Comment la DGA essaie de sauvegarder la filière industrielle de défense (2/3)

Le ministère des Armées prépare un plan d'actions de suivi rapproché pour sauvegarder les 1.400 entreprises considérées comme critiques pour la base industrielle et technologique de défense.
Michel Cabirol
500 entreprises du secteur de la défense travaillent sur le programme Rafale

Face à la crise économique provoquée par le Covid-19, la base industrielle et technologique de défense (BITD) française va-t-elle être durablement fragilisée ? La Direction générale de l'armement, qui réalise un diagnostic précis des difficultés de la filière défense, prépare "un plan d'actions de suivi rapproché pour déterminer ce que nous pouvons faire pour assurer la soutenabilité des 1.400 entreprises considérées comme critiques pour la BITD", a expliqué le Délégué général pour l'armement (DGA) Joël Barre lors de son audition fin avril à l'Assemblée nationale. Et les PME font l'objet de toute l'attention de la DGA. D'une façon globale, la hausse budgétaire de 1,7 milliard d'euros prévue par la loi de programmation militaire (LPM) pour 2021 "soutiendra" l'"activité économique et la BITD", a assuré Joël Barre.

"Je n'ai aucun doute sur l'efficacité économique de l'activité de défense, qui irrigue l'ensemble des territoires et dont les retombées en matière d'emploi sont avérées", a souligné le patron de la DGA.

Outre la poursuite stricto sensu de la LPM, la DGA a pris un certain nombre de mesures pour soutenir la BITD française. Ainsi, elle a donné un coup de main aux entreprises à sauvegarder leur trésorerie en accélérant le paiement des factures et en simplifiant leur liquidation. "Auparavant, nous payions à l'échéance contractuelle maximale de 30 jours, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui", a précisé Joël Barre. La DGA a également mis en place une démarche de sursis de livraison (prolongation de délais) pour tenir compte de la situation dégradée lors de la période de confinement. "Nous souhaitons pérenniser, en relation avec Bercy, les mesures que nous avons prises pour faciliter les paiements car elles permettent des gains d'efficacité", a indiqué le patron de la DGA. Enfin, la DGA est prête à poursuivre coûte que coûte une stratégie d'innovation "en prenant le relais des industriels rencontrant des difficultés pour financer la R&D".

La défense, un outil affaibli

Selon le chef d'état-major des armées, le général François Lecointre, "les limites existent toujours". "Les précédentes LPM et la révision générale des politiques publiques ont conduit à privilégier le management sur le commandement, l'efficience sur l'efficacité, la logique de flux sur celle de stock. Elles nous ont affaiblis et ont bridé notre réactivité, en allant à l'encontre de la singularité militaire", a-t-il estimé le 23 avril devant les sénateurs. Face à la multiplication des théâtres d'opération et à leur intensité, le général Lecointre, avait estimé en novembre dernier que l'actuel modèle des armées n'est plus suffisant. Le chef d'état-major des armées a insisté sur le fait qu'"aujourd'hui, ces faiblesses se trouvent cruellement mises en évidence par la crise : je pense à l'externalisation d'un certain nombre de fonctions, à la délocalisation de fonctions vitales, au manque de réserves opérationnelles et d'épaisseur organique de nos armées".

"Les besoins ne sont pas moins importants qu'hier. J'observe que les dépenses des armées, en plus d'être vertueuses, profitent au tissu industriel national. C'est vrai pour l'armement, mais aussi pour les dépenses du fonctionnement quotidien. Nous aurons donc des arguments à faire valoir au moment de la reprise pour que les ressources consacrées aux armées soient maintenues", selon le général François Lecointre.

