Route du Rhum : la Bretagne Sailing Valley à l'assaut du monde toutes voiles dehors

Filière intégrée et complète, bien implantée entre Finistère et Morbihan, la voile de compétition représente 6,5 % du chiffre d'affaires de la filière nautique bretonne et 13 % des emplois. Les bateaux et les équipages de toutes les grandes courses françaises bénéficient de l'expertise de cet écosystème à la pointe de la technologie et de l'innovation. Aujourd'hui, la Bretagne Sailing Valley veut naviguer dans de nouvelles eaux.
(Crédits : Vincent Curutchet / ALéA / Macif)

Sur les 123 skippers de la 11e Route du Rhum, qui s'élanceront dimanche 4 novembre de Saint-Malo, direction la Guadeloupe, 51 vivent et s'entraînent en Bretagne, 17 sont des Malouins. Parmi les six concurrents de la classe Ultime, le maxi-trimaran Macif de François Gabart, impressionnant par ses foils dernière génération (dérives géantes qui permettent de voler au-dessus de l'eau), est issu du Pôle Finistère Course au large de Port-la-Forêt (29). Chez les Imoca (monocoques), le bateau Charal du Lorientais Jéremie Beyou est pour sa part le premier de cette classe conçu par l'emblématique cabinet d'architecture navale vannetais VPLP Design. Dans les Multi 50 (multicoques de 50 pieds), la French Tech Rennes Saint-Malo est un sponsor fidèle du Multi 50 barré par le Cancalais Gilles Lamiré.

Cette course transatlantique en solitaire apparaît quasiment comme un concentré d'innovations et de hautes technologies tout droit sorties de la Bretagne Sailing Valley. Officialisée l'an passé, la marque de fabrique de la voile de compétition en Bretagne porte haut les couleurs de tout un écosystème, à la pointe de la technologie et capable d'imaginer les bateaux de demain. Bien installée sur son territoire, elle cherche aujourd'hui à le faire savoir davantage à l'étranger, voire à attirer des skippers internationaux.

Une filière complète qui regroupe 28 métiers et compte 162 entreprises

« La voile de compétition bretonne est une filière en croissance, qui a représenté un chiffre d'affaires de 56 M€ en 2017 (+ 9 % par rapport à 2015), soit 6,5 % du chiffre d'affaires global de la filière nautique en Bretagne (205 M€) », fait remarquer Carole Bourlon, en charge de la filière voile de compétition et matériaux composites à l'Agence économique régionale Bretagne Développement Innovation. Selon une récente étude de BDI, la filière, complète et intégrée, regroupe 162 entreprises pour 711 emplois directs (13 % des emplois de la filière nautique) dans 28 métiers. Présentes dans la construction des bateaux, la fabrication d'équipements, le commerce et les services, elles sont fortement concentrées en Bretagne Sud, autour de Quimper, Vannes et Lorient.

« Depuis Eric Tabarly, la Bretagne est le berceau de la voile de compétition pour de nombreux skippers tels Armel Le Cléac'h, Thomas Coville ou Jean Le Cam. La transformation de la base sous-marine de Lorient en un pôle nautique spécialisé dans la course au large ainsi que la création du centre de formation Pôle Finistère-Course au large de Port-la-Forêt, ont contribué à la structuration d'une filière dense et complémentaire », ajoute Carole Bourlon.

58 M€, le budget des 200 écuries et projets sportifs actifs en Bretagne

De l'architecture et la construction navale aux équipements électroniques embarqués et revêtements de coque en passant par la fabrication de gréements et de foils, la voile de compétition en Bretagne représentait en 2016 un budget R&D de 5,5 M€. Dans les dix prochaines années, les évolutions porteront à 44 % sur la généralisation des foils et des bateaux volants, l'innovation et l'optimisation de la performance des matériaux (14 %), et sur une présence plus importante de l'électronique et du numérique à bord. Le budget global annuel des 200 écuries et projets sportifs actifs en Bretagne est pour sa part estimé à 58 M€ (48% pour la classe Imoca).

