La "team" Banque Populaire a mis à l'eau ce mardi son nouveau bateau de course : un bolide de 32 mètres de long et de 16 tonnes, capable de filer à 100 km/h sur les flots et de boucler un tour du monde en moins de 45 jours. Banque Populaire XI, skippé par Armel Le Cléac'h, est plus qu'un trimaran. C'est un concentré d'innovations et de technologies, symbole d'un savoir-faire breton, unique au monde, dans le domaine de la voile de compétition au large, sur un rayon de 50 kilomètres entre Vannes et Quimper, la « Sailing Valley ».
Ce bateau, conçu par le cabinet d'architectes VPLP, c'est donc deux ans de construction, 4.500 heures de conception et d'études, 150 entreprises mobilisées et un coût de 12 millions d'euros. Un budget à la hauteur de ces Formule 1 des mers, membres du petit club des maxi trimarans ULTIM, qui compte six à sept compétiteurs dans le monde, en quasi-totalité des sponsors français (Sobedo, Idec Sports, Gitana Rothschild, Actual...)
Un esprit proche de la Formule 1
Cela fait 32 ans tout juste, après le lancement en 1989 du premier catamaran skippé par Francis Joyon, que Banque Populaire s'investit dans la construction de grands multicoques de course océanique. Un sponsoring qui répond au positionnement du groupe bancaire auprès des PME et des artisans, qui constitue le socle économique du milieu de la voile.
« Notre projet s'inscrit dans une logique entrepreneuriale. Banque Populaire n'est pas seulement un sponsor mais aussi un constructeur et un promoteur de bateaux de compétition, ce qui est assez singulier dans le monde de la voile », avance Bertrand Magnin, directeur du développement Banque Populaire.
Au total, Banque Populaire aura été l'armateur de 14 voiliers de course et constructeur de 6 multicoques. En cela, l'esprit de compétition et d'ultra performance associé à ces projets ressemblent à ce que l'on peut voir dans la Formule 1 automobile, avec des écuries et ses équipes.
La Team Banque Populaire, dirigée par Ronan Lucas, représente ainsi une quinzaine de personnes à temps plein, un effectif qui peut grimper à une trentaine de personnes sur les pics d'activité, comme la mise à l'eau, avec un bureau d'études interne de cinq ingénieurs.
Cette Team s'intègre dans un projet de sponsoring global dans le domaine de la voile d'un budget total annuel de 7,5 millions d'euros. Le groupe bancaire a noué également un partenariat avec la fédération française de voile (et plus récemment de surf) et s'engage auprès des écoles de voiles.
Objectif : une solitaire autour du monde en 2023
Reste que la Team est clairement centrée sur des objectifs de compétition et de palmarès, avec une participation à plus de 40 grandes courses océaniques, dont la dernière édition du Vendée Globe avec un monocoque Imoca skippé par la jeune navigatrice Clarisse Crémer. A peine mis à l'eau, le programme de Banque Populaire XI s'annonce chargé, avec en ligne de mire la Transat Jacques Vabre cette année et la Route du Rhum en 2022. « Notre objectif commun est le lancement d'un tour du monde en solitaire à l'horizon 2023 », ajoute Ronan Lucas. Ces maxi bateaux visent clairement de nouveaux records de tour du monde, en moins de cinquante jours, voire moins de 40 jours, si les conditions météo sont favorables.
Pour parvenir, le projet apparaît comme un condensé de technologies, de pièces faites sur mesure et de matériaux composites, comme le carbone qui constitue l'ossature du bateau. « Nous avons la chance d'avoir en France de nombreux leaders mondiaux dans leur spécialité», souligne Ronan Lucas.
Un pôle d'innovations unique au monde
Les pièces de carbone ont été cuites sous pression dans des fours à 120 degrés par la société CDK technologies. Cette PME d'une centaine de salariés a même développé un four autoclave géant de 25 mètres de long et de 120 tonnes pour cuire en une seule pièce les différents éléments carbone du bateau. « Depuis 2018, nous avons investi plus de 3 millions d'euros pour accompagner le développement du bateau Banque Populaire XI, les conques et les foils », indique Yann Dollo, directeur général adjoint de CDK Technologies. « Il est indispensable de suivre le mouvement et d'investir pour être toujours plus performant », souligne-t-il.
Dans cette course à l'innovation, Banque Populaire joue d'ailleurs le rôle de donneur d'ordres en tant que client, «qui nous oblige à innover tous le temps », mais aussi de financier pour accompagner les PME investies dans le projet. C'est tout l'avantage d'avoir pour client un banquier. L'autre atout c'est émulation créée par ces chantiers navals entre eux qui se succèdent dans la Sailing Valley.
« L'une des caractéristiques de notre écosystème est que tout le monde travaille ensemble. Nous sommes à la fois concurrents et partenaires car nous avons su développer une certaine forme d'intelligence collective », avance Yann Dollo. C'est le cas notamment pour trouver d'autres débouchés sur la seule course au large. Déjà, le projet Banque Populaire a été à l'origine des foils qui vont se généraliser dans les sports nautiques, voire de plaisance. Et CDK Technologies et ses partenaires pensent à adapter les foils pour la marine marchande pour améliorer la propulsion des navires.
De fait, la Sailing Valley est toutes les apparences d'une économie florissante de plus de 200 PME, pour un chiffre d'affaires estimé à 80 millions d'euros par an pour la seule course au large. Ce qui représente la moitié du chiffre d'affaires mondial pour ce segment de marché. « Nous avons à portée de mains toutes les compétences nécessaires pour fabriquer à 95% le bateau, y compris les marins », confirme Ronan Lucas. Pour l'heure, il n'y a pas d'autres exemples au monde. Seule la Nouvelle-Zélande, qui vient de gagner l'America's Cup, tente à son tour de suivre l'exemple de la Bretagne Sud.
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