Goldman Sachs abandonne ses rêves de grandeur dans la banque de détail

Lors de la présentation des résultats trimestriels, le PDG de Goldman Sachs, David Salomon, a fait un étonnant mea culpa sur les déboires de sa stratégie dans la banque de détail, notamment la banque en ligne Marcus, lancée en 2016. Les performances commerciales sont bonnes mais l’aventure se révèle un gouffre financier. Du coup, la firme de Wall Street met de l’eau dans son vin et cherche désormais à rentabiliser les clients actuels sans en chercher de nouveaux. Un changement de stratégie qui en dit long sur la difficulté des banques à opérer de nouvelles stratégies numériques.
Le PDG de Goldman Sachs, David Salomon, tire les conséquences des pertes générées par le développement d'une banque de détail.
Le PDG de Goldman Sachs, David Salomon, tire les conséquences des pertes générées par le développement d'une banque de détail. (Crédits : Reuters)

David Salomon, le puissant patron de Goldman Sachs, a donc mis un sérieux coup de frein à son ambition de faire de la vénérable banque d'investissement un acteur majeur dans le domaine des services bancaires pour les particuliers. Lors de la présentation des résultats trimestriels, mardi dernier, la banque a en effet annoncé une nouvelle réorganisation - la troisième en quatre ans - qui met clairement la banque en ligne Marcus, lancée en 2016, au second plan, après avoir été l'étendard de la capacité d'innovation du groupe.

Marcus devrait être ainsi absorbée au sein d'un pôle gestion d'actifs/gestion privée, aux côtés des activités de trading et d'investissement également regroupées, et des solutions de paiement et de crédit, nouveau troisième pilier de la banque.

Certes David Salomon n'est pas à l'origine du projet Marcus. Après la crise financière de 2008, la firme de Wall Street a cherché à copier le modèle plus diversifié de ses concurrents Morgan Stanley ou JP Morgan, dont les valorisations en Bourse étaient plus élevées. Mais il a clairement soutenu le développement de Marcus depuis sa nomination à la tête de la banque en 2018 en affichant de grandes ambitions.

Innovation et vieilles ficelles

Face aux analystes lors de la conférence de présentation des résultats et de la réorganisation, le boss de la firme a été soumis à rude épreuve pour expliquer cette volte-face. Il a été contraint de reconnaître des « erreurs » et des « faux pas » et même d'exprimer une déception sur la rentabilité de son partenariat avec Apple (Apple Card). Ce qui n'a pas empêché la banque de signer à nouveau avec Apple dans le cadre d'un projet de compte d'épargne rémunéré.

Bref, l'heure est donc à l'humilité - ce qui n'est pourtant guère dans la culture de l'entreprise - et au recentrage. La conquête de clientèle est terminée et il s'agit aujourd'hui de rentabiliser les clients actuels de Marcus et de commercialiser des produits via des partenaires (Apple...) ou d'autres canaux de distribution.

Que s'est-il donc passé ? Au départ, l'idée de Marcus pouvait apparaître séduisante. Alors qu'elle n'avait aucune expérience en matière de banque de détail, Goldman Sachs comptait sur son expertise en matière de produits financiers (la banque revendique 11.000 ingénieurs) et le prestige de sa marque pour créer, de toutes pièces, une plateforme de services innovants susceptibles d'attirer une clientèle de jeunes cadres. Reste que beaucoup de ces innovations ressemblaient à s'y méprendre à ce que faisait déjà, et bien, d'autres néo-banques, comme Chime ou Ally. Du concept à la réalité de la plateforme de services, il y a un fossé que peu d'acteurs sont capables de combler aujourd'hui.

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Gouffre financier

Du coup, la banque en ligne a dû se résoudre à utiliser les vieilles ficelles du marketing, à savoir un compte rémunéré super attractif. Ça marche, avec 13 millions de clients et 100 milliards de dollars de dépôts, et une croissance des revenus de 50% au premier semestre (à plus d'un milliard de dollars), mais ça coûte cher, très cher. Selon l'agence Bloomberg, la facture s'élève à 4 milliards de dollars de pertes depuis 2016, dont 1,2 milliard sur les trois trimestres de l'année, pour les activités de banque de détail (y compris le crédit à la consommation et le paiement fractionné).

Ce gouffre financier n'est pas en soi une surprise, même si son montant dépasse l'imagination. C'est toujours le prix à payer pour construire dans le temps une franchise auprès du grand public. Mais il soulève une fois de plus la capacité d'une banque digitale à trouver son point d'équilibre.

Le concurrent JP Morgan Chase, qui a lancé en septembre 2021 une banque en ligne au Royaume-Uni s'attend à 450 millions de dollars de pertes en 2022. Chase avait d'ailleurs fait une timide tentative aux Etats-Unis en 2018 sous la marque Finn avant de fermer la porte un an plus tard. En France, l'opérateur télécoms Orange a perdu près de 900 millions d'euros en cinq ans pour développer Orange Bank et s'interroge aujourd'hui sur l'intérêt ou non de poursuivre l'aventure.

Goldman Sachs a toujours défendu le long terme comme une vertu cardinale. Les déboires de Marcus auront donc eu raison de ce mantra. De quoi cependant réjouir les actionnaires de Goldman Sachs qui n'ont jamais été de grands fans des ambitions de la banque sur le marché de détail.

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