La multiplication des engins spatiaux en orbite basse commence à poser de sérieux problèmes de trafic, avec une multiplication des risques de collision. Et la constellation géante Starlink de SpaceX tend à se retrouver souvent au centre des bisbilles. La dernière affaire en date oppose la société du milliardaire Elon Musk à la Chine, qui n'a pas hésité à parler de "grave menace". En 2019 déjà, c'était l'Agence spatiale européenne qui avait pointé du doigt le risque présenté par Starlink, et surtout l'attitude de SpaceX face au risque de collision.
Dans le cas présent, la Chine n'a pas cité nommément SpaceX, mais elle a accusé ce mardi les États-Unis de "manquer à leurs obligations internationales" dans l'espace, suite à des risques de collisions répétées entre des satellites Starlink et sa station orbitale Tiangong ("palais céleste"). "Cela constitue une menace grave pour la vie et la sécurité des astronautes" chinois, a fustigé devant la presse un porte-parole de la diplomatie, Zhao Lijian.
Selon un document adressé début décembre par Pékin au Bureau des affaires spatiales de l'ONU à Vienne, l'Administration spatiale chinoise (CNSA) a dû procéder à des manœuvres d'évitement à deux reprises, en juillet et en octobre, afin de prévenir "une rencontre" entre Tiangong et des engins de SpaceX. La station spatiale, dont l'assemblage doit être achevé l'an prochain, compte trois taïkonautes à son bord depuis le 15 octobre. C'est le deuxième équipage à y séjourner depuis le lancement du module principal Tianhe fin avril.
Un précédent avec l'ESA
Ce mardi, SpaceX n'avait pas encore commenté cette information. Une attitude qui n'est pas sans rappeler celle adoptée en 2019 face aux risques de collision entre un Starlink et le satellite d'observation de la Terre Aeolus de l'ESA. L'agence européenne avait dû céder la priorité - et donc brûler de son précieux carburant - face au refus de la firme d'Elon Musk de dérouter son propre engin. Aeolus était pourtant en position depuis un an, au contraire du satellite de télécommunication américain qui n'était en orbite que depuis quelques mois et placé sur une orbite abaissée par SpaceX en vue d'expérimentation. Pour justifier son attitude, la direction de la société avait argué par la suite au magazine Forbes qu'elle n'avait pas reçu de communication quand le seuil d'alerte pour le risque de collision a été franchi à cause d'un bogue informatique.
Au-delà des responsabilités de chacun, l'ESA avait alors appelé à la mise en place de règles pour gérer ce type de conflits orbitaux. L'Agence avait également évoqué la nécessité de développer des processus d'évitement automatique s'appuyant sur l'intelligence artificielle pour faire face à la multiplication des risques de collision inhérents au nombre croissant de satellites en orbite autour de la Terre, particulièrement en orbite basse. De son côté, le Bureau des affaires spatiales de l'ONU s'est contenté d'appeler à une meilleure collaboration et à une amélioration du partage d'informations, avec la publication cette année de lignes directrices par son Comité des utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique.
Explosion du nombre de satellites
Jusqu'ici, les manœuvres concernent essentiellement les satellites inactifs et les débris spatiaux. La situation est en train de changer radicalement avec la multiplication du nombre de satellites lancés chaque année. De moins d'une centaine jusqu'au début des années 2010, ce nombre croît rapidement depuis quelques années selon l'index du Bureau des affaires spatiales de l'ONU : 147 en 2016, 400 en 2018 et près de 1.200 l'an dernier, franchissant ainsi pour la première fois la barre du millier. Cette année, le chiffre devrait tutoyer les 1.700 satellites lancés. Ce sont ainsi près de 8.000 satellites actifs qui tournent autour de la Terre, en très large majorité en orbite basse (généralement entre 160 et 1.000 km d'altitude).
Cette accélération se fait essentiellement sous l'impulsion des constellations de satellites de communication, à commencer par Starlink mais aussi OneWeb, qui vient tout juste de placer 36 engins en orbite. La première compte ainsi près de 1.800 satellites actifs, possède les autorisations nécessaires pour atteindre les 12.000 unités dans les prochaines années, et projette d'atteindre les 42.000 à terme. La seconde en compte près de 400 satellites, prévoit de lancer son service avec 648 unités fin 2022 et se projette au-delà des 6.000 dans les prochaines années (après avoir évoqué un nombre de 48.000 jusqu'à l'an dernier).
Sujets les + commentés