Aéronautique : Cassio, l’avion hybride à propulsion électrique prêt à s’envoler

Cassio est le troisième type d’aéronef utilisant la propulsion électrique développée par Jean Botti, fondateur de VoltAero à Royan. À la différence que ce nouvel appareil hybride combine moteurs électrique et thermique. Le Cassio sait parfaitement voler. En cours de certification, ce vecteur de la transition écologique a pourtant encore besoin de plusieurs millions d’euros pour être prêt. (Cet article est extrait de T La Revue n°12 - « Climat : Et si on changeait nous aussi ? », actuellement en kiosque).
(Crédits : DR)

Ex-directeur général délégué à la technologie et à l'innovation d'Airbus Group, pionnier de l'aviation électrique, Jean Botti a fondé en 2017 la société VoltAero, à Royan (Charente-Maritime), qui développe Cassio, un bimoteur hybride électricité-essence dont le démonstrateur a eu le temps de faire ses preuves, notamment en réalisant sans le moindre incident un tour de France des aéroports au cours de l'été 2021. L'appareil est équipé d'un couple de moteurs montés en parallèle : électrique et thermique.

Lire aussiVoltaero lève 32 millions d'euros pour développer son avion hybride

Jean Botti a notamment travaillé en 2011 sur la qualification d'un minuscule appareil de tourisme, le Cri-Cri électrique. Avant d'enchaîner dans la foulée avec Airbus sur le projet d'avion électrique E-FAN, qui a décollé pour la première fois de l'aéroport de Bordeaux-Mérignac en 2014. D'un poids de 500 kg, cet avion-école biplace est à classer dans les aéronefs ultralégers, en attendant que les avionneurs puissent s'attaquer à des formats commerciaux électriques du type Airbus A-320. Malgré ses indiscutables performances aéronautiques, il a notamment traversé la Manche, l'E-FAN n'a pu aller au bout sur le plan commercial, faute d'un marché pas encore mûr. Les ambitions sont tout autres avec le nouvel appareil hybride.

« Le Cassio est un avion hybride avec deux systèmes de propulsion montés en parallèle. Il décolle et il atterrit avec un moteur électrique et peut l'utiliser en vol sur une distance de 200 km. En cas de besoin, le moteur thermique permet de rallonger les missions jusqu'à 1 200 km. Ce profil hybride apporte au Cassio un énorme gain de sécurité avec le doublement des systèmes. Si par accident le moteur électrique avait un problème au décollage, disons à 150 m d'altitude, le pilote pourrait passer en un instant à la propulsion thermique, juste en poussant la manette de propulsion électrique à thermique. Parce que pendant toutes les phases de décollage et d'atterrissage le moteur thermique tourne au ralenti, en arrière-plan » explique Jean Botti.

Autre avantage : sa batterie électrique se recharge pendant le vol. Sur sa distance initiale de 200 km, le Cassio n'exige qu'une toute petite fraction de poussée thermique, soit au global 1 à 2 % de ses besoins énergétiques. Au-delà, entre 200 et 600 km, la propulsion électrique couvre 30 % des besoins énergétiques de l'appareil, puis 8 % de 600 à 1 200 km. L'entreprise prévoit aujourd'hui trois types de motorisation électrique : 330 kilowatts (Cassio 330 : quatre à cinq passagers), 480 kilowatts (Cassio 480 : six passagers), 600 kilowatts (Cassio 600 : dix à douze passagers).

Les avions seront assemblés à Rochefort

Pour s'ouvrir les portes d'un marché aussi large que possible, VoltAero propose des appareils qui ne font pas plus de bruit qu'une voiture, souligne Jean Botti. Ce qui doit permettre à Cassio de voler 24 heures sur 24 sans trop déranger le voisinage des aéroports. Et c'est avec des moteurs électriques « ENGINeUs 45 » que le démonstrateur du Cassio a pu boucler son tour de France de l'été 2021. Une vraie satisfaction pour le groupe Safran dont la filiale Safran Electrical & Power a développé cette motorisation.

« L'intérêt du marché est grand. Nous préférons rester prudents mais nous avons beaucoup de sollicitations. L'intérêt est là. Au point qu'une compagnie aérienne internationale nous a fait une précommande de plus d'une centaine d'avions. Cet accord reste à finaliser mais l'attente de la clientèle pour ce type d'appareil est forte » confirme Jean Botti, pour qui la bascule du monde aéronautique dans le développement durable est bien engagée.

Pour pouvoir voler, un avion doit être certifié. Une étape incontournable qui prend du temps et se décline entre autorisations nationales et européennes.

