Le crowdfunding recherche de nouveaux débouchés

Les troisièmes Assises de la finance participative se dérouleront à Bercy, le 29 mars. Le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, pourrait préciser les modalités et le calendrier de l’ouverture du « crowdlending » aux personnes morales.
Christine Lejoux
Le marché français du crowdfunding a doublé en 2015, à 296,8 millions d'euros.

Dans un peu plus d'un mois, le 29 mars très exactement, le crowdfunding français aura une nouvelle fois les honneurs de Bercy, où se déroulera la troisième édition des Assises de la finance participative. Emmanuel Macron en personne devrait faire plus qu'y passer une tête, une assez longue allocution du ministre de l'Economie figurant au menu de la journée. Le ministre pourrait notamment préciser la date de publication de l'ordonnance permettant aux personnes morales de prêter de l'argent quasi directement aux entreprises, via des plateformes de crowdfunding, et ce, au moyen de bons de caisse, sortes de reconnaissances de dette qui ne sont pas des instruments financiers. Pour mémoire, la réglementation du crowdfunding, entrée en vigueur le 1er octobre 2014, avait créé une première brèche dans le monopole bancaire français du crédit, en permettant aux particuliers de prêter aux entreprises, au travers des plateformes de financement participatif.

Mais aujourd'hui, les acteurs du secteur veulent aller plus loin, en étendant cette possibilité aux SARL (société à responsabilité limitée), investisseurs institutionnels et autres personnes morales. Dans la même veine, l'association professionnelle Financement Participatif France (FPF) souhaite la suppression du plafond de 1.000 euros, au-dessus duquel un prêteur ne peut financer un même projet. Cela permettrait d'attirer les gros family offices (gestionnaires de fortunes familiales) et conseillers en gestion de patrimoine, que des mises inférieures au millier d'euros n'intéressent pas. Un vœu qui ne fait cependant pas l'unanimité au sein de la profession, certains, comme Olivier Goy, le patron de Lendix, s'inquiétant de la protection des investisseurs particuliers. « Les épargnants s'autolimitent. Sur Unilend, le montant moyen des prêts est ainsi de 200 euros », rétorque Nicolas Lesur, fondateur du pionnier français du prêt en ligne aux entreprises, Unilend, et président de FPF.

« Il faut prêter 100 millions d'euros par an pour être rentable »

Le sujet des bons de caisse et celui de la suppression du seuil de 1.000 euros ne sont que deux des 15 propositions adressées par FPF aux pouvoirs publics en septembre dernier, afin de donner un élan supplémentaire au crowdfunding en général, et aux plateformes de prêt en particulier. Certes, avec 196,3 millions d'euros récoltés en 2015, le « crowdlending » représente les deux tiers du marché total du financement participatif, d'après les données publiées le 12 février par FPF. Et, avec un bond de 122% l'an dernier, il est le segment qui a connu la plus forte croissance, devant les plateformes d'investissement en capital et celles spécialisées dans le don. Mais, sur ces 196,3 millions d'euros, pas moins de 130 millions sont à mettre à l'actif du seul Prêt d'Union, axé sur le crédit aux particuliers. Aussi les plateformes de prêt aux entreprises, qui se sont pourtant multipliées comme des petits pains depuis le 1er octobre 2014, ne pèsent-elles en réalité que 31,6 millions d'euros. A titre de comparaison, le marché global du crédit aux TPE et aux PME est estimé à... 80 milliards d'euros par an, en France.

« Dans notre métier, il faut prêter au moins 100 millions d'euros par an pour être rentable. Or, sur les quelque 80 IFP [intermédiaire en financement participatif, le statut des plateformes de prêt ; Ndlr] qui existent en France, ils ne sont que 12 à avoir déjà accordé un prêt, et cinq seulement à avoir prêté plus d'un million d'euros »,

souligne Nicolas Lesur. Qui s'attend donc « à des disparitions progressives de plateformes de prêt, au cours des prochaines années. » Mais, le crowdlending étant un métier de volumes, même les plateformes les plus importantes - comme Unilend, dont Nicolas Lesur est convaincu qu'elle financera un milliard d'euros de prêts par an dans cinq ans - vont devoir trouver de nouvelles sources de croissance. « On pourrait imaginer que des groupes industriels comme Airbus conseillent à leurs sous-traitants de financer leur besoin en fonds de roulement via des campagnes de financement participatif, auxquelles ces groupes participeraient à hauteur de 20% », suggère le fondateur d'Unilend.

Le marché des plateformes de don ralentit

Les plateformes de dons doivent, elles aussi, trouver un nouveau souffle. Non seulement, leur poids se limite à 17% du marché total du financement participatif, mais il n'a en outre crû « que » de 31,4% en 2015, loin des 91% enregistrés l'année précédente. Cerise sur le gâteau, le pionnier français du genre, MyMajorCompany, a récemment jeté l'éponge. « Le retrait de MyMajorCompany montre que, dans le don non plus, il n'y aura pas de place pour tout le monde. Les plateformes de dons travaillent sur la recherche de nouveaux débouchés, notamment auprès des collectivités territoriales pour des projets culturels », indique Nicolas Lesur. Ouvert aux collectivités territoriales depuis le 16 décembre, le financement participatif peut par exemple les aider à financer l'acquisition de tableaux pour le musée local. Toutes proportions gardées, c'est grâce à une campagne de crowdfunding, bouclée le 14 février, que Le Louvre a trouvé les 600.000 euros qui lui manquaient pour acquérir « Amour », une sculpture en marbre du XVIIIème siècle réalisée par Jacques Saly. « Les entreprises aussi peuvent constituer un débouché (pour les plateformes de don), comme le montre le partenariat entre Heineken et Ulule pour aider à la redynamisation de cafés », ajoute Nicolas Lesur.

Quant au dernier segment du crowdfunding, l'investissement au capital de startups ou « crowdequity », il ne pèse certes que 50,3 millions d'euros, exactement comme le don, mais sa croissance demeure robuste (+98% en 2015, après +154% en 2014). Il n'empêche, FPF plaide pour un relèvement du seuil de 1 million d'euros, au-delà duquel les startups ne sont plus exonérées de l'obligation de publier la lourde documentation exigée dans le cadre des appels publics à l'épargne. Cela permettrait au crowdequity de prétendre au financement de montants de série A, compris entre 1 et 3 millions d'euros, au lieu d'être cantonné aux levées de fonds de startups naissantes et, par conséquent, très risquées. Un argument d'autant plus recevable que ce seuil s'élève déjà à 5 millions d'euros à l'échelon européen, et qu'il atteindra les 10 millions dans le cadre de la réforme de la directive Prospectus.

Christine Lejoux

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Commentaire 1
à écrit le 23/02/2016 à 17:03
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Il va y avoir de l'arnaque dans l'air bientôt. Le terme de " crowd funding " est déjà en lui-même très suspect.

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