La reprise de la semaine dernière a fait long feu. Les indices boursiers étaient déjà clairement orientés à la baisse depuis mardi dernier. Ils ont carrément décroché ce vendredi. En Europe, la conférence de presse de Christine Lagarde, dans la foulée de la réunion de la Banque centrale européenne (BCE) jeudi, a refroidi les investisseurs.
Le message est cette fois-ci assez clair : l'inflation est là pour durer et l'institut monétaire européen entamera dès juillet son cycle de hausse des taux directeurs (25 points de base, puis sans doute 50 points de base en septembre). En clair, la fête est terminée et les marchés anticipent dans les prochains moins un objectif cible de 2% pour le taux de dépôts, contre -0,5% aujourd'hui.
La publication, vendredi, aux Etats-Unis d'un chiffre d'inflation sur le mois de mai, bien supérieur aux attentes (8,6% en rythme annuel), a fini de plomber le moral des troupes. C'est surtout la composante de cette inflation qui inquiète, notamment la hausse des loyers. "Les chiffres de l'inflation ont constitué une mauvaise surprise pour le marché. Le défi pour la Fed n'est pas seulement l'ampleur de la surprise, mais la source de la surprise. L'inflation des loyers a fait un bond beaucoup plus important que prévu et, même si l'économie ralentit et que les prix des logements baissent, cela prendra du temps pour apparaître dans l'indice d'inflation", souligne une note du gestionnaire Pimpco.
Le résultat est un nouveau « vendredi noir ». À Paris, le CAC 40 dévisse de près de 2,7% pour passer sous les 6.200 points, et l'indice italien FSTE MIB s'effondre même de 5,17%, L'indice Stoxx 600 (600 premières capitalisations européennes) glisse de 2,8%.
À Wall Street, le tableau n'est guère plus réjouissant : le S&P 500 perd 2,8% à mi-séance et le Nasdaq plus de 3,5%. Au total, sur la semaine, les performances sont encore plus désolantes : le S&P 500 recule de près de 5% et le Nasdaq de plus de 5,5%. À Paris, le CAC 40 perd au final 4,6% en cinq séances.
Secousses sur les marchés de taux et de crédit
Parallèlement, les taux montent en flèchent. Le bon du Trésor américain à 10 ans grimpe à 3,13% (2,75% pour le deux ans), alors que l'OAT français à 10 ans franchit le seuil de 1,9% (0,77% pour le deux ans) et le Bund Allemand frôle désormais 1,45%. « Les hausses sont assez spectaculaires », reconnaît un gérant obligataire qui estime que le marché obligataire est soumis à un krach rampant depuis le début de l'année. Il faut reconnaître que l'OAT 10 ans affichait un taux de 0,2% fin décembre 2021. En cinq mois, 170 points de base sur une obligation souveraine de premier rang, c'est beaucoup.
Le scénario d'une éventuelle récession dans les esprits
Pour l'heure, les marchés restent focalisés sur l'inflation et les taux. Le scénario de récession est également dans les esprits alors qu'il doit se traduire par une pression à la baisse des prix et des taux.
Cette double anticipation - hausse des taux et récession- peut expliquer l'aplatissement de la courbe des taux aux Etats-Unis (les taux courts et longs convergent). Cette courbe plate était pourtant déjà présente avant la crise sanitaire, mais les liquidités abondantes faussaient un peu le jeu et les interprétations.
Ces liquidités aujourd'hui vont se faire plus rares : la banque centrale américaine a déjà entamé la réduction de son bilan (vente d'actifs) et la Banque centrale européenne a annoncé la fin de ses programmes d'achats d'actifs, sans clairement indiquer ses intentions pour soutenir la dette des pays périphériques (comme l'Italie). Ce qui va accroître la volatilité des marchés de taux.
L'attrait des actions
Pour autant, le marché n'est pas encore dans la capitulation. « Beaucoup d'éléments négatifs, notamment sur les taux longs, sont déjà intégrés par les marchés et nous sommes peut-être arrivés à un point d'équilibre », avançait prudemment un gérant en début de semaine - avant donc la réunion de la BCE. Certains tablent sur des effets de base qui vont commencer à jouer positivement sur l'inflation, ou bien la faible valorisation des actions, en deçà désormais de leur moyenne historique.
Paradoxalement, la confiance des dirigeants d'entreprises apparaît solide à la veille de la saison de publication des résultats semestriels, et le consensus s'est même offert le luxe de réviser à la hausse les prévisions de résultats pour 2022 en zone euro. En attendant, peu de valeurs échappent à la correction de ces derniers jours... hormis le pétrole et les matières premières.
« Nous sommes arrivés à un stade très intéressant où l'inflation reste élevée, où il y a des inquiétudes fortes sur les perspectives de croissance, et où, en même temps, les gens essaient de se représenter dans quelle mesure, précisément, cela finira par avoir un impact sur les bénéfices des entreprises », résume Eric Johnston, responsable des dérivés actions et multi-actifs chez Cantor Fitzgerald, auprès de l'agence Reuters.
À défaut de réponse, les fonds actions se gavent de cash - les liquidités n'ont jamais été aussi élevées - le temps d'apprécier la direction du vent.
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