Asphyxiées par les prix de l’énergie, les PME pressent le gouvernement d’agir

Alors que nombre de petites et moyennes entreprises voient leur avenir menacé par l’explosion des factures d’énergie, la CPME compte bien peser dans les décisions du gouvernement au sujet des mesures d'aides à venir. Car, selon l'organisation patronale, celles-ci devront être élargies, sans quoi plusieurs milliers de sociétés risquent de se retrouver dans une impasse.
Marine Godelier
François Asselin, président de la CPME.

« Le couperet tombe le 30 novembre ». Laurent Pillard le sait : après cette date fatidique, le contrat d'électricité de ses deux entreprises, l'organisme de formation Léna Conseil et de l'imprimerie L'Agence 46, arrivera à échéance. Il faudra bien le renouveler, mais à quel prix ? « Mon fournisseur m'a proposé de le prolonger pour 75.000 euros en 2023 », souffle-t-il. Soit 16 fois plus que les 4.500 euros qu'il aura payé en 2022, alors même qu'il ne pourra pas répercuter ces charges sur les montants des formations, très encadrés.

Depuis plusieurs semaines, les témoignages de ce type s'enchaînent : partout en France, des dirigeants de petites et moyennes entreprises (PME) tirent la sonnette d'alarme. Selon les calculs de la CPME, l'organisation patronale qui les représente, pas moins de 150.000 d'entre elles seraient même confrontées à une « impasse » à cause de la flambée des prix de l'énergie. « Leur modèle économique est complètement percuté. [...] Si rien n'est fait, il y a un risque systémique », a alerté jeudi son président, François Asselin, à l'occasion d'un point organisé avec la presse.

Faciliter l'accès aux aides en supprimant le plafond  du compteur

Pourtant, sur le sujet, le gouvernement se veut rassurant : l'Etat « ne laissera tomber personne », répète à l'envi le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire. Fin septembre, Emmanuel Macron avait d'ailleurs demandé aux entreprises d' « attendre » avant de payer des contrats à « des prix fous ». Et ce, au moins jusqu'au 1er novembre, date à laquelle « les critères pour les PME » qui souhaitent bénéficier du bouclier tarifaire « vont bouger », avait précisé l'exécutif dans la foulée. D'ici là, la CPME compte donc se faire entendre. Le mot d'ordre martelé par François Asselin: « simplifier » le recours aux aides parce que les dispositifs actuels « ne correspondent pas à la réalité des entreprises ».

D'abord, l'organisation patronale demande que les TPE de moins de 10 salariés et au chiffre d'affaires inférieur à 2 millions d'euros puissent bénéficier du tarif réglementé de vente (TRV) de l'électricité, et ce, quelle que soit leur consommation d'énergie. Aujourd'hui, leur éligibilité se trouve en effet soumise à une condition stricte : le compteur ne doit pas dépasser 36 kilovoltampère (kVA). « Mais vous prenez un primeur qui a deux frigo, et il dépasse déjà cette limite ! Celui-ci ne peut donc pas bénéficier du TRV », a défendu le président de la CPME.

+247% d'augmentation

A l'image de Mecanhydro, une TPE basée près de Chambéry, spécialisée dans la réparation des engins de levage pour le secteur du BTP ou des bennes à ordures ménagères. Car même si cette petite société ne dépasse pas les seuils d'éligibilité en termes de salariés, au nombre de six, et de chiffre d'affaires (991.000 euros), sa consommation, qui correspond à un compteur supérieur à 36 kVA, l'empêche tout bonnement d'accéder au bouclier tarifaire.

Et pourtant, l'explosion à venir de ses frais donne le tournis : de 7.571 euros en 2022, la facture annuelle devrait grimper à 18.608 euros en cas de souscription au même tarif pour trois ans auprès d'un petit fournisseur alternatif, ekWateur (soit 146% de hausse). Et si sa dirigeante, Marie-Emmanuelle Contesse, décide de ne signer que pour deux ans, comme le lui propose son fournisseur actuel TotalEnergies, la note pourrait bondir jusqu'à 26.291 euros - une augmentation de 247 % !

« J'ai récemment reçu un courrier recommandé de TotalEnergies m'expliquant que, si l'on n'a pas trouvé d'autre fournisseur avant le 1er janvier 2023, un tarif de 3.000 euros le mégawattheure (MWh) nous serait facturé. Quand on signé en 2020, le MWh était à 72 euros », précise Marie-Emmanuelle Contesse.

Distorsion entre les entreprises

Par ailleurs, pour ce qui est du soutien aux entreprises ne pouvant, de toute façon, pas bénéficier du TRV (plus de 10 salariés et chiffre d'affaires supérieur à 2 millions d'euros), les conditions d'accès au soutien financier de l'Etat doivent, elles aussi, être assouplies, a plaidé jeudi François Asselin.

S'il ne s'agit pas de demander un nouveau « quoi qu'il en coûte », celui-ci considère, en revanche, impératif d'élargir le nombre de bénéficiaires.

Concrètement, toutes les sociétés dont la facture d'énergie dépasse 3% du chiffre d'affaires, et a doublé sur une période donnée en 2022, « devraient être éligibles » à une aide, et ce, sans conditions de baisse du résultat brut d'exploitation (Ebitda).

