Régionales : le climat pourrait faire la pluie et le beau temps dans les Pays de la Loire

Dans les Pays de la Loire, le scrutin promet d’être serré. Perdue par la gauche en 2015, la région, dirigée par la candidate LR Christelle Morançais, pourrait, faute d’accords, jouer son avenir sur une quadrangulaire. Démarrée mollement, la campagne pourrait se focaliser sur la question climatique plus facile à cerner que les grands projets structurants pas toujours lisibles par l'ensemble des électeurs.
Les candidats (de gauche à droite) : Guillaume Garot (PS), Christelle Morançais (LR), présidente sortante, Matthieu Orphelin (EELV, Génération écologie, Générations, LFI...), François de Rugy (LREM) et Hervé Juvin (RN).
Les candidats (de gauche à droite) : Guillaume Garot (PS), Christelle Morançais (LR), présidente sortante, Matthieu Orphelin (EELV, Génération écologie, Générations, LFI...), François de Rugy (LREM) et Hervé Juvin (RN). (Crédits : DR)

« On parle un peu de sécurité, d'écologie sociale... Mais quels sont les vrais enjeux pour le territoire au-delà du plan de relance ? Hier, on parlait de l'aéroport, aujourd'hui, c'est quoi le sujet structurant de la région. Je suis incapable de le dire ! », observe Martine Long, enseignante-chercheuse en droit public à l'Université d'Angers alors que dans les Pays de la Loire, la campagne a véritablement démarré avec l'annonce, le 7 mai dernier, de la candidature de la présidente sortante Christelle Morançais (LR).

« Enfin ! », réagissait Guillaume Garot, tête de liste du Printemps des Pays de la Loire (PS), qui avait ouvert de bal dès septembre dernier et la pressait depuis des semaines d'entrer dans la campagne. Une compétition où, selon une enquête nationale et régionale réalisée du 22 au 26 avril par le réseau Action Climat France et l'institut Harris Interactive, 78% des électeurs indiquaient que la question du climat sera déterminante dans leur vote. Dans les Pays de la Loire, 53% estiment que la région n'en fait « ni trop ni pas assez » et 42% considèrent « qu'elle n'en fait pas assez » sur ce sujet.

Selon l'étude, les attentes des Ligériens, calées sur les dynamiques nationales, portent sur des enjeux liés à la sécurité, l'emploi, l'éducation, la formation, l'apprentissage et le climat. Ce n'est donc pas un hasard si, d'entrée, la candidate LR a indiqué à la surprise générale qu'elle investirait 3 millions d'euros pour sécuriser le territoire. Un domaine pourtant loin des compétences de la région où « la campagne n'a, pour l'instant, pas décollé », observe le politologue Arnauld Leclerc, professeur de sciences politiques à l'Université de Nantes. Une campagne « terne et sans visibilité », selon ces observateurs de l'univers politico-régionale, où, outre Christelle Morançais et Guillaume Garot, se sont alignés l'écologiste Matthieu Orphelin (EELV, Génération écologie, Générations, LFI...), l'ex-ministre de la transition écologique et ex-président de l'Assemblée Nationale, François de Rugy, pour défendre les couleurs de la République en Marche (LREM), l'économiste et député européen Hervé Juvin (Rassemblement National), l'ex-conseillère régionale Cécile Bayle de Jéssé (Debout la France), le technicien au chantier de l'Atlantique Eddy Le Beller (Lutte Ouvrière) et la naturopathe Linda Rigaudeau (Un nôtre monde Pays de la Loire).  Ils sont, désormais, huit (trois femmes, cinq hommes) sur la ligne de départ.

La question du leadership

A l'exception d'un sondage réalisé en janvier par les écologistes, « aucune autre enquête fiable n'est accessible », regrette Arnauld Leclerc. « Et à l'époque, aucune opinion n'était cristallisée », tempère-t-il. Que disait ce sondage ?  Que le candidat Matthieu Orphelin, tête de liste d'Ecologie ensemble, citoyenne et solidaire, soutenu par le Parti Socialiste et l'UDB (Union Démocratique Bretonne) récolterait 29% des voix, devant François de Rugy (25%), Christelle Morançais (24%) et Hervé Juvin 19%.  Ça, c'était il y a cinq mois. Guillaume Garot a depuis refusé la main tendue de Matthieu Orphelin. « Dans ce combat, la grande question est de savoir qui aura le leadership au second tour entre les écolos et les socialistes. Et pour la première fois, les écolos pourraient bien les dépasser. De toutes façons, Christelle Morançais devrait être devant. Et je ne suis pas sûr que François de Rugy rassemble 25%. Même si les Pays de la Loire sont, comme la Bretagne, un bastion électoral de LREM, où se sont agglomérés des bobos de centre-ville, des déçus de la gauche et des écolos, et d'une partie des Républicains depuis les Européennes, j'ai du mal à croire que les « hésitations politiques et les trajectoires opportunistes » de François de Rugy mobilisent autant...», estime Arnauld Leclerc. Dans cette perspective, vers qui irait ce report de voix ? Mystère.

Pas de débat sur l'économie

L'autre inconnue, c'est le poids du Rassemblement National (RN). Lors du scrutin de 2015, la liste FN, emmenée par Pascal Gannat, avait récolté 21.35% au premier tour et presque autant au second (19.7%). Il a été depuis écarté par le R.N pour s'être un peu trop rapproché de Marion Maréchal. Et c'est donc le député européen Hervé Juvin qui a été désigné. « Dans ce parti, que le candidat n'ait ni visage ni profil n'a aucune importance. Hormis les convaincus, le RN rassemble les mécontents de la gauche et des Républicains. Mais à 20%, ça bouscule les lignes », rappelle Arnauld Leclerc, surpris par le peu d'ambitions de la campagne en cours. « La droite va s'appuyer sur ce qu'elle a fait. Mais il y a finalement eu peu d'actions dans le développement économique des filières. On a vu une distribution de subventions aux petits maires, un peu d'actions sur l'apprentissage, très peu sur la recherche où les investissements sont très faibles. A l'exception de la symbolique feuille de route pour l'hydrogène, les investissements ont été très « light » en faveur de la transition énergétique. D'ailleurs, on ne voit pas de débat sur l'économie. C'est un sujet dont on a du mal à parler en France et ce n'est pas vendeur», dit-il.

