Les incertitudes politiques freinent le marché des fusions-acquisitions

Après son record de 2015, le marché des fusions-acquisitions a baissé au premier semestre, dans les principales régions du monde. Les incertitudes liées au Brexit et aux élections américaines génèrent de l’attentisme parmi les vendeurs et les acquéreurs.
Christine Lejoux
Sur le marché européen des fusions-acquisitions, les sociétés britanniques ont représenté 18% seulement des cibles, au premier semestre, contre 41% en 2015.
Sur le marché européen des fusions-acquisitions, les sociétés britanniques ont représenté 18% seulement des cibles, au premier semestre, contre 41% en 2015. (Crédits : © Darren Staples / Reuters)

Pas de doublé en perspective pour le marché mondial des fusions-acquisitions, qui avait signé en 2015 une année record, avec 4.700 milliards de dollars de transactions, du jamais vu depuis 1980 selon les données de Thomson Reuters. La première moitié de l'année 2016 n'est pas du même acabit, loin s'en faut. Aux États-Unis, les opérations de M&A (mergers and acquisitions) annoncées ont chuté de 25% depuis le début de l'année, d'après des chiffres publiés le 7 juin par BNP Paribas. La tendance est également à la baisse dans la région Asie-Pacifique (-9%), ainsi que dans la zone Europe, Moyen-Orient, Afrique (EMEA), où le marché s'est affaissé de 7% depuis le 1er janvier, à 443 milliards d'euros, après un bond de 35% sur l'ensemble de l'année 2015. Dans la foulée, les « fees », c'est-à-dire les commissions perçues par les banques d'affaires, ont diminué de 3% depuis le début de l'année en Europe, à 2,25 milliards d'euros.

Ces contreperformances sont à mettre sur le compte des turbulences des marchés actions en début d'année, qui ont incité les vendeurs à attendre des jours meilleurs pour céder leur entreprise. Un rattrapage est-il possible au cours des prochains mois, qui permettrait au marché européen des fusions-acquisitions d'afficher en 2016 la croissance de 5% à 10% sur laquelle la plupart des observateurs pariaient en tout début d'année ? Sophie Javary et Thierry Olive, respectivement responsable de l'activité de « corporate finance pour la zone EMEA et directeur du pôle ECM (equity capital market) chez BNP Paribas, en « doutent ».  Pourtant, nombre des ingrédients à l'origine de l'excellent millésime 2015 sont toujours là. À commencer par des conditions de financement qui demeurent très favorables, la faiblesse des taux d'intérêt permettant aux acquéreurs de s'endetter aisément, et les fonds de « private equity » disposant de plus de 750 milliards de dollars à investir, à l'échelle mondiale. À quoi s'ajoutent des tendances structurelles, comme la nécessité pour certains secteurs de se concentrer, à l'image des industries du pétrole ou des télécommunications, et l'impératif de transformation digitale auquel toutes les grandes entreprises sont confrontées, ce qui les conduit notamment à acquérir des startups du numérique.

Les sociétés britanniques ne représentent plus que 18% des cibles européennes

Oui, mais c'est sans compter les incertitudes politiques qui émaillent cette année 2016. Bien malin celui qui pourrait prédire l'issue du référendum du 23 juin, date à laquelle les Britanniques se prononceront sur le maintien, ou non, de leur pays au sein de l'Union européenne (UE). « Le Brexit a clairement un impact sur le marché des fusions-acquisitions, où il génère de l'attentisme. Il s'agit en effet d'un événement inédit, difficile à intégrer dans les modélisations existantes », témoigne Sophie Javary. En effet, la menace d'un Brexit, c'est-à-dire d'une sortie du Royaume-Uni de l'UE, qui pèse déjà sur la livre sterling, risque de déboucher sur la perte d'accords commerciaux et d'immigration, et sur une période d'instabilité économique outre-Manche. Sans oublier que certains secteurs aujourd'hui essentiellement régulés par Bruxelles, comme la finance, pourraient voir leur réglementation modifiée, si le Royaume-Uni quittait l'UE. Autant d'incertitudes qui pèsent déjà sur le marché des fusions-acquisitions : au cours de la première moitié de l'année, les sociétés britanniques ont représenté 18% seulement des cibles européennes, contre 41% en 2015.

Aux États-Unis, ce sont les élections présidentielles de l'automne prochain qui inquiètent. « Nos recherches montrent une corrélation entre les années d'élections et la sous-performance du marché du M&A sur les deux premiers trimestres de ces mêmes années. Cela s'est notamment produit en 2008 et en 2012 », rappelle l'assureur-conseil Willis Towers Watson, dans une note publiée le 22 mars. Une corrélation encore plus vraie en cette année 2016, puisque celle-ci pourrait s'achever sur l'élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Or ce scénario serait mauvais pour le marché des fusions-acquisitions, estiment près des deux tiers des 1.500 banquiers d'affaires, avocats et fonds de capital-investissement interrogés en avril par la société Intralinks Holdings. Comment pourrait-il en être autrement, le candidat républicain à la présidentielle ne faisant pas mystère de ses positions protectionnistes, en dénonçant les accords commerciaux « horribles » négociés par les États-Unis et en affichant sa volonté d'ériger des barrières douanières avec la Chine ? De quoi doucher le rêve américain d'un pays qui est aujourd'hui l'un des principaux moteurs du marché des fusions-acquisitions, tant aux États-Unis qu'en Europe.

Christine Lejoux

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