« [Exiger une réduction de l'Ebitda] ne peut pas fonctionner. Combien de PME sortent un compte de résultat tous les mois ? Quand bien même elles le feraient, [les services chargés d'examiner la demande] vont demander des comptes certifiés ! », a justifié François Asselin.

La situation est d'autant plus urgente que toutes les PME ne sont pas logées à la même enseigne. « La crise du Covid avait un avantage : n'importe quelle société était impactée de près ou de loin. Aujourd'hui, notre contrat de 3 ans chez TotalEnergies s'arrête au pire des moments pour nous », regrette Marie-Emmanuelle Contesse.

Une distorsion qui risque également de favoriser des entreprises étrangères, estime pour sa part Jean-Dominique Regazzoni, qui dirige deux PME dans l'industrie textile, employant 110 salariés.

« On a été obligés d'augmenter nos prix pour payer la hausse des coûts de l'électricité. Mais je pense qu'on risque de perdre des clients, qui pourraient décider de se tourner vers des fournisseurs étrangers, lesquels redeviennent compétitifs », fait-il valoir.

Solution européenne

De fait, le sujet ne se résume pas qu'à la France. Au-delà des mesures nationales, la CPME espère d'ailleurs obtenir « une solution européenne » à la crise. Le ministère de l'Economie lui-même cherche d'ailleurs depuis plusieurs semaines à décrocher une réforme à l'échelle des Vingt-Sept, afin de « découpler les prix du gaz et de l'électricité ». Pour cela, Bruno Le Maire plaide en faveur l'extension du « mécanisme ibérique » qui consiste à plafonner le prix du gaz utilisé pour produire de l'électricité, comme en Espagne et au Portugal.

Mais l'efficacité d'un tel dispositif, de toute façon prévu pour être temporaire, n'est pas assurée. Surtout, l'Allemagne bloque pour l'heure toute réforme de ce type, au grand dam de la France.

Marine Godelier

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Commentaires 13
à écrit le 23/10/2022 à 10:12
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F Asselineau "NOUVEAU BRAS D'HONNEUR DE L'ALLEMAGNE À LA FRANCE On peut comprendre le mépris des Allemands pour Macron. Mais en le traitant comme un paillasson,Berlin offense aussi les Français. Face à ces humiliations à répétition, Macron doit réa...

à écrit le 22/10/2022 à 19:34
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Bonjour, dire que beaucoup était passer cher des opérateurs concurrentiel a EDF pour profiter des prix attractifs.... Malheureusement, avec la crise de l'énergie, se n'est plus une bonne affaire... Et maintenant, ils faut les aidé à payé la grosse ...

à écrit le 22/10/2022 à 15:19
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"La France pourrait produire autant de gaz que la Russie | Idriss Aberkane" Excellente vidéo d’Idriss Aberkane, comme d’habitude. 32 mn de vidéo absolument positive sur notre avenir, si nous le voulons, si nous l’exigeons. QQu' un saurait-il...

à écrit le 22/10/2022 à 13:24
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Cela dit les énergies fossiles, le nucléaire représentant le mal absolu il ne reste plus grand chose pour produire de l'électricité donc ne nous étonnons pas de l'envolée de son prix . Il fallait réfléchir avant de voter PS en 2012 car l'initiateur ...

à écrit le 22/10/2022 à 13:20
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Un contrat d'électricité multiplié par 16 j'ai un peu de mal à y croire, les impôts n'ont pas vocation à aider tous les canards boiteux , il va falloir faire de la sélection et des entreprises doivent et vont disparaître, d'autres naîtront.

à écrit le 22/10/2022 à 13:20
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Un contrat d'électricité multiplié par 16 j'ai un peu de mal à y croire, les impôts n'ont pas vocation à aider tous les canards boiteux , il va falloir faire de la sélection et des entreprises doivent et vont disparaître, d'autres naîtront.

à écrit le 22/10/2022 à 0:13
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56 réacteurs nucleairs en France est la prix plus élévée de l'energie dans l'UE la France c'est une vraie térritoire dumerde

à écrit le 21/10/2022 à 21:27
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Fallait pas voter Macron. Fallait pas laissés les va-t-en-guerre s'approprier le navire en toute impunité. Comme il n'y aura pas de retour en arrière sans souffrance, vous allez souffrir. On retournera parler poliment à la Russie et implorer un bidon...

à écrit le 21/10/2022 à 21:23
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Ce n'est pas comme si les entreprises ne touchaient pas déjà 160 milliards annuels d'argent public !

le 22/10/2022 à 13:22
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Vous avez raison il faut supprimer toutes aides fiscales et sociales aux entreprises et aussi aux citoyens

à écrit le 21/10/2022 à 21:19
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J'en connais un qui regrette d'avoir mené sa "guerre" à coup de plusieurs centaines de milliards d'euro il y a trois ans.

à écrit le 21/10/2022 à 20:31
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Le gouvernement ne peut pas accorder toute une panoplie de concessions fiscales aux entreprises du CAC 40 (les niches) et de l'autre faire de la relance budgétaire pour soutenir les PME. C'est la rançon de la gloire de l'économie de l'offre chère à l...

à écrit le 21/10/2022 à 19:44
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L'état pourrait prendre pour exemple ce qu'il a fait après le vote de la loi sur les droits des malades où les assureurs responsabilité civile des médecins paniqués à l'idée d'avoir un surcroit de sinistres en responsabilités ont résilié des milliers...

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