Le financement obligataire n’est plus l’apanage des grandes entreprises

Depuis leur lancement en 2013, les fonds Novo ont investi 1 milliard d’euros dans une quarantaine d’ETI françaises, leur permettant ainsi de financer leurs projets de croissance.
Christine Lejoux
Lancé en 2013 par la Caisse des dépôts et l'Association française de l'assurance, le fonds Novo permet aux PME et aux ETI (entreprises de taille intermédiaire) de réduire leur dépendance au crédit bancaire.

C'est l'histoire d'une entreprise du Sud de la France, au bord de la faillite il y a 30 ans, devenue aujourd'hui un groupe international. Le fabricant d'échafaudages Altrad doit beaucoup à son patron, Mohed Altrad, sacré en 2015 meilleur entrepreneur mondial de l'année par le cabinet d'audit EY et le magazine L'Express, mais également au... marché obligataire. Les 100 millions d'euros levés en 2013 auprès du fonds Novo ont en effet permis à Altrad de financer les acquisitions qui ont lui permis de doubler de taille, avec aujourd'hui un chiffre d'affaires de l'ordre de 2,4 milliards d'euros.

Quel est donc ce providentiel fonds Novo ? Il s'agit du premier fonds de prêt à l'économie (FPE), lancé en 2013 par la Caisse des dépôts et l'Association française de l'assurance, afin de permettre aux PME et aux ETI (entreprises de taille intermédiaire) de réduire leur dépendance au crédit bancaire, dans le contexte de désintermédiation du financement de l'économie. En effet, compte tenu des nouvelles réglementations qui pèsent sur elles depuis la crise financière de 2008, les banques ont moins de marge de manœuvre que par le passé pour accorder des crédits. D'où la nécessité, pour les PME et les ETI, très dépendantes du crédit bancaire, de diversifier leurs sources de financement.

Des entreprises avec un chiffre d'affaires moyen de 400 millions d'euros

Dans le cadre des fonds Novo 1 et Novo 2, respectivement gérés par BNP Paribas IP et par Tikehau IM, ce sont 24 investisseurs institutionnels, dont 18 assureurs, qui financent des entreprises de taille moyenne, sous forme de prêts obligataires. Et ce, grâce à une modification du Code des assurances, qui autorise depuis août 2013 les assureurs, et plus récemment les mutuelles et les institutions de prévoyance, à financer indirectement les PME et les ETI de croissance. Sur le total de 1,015 milliard dont les fonds Novo avaient été dotés en 2013, 1,005 milliard a ainsi été investi en l'espace de deux ans et demi, dans 41 sociétés françaises, dont 40 ETI et une seule PME.

Ces entreprises réalisent un chiffre d'affaires moyen de 400 millions d'euros, et sont présentes dans tous les secteurs d'activité, du fabricant de nacelles élévatrices Manitou à l'hébergeur de sites Internet OVH, en passant par les crèches Babilou. Autre point commun, elles ont besoin de financer des projets de croissance, qu'il s'agisse d'accroître leur capacité de production, de se développer à l'international ou de réaliser des acquisitions.

Une convergence de vues sur la notion de long terme

Il s'agit là d'une véritable révolution car, à la différence des grands groupes, « les ETI étaient jusqu'à présent très absentes du marché obligataire », a souligné Franck Silvent, directeur du pôle finances, stratégies et participations du groupe Caisse des dépôts, le 1er juin, lors d'une conférence de presse. Et la quarantaine d'ETI en question ne représentent que la partie émergée de l'iceberg : « Depuis 2013, nous avons reçu 240 candidatures, ce qui témoigne de l'importance du pipe-line », a renchéri Bruno de Pampelonne, président de la société de gestion Tikehau IM, qui gère Novo 2.

Si les fonds Novo remportent les suffrages des ETI, c'est d'abord en raison d'une convergence de vues avec les investisseurs sur la durée du placement, de 6,8 ans en moyenne. Michel Denis, aux commandes de Manitou, qui a procédé en juillet 2015 à un emprunt obligataire de 25 millions d'euros auprès de Novo 1 pour financer ses investissements et sa R&D, sait de quoi il parle, sa société étant par ailleurs cotée en Bourse : « Je subis le paradoxe d'avoir des actionnaires qui regardent le cours de Bourse au quotidien, alors que les décisions que je prends chaque jour n'auront pas d'effet avant une quinzaine d'années. Dans le cadre de Novo, en revanche, les investisseurs ont bien compris cet impératif de long terme. »

Les FPE, un marché total de 10 milliards d'euros

La durée des prêts obligataires contractés dans le cadre des fonds Novo n'est pas leur seul atout, pour les ETI. Ils sont en outre remboursables « in fine » et, avec un taux moyen pondéré de 4,06%, « leurs conditions sont tout à fait exceptionnelles, même comparées à l'environnement actuel de taux très bas », estime Thierry Giami, conseiller auprès de la direction générale de la Caisse des dépôts. Un taux qui n'en débouche pas moins sur un rendement satisfaisant pour les assureurs,surtout dans le contexte actuel de taux faibles. Enfin, « les fonds Novo répondent à la nécessité qu'ont les assureurs d'effectuer des investissements sûrs. Nous apprécions leur capacité de sélection des entreprises », a salué Jean-François Lequoy, directeur du pôle assurances de Natixis. De fait, sur les quelque 160 dossiers d'ETI examinés par BNP Paribas IP, gérant de Novo 1, la société de gestion en a retenu 25 seulement, soit un taux de sélection de 15%.

Résultat des courses, la quasi-totalité des 24 investisseurs de départ dans les fonds Novo ne se sont pas fait prier pour remettre au pot en ce début juin, avec une enveloppe de 405 millions d'euros, au lieu des 300 millions initialement espérés. Une bonne nouvelle pour les ETI fourmillant de projets de croissance, d'autant plus que les fonds Novo ont fait des émules : le marché français des FPE s'élève désormais à près de 10 milliards d'euros, une somme qui a permis de financer une centaine d'entreprises. Prochaine étape, l'accès des PME au marché obligataire ? « L'avenir dira si les fonds Novo sont à même de financer des entreprises d'une taille autre que les ETI », rétorque avec prudence Thierry Giami.

Christine Lejoux

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