Des programmes dispersés

A travers de petits spots vidéo diffusés sur les réseaux sociaux, l'actuelle présidente de la région martèle qu'elle n'est pas une professionnelle de la politique, qu'elle a eu une vie avant - de chef d'entreprise -, qu'elle va défendre l'emploi, notamment sur les métiers en tension, et lutter contre les problèmes de recrutement et l'assistanat « qui pousse les gens à rester chez eux plutôt que d'aller travailler ». De son côté, Matthieu Orphelin, visiblement le plus actif dans la communication, a dégainé 50 propositions pour assurer le rebond écologique de la région. « Et on en a deux cents sous le coude », assure-t-il. Guillaume Garot, lui, veut (re)faire basculer la région à gauche. L'élection avait été perdue par Christophe Clergeau, dauphin du socialiste Jacques Auxiette, en 2015 face à Bruno Retailleau, qui deux ans plus tard avait confié les clés de la région à Christelle Morançais. Le député mayennais Guillaume Garot, ex-maire de Laval, ex-ministre délégué à l'agroalimentaire sous les gouvernements Ayrault, s'efforce de rassembler autour des déserts médicaux en Mayenne, de la culture, d'un fonds anti-faillite de 200 millions d'euros pour venir en aide à 500 TPE-PME ou de la gratuité des TER pour les 18-26 ans.

François de Rugy, qui entend « bâtir ensemble la Région de tous les progrès » et tend à faire oublier l'histoire des homards, a commencé par aller visiter... un restaurant au Mans. « Et, on voit le RN aller sur l'écologie en faisant du circuit court et de l'alimentation de proximité des questions nationalistes avec le risque de dérouler le tapis de l'écologie à Matthieu Orphelin... », note le politologue pour qui mener campagne en pleine pandémie constitue un vrai défi. « Ils n'ont plus de militants. Les effectifs des partis se sont réduits d'année en année et les candidats manquent de relais. Alors, ils doivent apprendre à faire campagne à distance.»

L'équilibre des territoires oublié

Pour sa collègue angevine, Martine Long, « on ne peut pas dire qu'il y ait une grosse visibilité, le débat est focalisé sur les personnalités et on oublie les projets régionaux. Pas un programme, par exemple, ne mentionne l'équilibre des territoires. Or, c'est une question fondamentale dans un scrutin où parmi les quatre-vingt-treize sièges, trente-cinq sièges iront à la Loire-Atlantique, dix-neuf au Maine-et-Loire , dix-sept en Vendée, quinze dans la Sarthe, sept en Mayenne... Comment, alors, ces territoires excentrés peuvent-ils peser dans l'aménagement des territoires ?  C'est sûr que les enjeux ne sont pas de la même couleur... » Et les débats enflammés d'hier autour de l'avenir de l'aéroport n'ont plus d'objet même si les clivages perdurent. « Les habitants sont partagés sur l'extension de l'aéroport de Nantes. Une courte majorité (55%) défendrait plutôt une suspension de ce projet, quand 44% soutiendraient son maintien », précise l'enquête de réseau Action Climat France et de l'institut Harris Interactive.

Le débat ne fait-il plus recette ? « L'opinion publique a la tête ailleurs. Les contenus des programmes ont peu d'importance. Ce qui compte, ce sont les équipes et que les candidats soient des gestionnaires politiques localement fiables. Beaucoup de gens ignorent l'élection et méconnaissent les candidats. Et pourtant, comparée au no man's land des départementales, la région est le seul outil ayant une capacité d'investissement importante. C'est d'ailleurs devenu un théâtre de visibilité pour les poids lourds de la politique », ajoute-t-il, redoutant une abstention record dans un scrutin où habituellement un électeur sur deux ne se déplace pas. Ce qui pourrait faire la différence? « C'est la capacité à rassembler au-delà des étiquettes politiques. A condition de donner du sens et transmettre des valeurs... », esquisse Martine Long.

Faute d'accord entre les candidats du PS et de l'Ecologie ensemble, citoyenne et solidaire, et notamment d'un rapprochement entre LR et LREM dont Christelle Morançais a besoin pour conserver la région, le second tour pourrait se solder par une quadrangulaire.  « Le résultat se fait toujours par l'abstention, et en phase de pandémie, l'incertitude de la participation est réelle avec des gens qui ont été enfermés tout l'hiver et une bonne partie du printemps », note Arnauld Leclerc. Si en plus, on leur prend deux week-ends ensoleillés...

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Commentaires 2
à écrit le 27/05/2021 à 18:23
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Curieux article, en fait le sujet dans toutes les têtes dans la très technocratique PDL est la tension créée par le désir de la L.A. de rejoindre sa région d‘origine, en l‘occurence la Bretagne. Je me souviens du lapsus révélateur du 1er ministre qui...

à écrit le 27/05/2021 à 12:30
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"L'écologie sociale" : N'importe quoi ! L'écologie n'a rien à voir avec le social. Quand au "climat", il est évident que la politique ne peut rien pour lui. La politique, ça devient de plus en plus n'importe quoi, le vulgum pecus ne sachant plus vers...

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