Défense : pourquoi les industriels la jouent profil bas

Les industriels de la défense ont accueilli la loi de programmation militaire avec une certaine mesure. Même si certains avancent 20.000 suppressions d'emplois en raison de la baisse programmé des crédits budgétaires. Explications.
Michel Cabirol
la loi de programmation militaire (LPM), qui prévoit 190 milliards d'euros sur la période 2014-2019 pour les forces armées

Les industriels de la défense sont partagés. Tout au long de l'université d'été de la défense, qui s'est tenue lundi et mardi à Pau, ils ont été très mesurés dans leur propos pour commenter la loi de programmation militaire (LPM), qui prévoit 190 milliards d'euros sur la période 2014-2019 pour les forces armées, dont 6,1 milliards de ressources exceptionnelles (REX). Pourquoi une telle prudence? Parce qu'ils ne peuvent pas occulter le contexte général budgétaire très contraint en France et en Europe et concomitamment l'effort réalisé et arbitré par le président François Hollande pour les armées... alors que les scénarii les plus cauchemardesques avaient circulé au printemps.« On s'en sort bien », estime même un militaire haut gradé. Et c'est peu de le dire. Aussi, tous s'accordent ou presque à reconnaitre sur les bouts des lèvres que cette LPM est la moins mauvaise.

Pas question de passer pour des enfants gâtés

C'est bien ce qui gêne les industriels de critiquer beaucoup plus ouvertement la baisse des crédits budgétaires - on les a connus plus combattifs par le passé - en faveur de la défense. Car c'est indéniable que la trajectoire financière s'est bien réorientée par rapport à celle de l'actuelle LPM construite par l'ancien gouvernement de François Fillon. Mais comme l'a rappelé mardi à Pau le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, à l'université d'été de la défense, « le renouvellement de nos équipements sera assuré, même si cela ne peut se faire au rythme, irréaliste, préconisé avant la crise par la précédente loi ».

Pas question de passer pour des enfants gâtés qui quémandent un peu plus d'argent en dépit de la crise qui frappe tous les Français. Et surtout, ils savent combien le ministre, bien aidé par les présidents PS des commissions de la défense de l'Assemblée nationale et du Sénat, Patricia Adam et Jean-Louis Carrère, s'est battu comme un beau diable pour obtenir le niveau de crédits arbitré par François Hollande. Soit 31,4 milliards d'euros les trois premières années.

Le point clé : l'exécution de la loi,

Une prudence certes. Mais une exigence. Les industriels - tout comme le ministre d'ailleurs pour qui « l'enjeu, c'est la sincérité de cette programmation » - veulent une LPM exécutée dans sa totalité en dépit de certains paris plus ou moins difficiles. C'est le cas des fameuses REX (6,1 milliards sur six ans), de l'exportation du Rafale notamment, et des économies sur la masse salariale (4,4 milliards d'euros). « L'exécution est le point clé de cette LPM », souligne le numéro deux de Thales, Patrice Caine.

C'est aussi tout le sens de la tribune publiée dans le journal « Le Monde » par les PDG de sept plus grands groupes d'armement français (1). « Le défi est immense pour la prochaine programmation, expliquent-ils, puisqu'elle devra ni plus ni moins être la première à être intégralement exécutée. Elle devra recréer une relation de confiance avec l'industrie qui passera par le respect des engagements pris et par une sincérité budgétaire, corollaire d'une visibilité à moyen et long terme indispensable à la survie de nos outils de production, et des emplois qui y sont associés ». Pas un mot en revanche sur la baisse des crédits et leurs conséquences.

 20.000 suppressions d'emplois

Pour autant, cette retenue, certains s'en démarquent. Non par provocation mais pour rappeler que les crédits budgétaires destinés à la défense font vivre tout un tissu industriel et donc des salariés (165.000 emplois dans la filière). Le président du Conseil des industries de défense françaises (Cidef), Christian Mons, estime que dans cette LPM par rapport à la précédente, « il y a un déficit de l'ordre d'un milliard d'euros par an sur les premières années et la perte de l'inflation ». Soit une conséquence sur l'emploi qu'il chiffre à 20.000 suppressions de postes, dont 15.000 dans les 4.000 PME, qui vivent sur le marché de l'armement.

Dans la filière navale, chère à Jean-Yves Le Drian, certains évaluent à 1.600 les pertes d'emplois (hors DCNS) en raison de l'étalement de deux programmes emblématiques, les sous-marins Barracuda (600 emplois menacés) et les frégates FREMM (entre 800 et 1.000). Des suppressions d'emplois qui toucheront la sous-traitance à Cherbourg, à Lorient et au niveau national ...et qui ne se verront pas forcément visibles pour l'opinion publique. Car il n'y aura pas forcément de grands plans sociaux. Christian Mons estime enfin que les grandes entreprises vont mieux s'en tirer car elle vont rapatrier la sous-traitance une fois les contrats achevés.

(1) Eric Trappier (PDG de Dassault Aviation), Patrick Boissier (PDG de DCNS), Marwan Lahoud (président d'EADS France), Antoine Bouvier (PDG de MBDA), Philippe Burtin (Directeur général de Nexter Systems), Jean-Paul Herteman (PDG de Safran) et Jean-Bernard Lévy (PDG de Thales)

Michel Cabirol

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Commentaire 1
à écrit le 14/09/2013 à 9:05
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Ils peuvent effectivement faire profil bas car certains d'entre eux exportent 80% dans des pays comme la chine et la russie en osant se plaindre que l'état ne finance plus leur recherche et développement!.... Un peu de pudeur et .... Profil bas

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