« Les grands noms de la voile et les écuries font appel à cette pépinière d'entreprises industrielles et de startups du numérique qui fonctionnent comme dans un écosystème », affirme Carole Bourlon.

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[Avec son maxi-trimaran de 30 m de long, François Gabart va s'élancer dimanche 4 novembre à l'assaut de la 11e Route du Rhum, depuis Saint-Malo, direction la Guadeloupe. Crédit : Vincent Curutchet / ALéA / Macif. Cliquez sur l'image pour l'agrandir.]

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Créé en 2014, la jeune structure cornouaillaise AIM45, spécialisée dans les solutions de mesure et d'analyse des données de bateaux de course (vitesse, vent, énergie) dévoile ainsi sur cette Route du Rhum la version Beta de sa plateforme, tandis que Mer Agitée, l'écurie de Michel Desjoyaux, a diversifié son activité vers les secteurs du nautisme et de l'éolien: TrimControl, son pénon électronique, permet une surveillance du rendement aérodynamique d'une voile ou d'une pale d'éolienne en temps réel.

« C'est toute notre expérience de la course au large, notre culture de la performance et de l'innovation que nous mettons au service de nouveaux secteurs », fait valoir Dimitri Voisin, responsable R&D de l'entreprise (15 personnes, CA de 3,2 M€).

A quelques encablures de Quimper, la société vannetaise Héol Composites (10 personnes, CA 1,7 M€), partie prenante dans le projet de bateau taxi Sea Bubble à Paris, prépare pour le prochain Vendée Globe des foils creux et monoblocs.

Si à Lorient, CDK Technologies (70 personnes, CA 7 M€) conçoit des bateaux de compétition en carbone tels les trois derniers vainqueurs du Vendée Globe (Foncia, Macif, BP8), à Vannes, North Sails (42 personnes, CA 12 M€) équipe en voiles 100% des Ultime et des Imoca. La structure dirigée par Greg Evrard, qui accueille aussi le centre de R&D mondial du groupe pour la production et la conception des voiles, génère 25% à 30% du chiffre d'affaires global de la marque. « North Sails France, fondée en 2000, s'est développé en même temps que la Sailing Valley. En faire partie, c'est à la fois un moteur et une opportunité au quotidien », avance le dirigeant. La marque développe de nouveaux produits dont la voile monopièce et la voile en composite filamentaire souple moulé en 3D (3DI).

57 % des acteurs impliqués à l'international

Versant dans le sur-mesure et l'adaptabilité aux besoins de performances des écuries de course et des skippers, ces entreprises, dont les effectifs oscillent entre 2 et 104 personnes pour un chiffre d'affaires compris entre 150.000 € et  12 M€, affichent toutefois un profil plus artisanal qu'industriel. Malgré une notoriété internationale dans le petit monde de la voile, leur dimension reste encore trop française. Sur les 162 entreprises recensées par l'étude de BDI, 93 commercent à l'international, ce qui représente 57% des acteurs de la filière.

« 80% sont des entreprises de conception et de construction, comme le fabricant de mâts en carbone Lorima (Lorient), Multiplast (Vannes, groupe Carboman) ou encore Heol Composites dont les pièces naviguent autour du monde sur des courses comme le Vendée Globe, La Volvo Race ou l'America's Cup. Globalement 71 % des ventes internationales s'effectuent en Europe », estime Carole Bourlon.

Hors Europe, les 29% de la commercialisation sont tirés par les États-Unis, l'Asie et l'Australie. La Bretagne Sailing Valley mise aujourd'hui sur le savoir-faire et la capacité d'innovation de son écosystème pour aborder d'autres côtes : celles par exemple d'autres pays anglo-saxons fans de voile, comme le Canada ou de la Scandinavie.

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Par Pascale Paoli-Lebailly,
correspondante de La Tribune pour la Région Bretagne

@pplmedia35

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