Tracfin : signalements en forte hausse, en particulier dans les crypto-actifs

Le service de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme de Bercy a reçu et analysé plus de 79.000 déclarations (+12%) en 2018, venant principalement des banques. Tracfin, qui s'est doté d'une cellule de cyberfinance, note une forte hausse des signalements issus des intermédiaires en financement participatif et en monnaies virtuelles, bien qu'encore modestes en volumes.
Delphine Cuny
Schéma d'un exemple d'utilisation suspecte de crypto-monnaies par un étudiant étranger en poste dans une entreprise française.
Schéma d'un exemple d'utilisation suspecte de crypto-monnaies par un étudiant étranger en poste dans une entreprise française. (Crédits : Tracfin)

 "Le bilan est positif" avait déclaré Bruno Dalles, le directeur de Tracfin, le 21 juin, lors d'une conférence sur le blanchiment organisée par l'ACPR-Banque de France, en dévoilant en avant-première quelques chiffres du rapport annuel publié ce vendredi 5 juillet. Le service de renseignement de Bercy, chargé de la lutte contre les circuits financiers clandestins, a connu une nouvelle forte progression de son activité l'an dernier, ayant reçu et analysé 79.376 informations (+12% en un an et +75% en trois ans), pour l'essentiel des déclarations de soupçons. Les banques et établissements de crédit restent les principaux fournisseurs d'informations (près des deux tiers).

Bruno Dalles avait noté "la croissance exponentielle" des déclarations en provenance des établissements de paiement (+40% à plus de 12.000) : il avait adressé à ces derniers "un petit message d'alerte", les enjoignant à plus d'analyse et de rigueur plutôt que la "communication systématique", même en cas de "soupçon inexistant", ce qui risquait de "noyer la machine".

Tracfin relève aussi "une plus grande implication des intermédiaires en financement participatif" dont les déclarations de soupçon ont bondi de 213%, et de ceux "en monnaies virtuelles (+54%) même si les volumes déclaratifs restent faibles". On est ainsi passé de 23 à 72 signalements chez les plateformes de crowdfunding (essentiellement les cagnottes et dons en ligne) et de 13 à 20 pour les plateformes de cryptomonnaies (désormais 13 professionnels enregistrés contre trois un an plus tôt). Le rapport précise que "85% des déclarations de soupçons du secteur [des crypto, Ndlr] sont à mettre à l'actif d'un seul déclarant".

Doublement du nombre de dossiers crypto

Les trois quarts des déclarations émanant du secteur des plateformes "crypto" ont fait l'objet d'investigations par Tracfin.

"Ce taux élevé est révélateur de l'intérêt que porte le service aux soupçons déclarés par les acteurs du secteur, ainsi que des marges de progression existantes en termes de volumes de déclaration chez tous les professionnels des crypto-actifs", indique le rapport.

En tout, Tracfin a reçu 528 déclarations de soupçon en lien avec les crypto-actifs, en doublement par rapport à l'année précédente (250 en 2017), venant à plus de 80% des établissements de crédit. Ces dossiers concernent des escroqueries, des fraudes, l'exercice illégal de la profession d'intermédiaire en opérations de banque et services de paiement, abus de biens sociaux, blanchiment, opérations via le darkweb et "quelques cas d'ICO", ces levées de fonds par émissions de jetons numériques.

Lire aussi : Bitcoin, ICO : de nouvelles lois nécessaires en Europe selon les régulateurs

Le rapport souligne que la loi Pacte va permettre "un meilleur encadrement des acteurs du secteur", avec la mise en place d'agrément notamment pour les prestataires de services en actifs numériques (PSAN). Il détaille aussi un exemple d'utilisation suspecte de crypto-monnaies.

"L'attention du service a été appelée sur les activités financières d'un étudiant étranger en poste au sein d'une entreprise française, cet individu déposant des espèces et recevant des fonds étrangers sur ses comptes bancaires ouverts en France. Les sommes sont alors converties en crypto-monnaies pour plus de 180.000 euros sur une première plate-forme", présente le rapport annuel de Tracfin.

L'étudiant en question recevait des virements en France "sans commune mesure avec les nécessités de son train de vie et par des personnes a priori autres que sa famille". Le recours à une deuxième plateforme de cryptomonnaies "pourrait traduire la volonté d'opacifier au maximum des opérations" qui impliqueraient "un ressortissant français travaillant dans une société française de services informatiques" également détenteur d'un portefeuille en crypto sur la première plateforme, qui avait réalisé par le passé des achats sur des sites du darkweb.

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Tracfin crypto blanchiment illicite

[Schéma d'utilisation suspecte de crypto-monnaies. Crédit : Tracfin, rapport annuel 2018]

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Le service de renseignement antiblanchiment de Bercy souligne qu'il s'est doté en avril 2018 d'une nouvelle division d'enquête dédiée à la cybercriminalité financière et d'outils pour chercher directement sur les blockchains publiques, "afin d'améliorer ses capacités d'investigation sur l'analyse de transactions en crypto-actifs".

"Le Bitcoin est beaucoup plus traçable qu'on le croit. Ces outils marchent bien pour le Bitcoin, moins avec d'autres crypto", avait confié Bruno Dalles le mois dernier.

Delphine Cuny

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Commentaires 2
à écrit le 06/07/2019 à 11:00
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Une concurrence inacceptable envers les paradis fiscaux européens.

à écrit le 06/07/2019 à 3:40
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le grand banditisme s'est encore octroyé d'escroquer le français pour se gaver toujours plus

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