« Notre priorité est le marché américain du paiement en ligne » (Céline Dufétel, présidente de Checkout.com)

ENTRETIEN. La chute des valorisations des géants du paiement ne semble pas dévier la fintech Checkout.com, qui fut longtemps la mieux valorisée du secteur, de sa stratégie de développement, avec la volonté réaffirmée de percer sur le marché américain, quitte à affronter le géant Stripe. « Nous n’avons pas besoin de lever de l’argent avant plusieurs années », confie à La Tribune, Céline Dufétel, polytechnicienne, entrée dans l’entreprise en 2021 en tant que directeur des opérations, après un parcours impressionnant dans les services financiers, et tout récemment promue présidente de la fintech britannique.
Pour Céline Dufétel, présidente de Checkout.com, les prestataires de paiement doivent faire face à un univers de plus en plus complexe.
Pour Céline Dufétel, présidente de Checkout.com, les prestataires de paiement doivent faire face à un univers de plus en plus complexe. (Crédits : DR)

Checkout.com, fondé en 2012 par Guillaume Pousaz, un genevois basé à Dubaï, s'est rapidement développé dans le traitement des paiements, grâce au boum du commerce en ligne mais aussi à la croissance débridée de certaines fintechs, comme Revolut. Contrairement à ses principaux compétiteurs, comme Adyen ou Stripe, Checkout.com a attendu d'être rentable avant d'organiser sa première levée de fonds en 2019. En janvier 2022, c'est le jackpot avec une levée d'un milliard de dollars auprès des plus prestigieux fonds de la planète, comme Tiger ou Qatar Investment Authority (QIA), valorisant l'entreprise à plus de 40 milliards de dollars... et propulsant le fondateur, qui détient toujours 60% de la société, dans le club des multimilliardaires. Mais le contexte est moins porteur. Fin 2022, Checkout.com a annoncé à ses salariés que la valorisation interne de l'entreprise - celle qui permet de définir le prix d'exercice des stock-options - a été réduite de 75% à quelque 11 milliards de dollars. Ce qui n'empêche pas, explique la nouvelle présidente de la société, la française Céline Dufétel, le groupe de poursuivre ses objectifs de conquête, en particulier sur le premier marché du commerce en ligne au monde, celui des Etats-Unis.

Peu connue des non-spécialistes, Checkout.com a la réputation d'être une boîte gérée au cordeau, d'avoir su se faire une place enviable sur des marchés émergents, notamment au Moyen-Orient, et de proposer des solutions à des prix compétitifs. A l'occasion de sa venue à Paris, notamment pour le sommet Choose France, Céline Dufétel dévoile pour La Tribune les nouveaux enjeux de l'entreprise dans un environnement de marché qui s'est singulièrement durci.

LA TRIBUNE - Vous avez participé à la sixième édition du sommet Choose France et vous venez d'inaugurer de nouveaux locaux à Paris. Quelles sont les ambitions de Checkout.com en France ?

Céline DUFETEL - Depuis le Brexit, nous avons choisi la France comme la base de toutes nos opérations en Europe continentale. Nous avons également acheté Ubble, une startup française spécialisée dans la vérification d'identité à distance. Une opération stratégique pour nous car nous pensons que l'identité numérique est une extension naturelle du paiement pour nos clients e-commerce mais aussi pour les fintechs avec qui nous travaillons. Désormais, Paris regroupe quelque 150 collaborateurs de Checkout.com et d'Ubble et nous comptons bien développer fortement toutes nos activités en France et en Europe pour nos clients européens et internationaux.

L'argent devient plus rare et plus cher et l'inflation pèse sur le pouvoir d'achat des ménages. Cet environnement plus difficile risque-t-il de nuire à vos projets de développement ?

Nous avons eu la chance de procéder à une importante levée de fonds en janvier 2022 (un milliard de dollars en série D, NDLR) et nous n'avons donc pas besoin de lever de l'argent avant plusieurs années. Le fondateur et dirigeant du groupe, Guillaume Pousaz, a également toujours veillé à développer son entreprise de manière raisonnable, "as a good chap" ("comme un bon garçon") comme disent les Américains, et l'entreprise a d'ailleurs été longtemps profitable. Nous avons donc les moyens de financer notre développement, même si nous n'irons peut-être pas aussi vite que nous le souhaitions lors de la dernière levée de fonds.

Vos priorités ont-elles changé depuis un an ?

Nous continuons notre expansion géographique au-delà de nos racines au Royaume-Uni et en Europe. Nous avons également beaucoup grandi en Asie et au Moyen-Orient. Désormais, notre priorité est clairement le marché américain, qui reste le plus gros marché e-commerce au monde. Nous y installons progressivement nos équipes. Cela nécessite des investissements et du temps. Du côté de l'offre, nous venons de lancer notre produit de paiement « tout en un » pour les marketplaces au Royaume-Uni, puis en Europe. Nous comptons déployer cette offre aux Etats-Unis au cours de l'année. Autre lancement de produit : l'émission de cartes de paiement qui manquait à notre catalogue et sur laquelle nous travaillons depuis plusieurs années. Enfin, nous souhaitons investir dans notre nouvelle filiale ubble dans le domaine de l'identité numérique, un complément à nos services de lutte anti-fraude.

Avez-vous fait une croix sur vos développements dans la cryptomonnaie ?

Depuis le début de l'entreprise, nous avons toujours souhaité offrir des solutions de paiements aux fintechs et c'est bien dans ce cadre que nous proposons un service de paiement pour les cryptos par carte. Il ne s'agit pas d'une diversification mais bien d'un même service pour une clientèle différente. Evidemment, les volumes d'échange ont énormément baissé en 2022 mais nous continuons à offrir ce service. Mais ce n'est clairement pas une priorité pour nous.

Les besoins des commerçants ont-ils, selon vous, évolué ces derniers mois ?

La complexité de l'acceptation des paiements en ligne, surtout si le client souhaite être présent partout dans le monde, ne cesse de croître au fur et à mesure de la venue de nouveaux modes de paiements ou de la mise en œuvre de nouvelles réglementations. Notre objectif, à chaque fois, c'est de simplifier au maximum l'expérience client, d'accepter le plus de modes de paiement possible, d'assurer une grande transparence sur la donnée et, bien sûr, d'optimiser la performance du paiement, c'est-à-dire accepter le plus de paiements possible et ne rejeter que la fraude.

Avez-vous le sentiment que les banques reviennent de plus en plus dans le jeu de la concurrence dans le paiement ?

Les banques sont des acteurs traditionnels des paiements, sans être pour autant de véritables challengers en matière d'innovation. Notre proposition de valeur repose sur une plateforme technologique que nous avons créée de bout en bout. Ce qui nous permet d'intégrer plus facilement les différents moyens de paiements, partout dans le monde, avec une plus grande simplicité d'intégration pour le commerçant et une expérience client plus fluide pour le consommateur. Pour de multiples raisons, les banques ont plus de mal à avancer aussi vite sur le plan de la technologique. Elles ont parfois acheté des entreprises qu'elles ont ensuite assemblé, ce qui ne se prête pas toujours à une meilleure expérience client. Tout le sujet est de pouvoir s'adapter très vite à un univers du paiement en constante évolution.

Une prochaine directive européenne sur les paiements est attendue cet été. La régulation européenne est-elle un frein pour le développement des services de paiement ?

Dans nos métiers, il est absolument indispensable d'avoir une bonne régulation. Le paiement, c'est la confiance. Pour nous, l'important est de bien voir si nous pouvons opérer dans plusieurs pays dans un environnement réglementaire relativement homogène, sans risque de distorsion de concurrence.

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