« Notre démonstrateur a été supervisé par la Direction générale de l'Aviation civile (DGAC) depuis 2018, et la certification a débuté en 2021 avec l'Union européenne. Une batterie de tests en vol et au sol va durer jusqu'à fin 2023. Ce qui fait que nous comptons démarrer la livraison des premiers modèles à compter du deuxième semestre 2024 » détaille le dirigeant.

En fonction de son format, le Cassio peut rapidement être transformé pour embarquer du fret. Fondée dans la cité balnéaire de Royan (Charente-Maritime), VoltAero a déclenché sur place un mini-séisme en annonçant l'an dernier qu'elle allait finalement s'installer à Rochefort pour assembler ses avions, à quelques dizaines de kilomètres de là.

« Nous discutons avec la Région Nouvelle-Aquitaine, qui nous soutient financièrement, et Rochefort. Nous nous trouvons encore à Royan mais l'an prochain nous serons à Rochefort où sera installé notre appareil de production. Je tiens au passage à saluer la Région qui soutient depuis des années nos projets, avec le Cri-cri, l'E-FAN. Les questions de financement, nous sommes en plein dedans ! Nous avons réussi à obtenir le soutien financier de l'Union européenne mais il est conditionnel et ne fonctionnera que si nous trouvons auprès d'autres investisseurs des capitaux d'un montant équivalent à ceux que l'Union promet de nous allouer. Si nos négociations actuelles aboutissent, tout ira bien » précise Jean Botti.

Besoin de l'appui de l'État

Dans l'immédiat, le fondateur et dirigeant de VoltAero a besoin de l'appui de l'État dans le développement de Cassio, qui est désormais concurrencé en France. Selon la presse spécialisée, mener le Cassio à terme coûterait 45 millions d'euros et le programme aurait jusqu'à présent mobilisé 12 millions d'euros sous forme d'aides publiques et d'investissement privé. Le projet de VoltAero traverse une nouvelle phase d'attente côté financements.

Bénéficiaire de la double nationalité française et américaine, Jean Botti se trouvait aux États-Unis quand il a accepté de répondre aux questions de la Revue T. « C'est là que se trouve ma famille, explique-t-il. Ainsi ma présence dans ce pays n'a aucun rapport avec VoltAero. Mon objectif est de trouver une solution principalement française pour développer VoltAero et remettre la France au centre de l'aviation générale, grâce à Cassio. Si ça marche, nous ferons tout en France. Dans le cas contraire, nous serions obligés de nous tourner vers les États-Unis » prévient le dirigeant.

Le patron de VoltAero pense pourtant qu'au pays de Clément Ader une solution pourra être trouvée pour ce projet d'avenir. En juillet dernier, lors du salon aéronautique de Farnborough (Royaume-Uni), le groupe Thales a confirmé un début de collaboration avec VoltAero, ciblé sur l'amélioration des performances de Cassio, en particulier en matière d'autonomie.

« VoltAero porte un projet qui devrait normalement être financé au titre du programme France 2030. Par ailleurs, nous travaillons avec Bpifrance, ils sont actifs, c'est encourageant » jauge le dirigeant avec une pointe de dépit.

En attendant, le dirigeant explique que son entreprise est en pleine traversée « du passage de la Vallée de la Mort », ce moment délicat qui consiste à passer de la recherche et développement au marché.

............................................................................................................................

ACTUELLEMENT EN KIOSQUE ET DISPONIBLE SUR NOTRE BOUTIQUE EN LIGNE

T La Revue n°12

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 09/01/2023 à 1:30
Signaler
Toujours aussi fun, l'illustration n'a rien à voir avec ce qui a réellement volé qui est un bon vieux Cesna Push Pull. Il serait intéressant de donner les performances de l'ensemble, si j'ai bien compris il y a cinq moteurs dans l'engin, dont un ther...

à écrit le 09/01/2023 à 0:59
Signaler
D'un point de vue technique, les résultats de VoltAéro sont remarquables. Là où une multitude de startups font rêver les investisseurs avec des images en 3D et des Powerpoints creux, VoltAéro a fait voler un avion hybride. Chapeau bas. Maintenant, il...

à écrit le 08/01/2023 à 18:51
Signaler
Le drone parfait pour casser du Russe ? ça devrait plaire à tous le va-t-en guerre bien planqués dans leurs salons parisiens. Et qui avaient vraisemblablement bien planqué leur service militaire quand ils étaient jeunes : on ne se refait pas.

à écrit le 08/01/2023 à 11:04
Signaler
Quelqu'un pourrait-il indiquer quelles sont les sources de revenus de Volt'Aero?

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.