Où va s'arrêter Boursorama ? La banque en ligne, avec 4,3 millions de clients à la fin septembre, creuse définitivement l'écart, et de loin, avec ses principaux rivaux en France, comme N26, Orange Bank, Fortuneo ou bien Hello ! Bank. A ce rythme, la filiale de Société Générale aura gagné quelque 1,5 million de clients sur un an, du jamais vu pour un challenger. L'objectif de 4,5 millions de clients sera donc atteint, voire dépassé, à la fin de l'année avec deux ans d'avance sur le plan de marche fixé à la fin 2020.
C'est le fruit d'une stratégie de conquête tous azimuts mise en place en 2015 qui repose sur trois piliers : des offres de bienvenues alléchantes, une offre complète de produits et services simples et une tarification parmi les moins chères du marché sur le thème « gagnez 200 euros par mois sur vos frais bancaires ». Comme le répète souvent Benoît Grisoni, le directeur général de Boursorama, « le pouvoir d'achat est toujours à la mode ».
140.000 nouveaux clients en novembre
Le partenariat noué avec ING, qui a fermé ses activités de détail en France, - un accord pour faciliter le transfert des comptes vers Boursorama, avec un bonus de bienvenu pouvant aller jusqu'à 320 euros - lui a permis de récupérer 315.000 clients sur 500.00 éligibles. La prime moyenne obtenu par les ex clients d'ING serait d'une centaine d'euros, soit plus de 30 millions d'euros. Surtout, cette opération commerciale inédite en France lui a permis de drainer 8 milliards d'encours d'épargne et une clientèle plus patrimoniale et plus âgée.
Ce qui ne l'a pas empêché d'embrayer à nouveau sur une nouvelle campagne de conquête, avec à la clé, un nouveau spot TV humoristique et même une prime de 150 euros, sans grande condition pour en bénéficier. Selon une source interne, la banque devrait recruter pas loin de 140.00 nouveaux clients en novembre. Bref, depuis 2015, le tempo est toujours le même : relancer sans cesse la machine, les campagnes commerciales, les chèques de bienvenu.
Bien sûr, tout cela a un coût. Le poste consacré à l'acquisition de clientèles représente pas moins de 50% des charges d'exploitation, et ce malgré une baisse de 35% du coût d'acquisition, ramené par client, en 2022. C'est un coût qui n'est pas amorti et donc qui n'est comptabilisé qu'une seule fois. N'empêche, Boursorama perd de l'argent depuis 2015 et devrait logiquement creuser encore ses pertes en 2022.
Options ouvertes pour 2023
Selon le plan stratégique présenté en 2020, Boursorama doit lever le pied sur la conquête une fois les objectifs commerciaux atteints pour parvenir à la profitabilité, soit 100 millions d'euros de résultat net en 2024 et 200 millions en 2025, pour un retour sur fonds propres de 25%. En avance sur son plan, la banque en ligne pourrait aussi atteindre plus rapidement la rentabilité en réduisant son budget de promotion. Aucune décision ne semble prise. Et pour cause. Il reviendra au nouveau directeur général de Société Générale Slawomir Krupa, qui doit prendre ses fonctions avant le 17 mai prochain, de trancher sur l'avenir de Boursorama : poursuivre la conquête au maximum de la profondeur du marché ou engranger dès 2023 les bénéfices de la stratégie menée depuis 2015.
La question est ouverte à ce jour mais Boursorama est suffisamment arrivée à maturité pour laisser toutes les options ouvertes à son actionnaire. La banque pourrait également saisir de nouvelles opportunités de croissance externe, comme elle a pu le faire avec la reprise d'une partie du fonds de commerce d'ING France.
Certes, la montée des taux représente une bouffée d'oxygène pour les « néobanques », surtout celles qui ont réussi à collecter des dépôts et de l'épargne. Mais la santé financière des banques numériques reste fragile. Elles continuent à perdre de l'argent, à l'exception de Fortuneo (qui a privilégié l'épargne sur la conquête) et de Nickel (BNP Paribas), une approche originale fondée sur un compte standard payant distribué par des commerces spécialisés (bureaux de tabac), qui se duplique d'ailleurs à l'identique à l'international.
Tous les regards se tournent vers Orange Bank, qui accumule les pertes (880 millions d'euros au total) et qui fait l'objet d'une « revue stratégique » - un néologisme pour désigner un processus de vente totale ou partielle ou de cessation d'activités - depuis le changement de direction à la tête du groupe télécoms. L'histoire, déjà ancienne de Boursorama, peut encore surprendre.
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