Les fintech, un défi pour la réglementation financière

L’essor des startups spécialisées dans les technologies financières impose de repenser une réglementation bâtie sur les acteurs traditionnels du secteur.
Christine Lejoux
La France compte aujourd'hui quelque 156 fintech, selon les chiffres de Bpifrance.

Les fintech, ces startups digitales qui ambitionnent de révolutionner l'industrie financière, sont sous les feux de la rampe. Mercredi 27 janvier, la commission des finances du Sénat a auditionné des représentants de fintech et de banques, afin de prendre la mesure des bouleversements engendrés par l'avènement des premières sur les secondes. Ce jeudi 28 janvier, c'est au ministère de l'Economie que l'écosystème des fintech s'était donné rendez-vous, dans le cadre du Paris Fintech Forum, organisé par le cabinet de conseil en stratégie Altéir Consulting et l'Acsel, l'association de l'économie numérique. Mercredi comme jeudi, l'une des principales thématiques abordées par les participants a été celle de la réglementation. Certes, les pouvoirs publics français encouragent le développement des fintech, afin de permettre aux particuliers et aux entreprises de diversifier leurs sources de financement. Et ce, d'autant plus que la promesse des fintech réside dans des services plus simples, plus transparents et meilleur marché que ceux proposés par les acteurs traditionnels de la finance. Pour autant,

"il est nécessaire de prendre des précautions par rapport à l'émergence de ces nouveaux acteurs. Le développement des fintech représente un challenge pour la réglementation. Il engendre un changement de paradigme car la réglementation financière a jusqu'à présent été bâtie autour des acteurs existants",

a prévenu Corso Bavagnoli, chef du service du financement de l'économie à la direction générale du Trésor, lors de son audition par la commission des finances du Sénat, le 27 janvier.

Ouvrir le cadre réglementaire

Cette nécessité de repenser la réglementation financière répond d'abord à un souci de protection des consommateurs. L'exemple de la nouvelle directive européenne DSP2 sur les services de paiement, qui ouvre davantage le secteur des paiements à la concurrence, est à cet égard édifiant : demain, lorsqu'un consommateur voudra procéder à des paiements depuis son compte bancaire, il pourra s'adresser à un opérateur autre que sa banque. "Les banques, acteurs majeurs des paiements depuis longtemps, sont extrêmement régulées. Les nouveaux entrants seront-ils soumis au même niveau de contrôle, au risque, sinon, d'affaiblir la sécurité de l'ensemble de la chaîne des paiements et la confiance des consommateurs?", s'est interrogée Marie-Anne Barbat-Layani, directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF), lors du Paris Fintech Forum. C'est dire si la FBF sera attentive aux conclusions de l'Autorité bancaire européenne, chargée de plancher sur ce sujet.

"En matière de réglementation, les règles doivent être les mêmes pour les fintech et les banques", a également martelé devant les sénateurs Olivier Gavalda, directeur général adjoint du pôle innovation du Crédit agricole. Ce ne sont pas Geoffroy Guigou et Charles Egly, les fondateurs de Prêt d'Union, qui diront le contraire. Certes, la plateforme de crédit à la consommation a mis deux ans à obtenir un agrément d'établissement de crédit, un sésame dont elle est la seule à disposer en Europe. Mais "cet agrément représente un grand actif marketing pour nous", a reconnu Geoffroy Guigou, lors du Paris Fintech Forum, dans la mesure où il rassure les emprunteurs et les investisseurs clients de Prêt d'Union sur le sérieux de la société.

Il n'en demeure pas moins que la réglementation financière doit également être repensée pour permettre le développement de ces moyens de financement alternatifs. "Il faut ouvrir le cadre réglementaire, comme cela a été le cas avec le financement participatif", a admis Corso Bavagnoli. En effet, la réglementation du crowdfunding, entrée en vigueur le 1er octobre 2014, a constitué ni plus ni moins qu'une entaille dans le monopole bancaire, en permettant aux particuliers de prêter quasi directement à des porteurs de projets, via des plateformes Internet de financement participatif. Une brèche que d'aucuns voudraient voir encore élargie, le plafond de 1.000 euros prêtés par un épargnant pour un projet donné leur paraissant trop restrictif.

 Paris et Londres à la lutte pour devenir la capitale des fintech

 "Il n'y a aucune raison de faire sauter ce plafond, il faut protéger l'épargnant. Nous ne demandons pas une déréglementation à tout-va, ce serait suicidaire car, sans confiance, le système ne pourrait pas fonctionner", a tenu à rassurer Olivier Goy, président du directoire de la  plateforme de prêts aux PME Lendix, devant la commission des finances du Sénat. En revanche, «il importe de donner aux nouveaux entrants les moyens de se protéger contre la fraude », a souligné le patron de Lendix, saluant l'initiative du ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, de permettre aux acteurs du financement participatif d'accéder au fichier Fiben de la Banque de France, lequel fournit des informations sur la capacité des entreprises à honorer leurs engagements financiers.

L'enjeu de l'adaptation de la réglementation financière française à l'essor des fintech est d'autant plus important que le Royaume-Uni a une longueur d'avance dans ce domaine. "Les Anglais sont très pragmatiques. Leur objectif est de maintenir le leadership de Londres dans la finance, peu leur importe que ce leadership passe par les acteurs traditionnels du secteur ou par les nouveaux entrants. Conséquence, le régulateur anglais est en train de mettre en place un processus spécifique pour permettre aux fintech d'obtenir une licence bancaire. Et là-bas, ce ne sont pas une ou deux fintech qui tentent d'obtenir cette licence, mais une vingtaine", a expliqué Philippe Gelis, patron de la fintech Kantox, jeudi, à Bercy.

Les régulateurs français savent donc ce qui leur reste à faire pour permettre à Paris de devenir une - si ce n'est "la" - grande capitale européenne des fintech. Avec davantage de modération que le Royaume-Uni, où l'assouplissement de la réglementation a été tel que "les régulateurs essayent aujourd'hui de faire le ménage, un certain laxisme régnant en matière de blanchiment et de financement du terrorisme", a nuancé Nicolas Debock, directeur d'investissement chez Balderton Capital, lors de son audition devant les sénateurs, le 27 janvier. Un retour de bâton que la France doit essayer de s'épargner.

Christine Lejoux

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