la troisième place derrière les Etats -Unis et la Chine! Aujourd'hui, on nous demande d'investir nos économies, ...

à écrit le 23/02/2024 à 13:50
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Tiens, cela me fait penser au début de la dette de la France , devenue abyssale, depuis l'avènement des financiers politiciens, aux commandes de l'économie, aux détriments de ceux devenue qui rapportent du capital (capitaines d'industries, entrepren...

à écrit le 23/02/2024 à 7:56
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Peut-être que de payer ses larbins comptables avec des salaires à 5 chiffres ça pèse sur le bilan du truc non ? Alors oui ce sont de bons serviteurs mais par contre côté intellectuel c'est grave.

à écrit le 22/02/2024 à 17:25
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Une paille pour "un prêteur en dernier ressort" - une banque centrale - et un simple jeu d'écriture comptable. Donc pas de quoi "fouetter un chat" à part jouer sur le sensationnel!

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