C'est ce qu'a d'ailleurs développé Joël Barre devant les députés : "L'activité de défense est un outil de souveraineté sur lequel nous pouvons miser pour fournir les capacités nécessaires à nos armées. C'est un domaine dans lequel nous avons démontré notre efficacité économique : effet de levier des investissements dans le secteur de la défense, emplois hautement qualifiés et difficilement délocalisables répartis sur tout le territoire". En outre, sur le plan de la souveraineté dans les équipements de défense, la revue stratégique de l'été 2017, qui "a montré nos dépendances au travers de l'achat d'équipements et de composants américains, doit être actualisée à la lumière de l'évolution du contexte géostratégique et des menaces, dans le cadre de l'actualisation de la LPM", a estimé le Délégué général pour l'armement.

Pour autant, pas question par exemple de recréer une filière munitions petits calibres. Selon Joël Barre, "le marché français des munitions de petit calibre est négligeable par rapport au marché mondial : si nous voulions être indépendants, cela nous coûterait très cher". Il a rappelé que plusieurs pays sont susceptibles de fournir les armées françaises comme le Royaume-Uni, la Suisse, l'Allemagne, l'Italie, la Norvège, Israël, les Émirats Arabes Unis, les États-Unis et le Brésil. "La crise actuelle ne remet pas en cause l'analyse de la filière que nous avions menée en 2018 mais il faut se reposer la question de la souveraineté en des termes plus larges", a-t-il averti.

Dans ce contexte, Joël Barre a estimé qu'il fallait être attentif à la protection des entreprises appartenant à la BITD, se déclarant satisfait du nouveau décret qui abaissera jusqu'à fin 2020 de 25 % à 10 % le seuil à partir duquel seront contrôlées les prises de participation des entreprises cotées. "Il faut être attentif à notre dispositif d'actifs stratégiques, car la crise, en les fragilisant, risque de rendre vulnérables certaines de nos entreprises. Nous devons disposer de moyens d'action aussi puissants que possible pour nous opposer à toute tentative de prédation", a-t-il expliqué. La France va-t-elle notamment empêcher de voir Photonis rejoindre la galaxie Teledyne. Mais le décret Le Maire ne concerne pas les PME et les ETI.

DES PME et ETI en danger

"Concernant les PME-ETI, c'est une de nos préoccupations majeures", a fortement souligné Joël Barre. Face à la crise économique, toute la "supply chain" est en grand danger, notamment celle qui est dépendante de la filière civile fortement impactée par la crise majuscule du transport aérien. "Dans le domaine des PME-ETI, nous nous concentrons, dans le domaine de l'aéronautique, sur les entreprises duales, travaillant tant pour le civil que pour le militaire, car la crise de l'aéronautique commerciale, majeure, aura inévitablement des conséquences sur le plan industrie", a estimé le patron de la DGA.

La DGA a mis en place un service de soutien aux PME et ETI sous‑traitantes des maîtres d'œuvre ou fournisseurs directs du ministère des Armées. "Nous avons d'abord ouvert un site d'appui aux PME de la DGA, site sur lequel les entreprises peuvent déposer des demandes liées à leur situation", a expliqué le Délégué général. Elle a déjà eu "plusieurs dizaines de demandes sur ce site".  Et la DGA tente d'apporter "la réponse la plus complète et la plus rapide possible". Elle a également mis en place un dispositif de suivi rapproché des PME et ETI sur l'ensemble du territoire national, via des visites d'entreprises sur le terrain, du moins pour les plus critiques d'entre elles, afin d'identifier les problèmes auxquels elles se heurtent. "De ce constat, il sera possible d'identifier des solutions supplémentaires pour les aider à franchir cette étape difficile", a expliqué le patron de la DGA.

Michel Cabirol

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 18/05/2020 à 16:29
Signaler
L'option militaro-socialiste n'en est pas une : Les fautes cumulées de ce gouvernement obèrent gravement même la conservation de la relative avance dans ces domaines de ces dernières années, y compris dans les décapitations à l'intérieur de la chaîne...

le 18/05/2020 à 18:27
Signaler
Malheureusement, Macron brade les intérêts de la France, et place la plus grande partie de notre industrie de l'armement sous tutelle allemande (il sert aussi à cela le traité d'Aix la Chapelle)

le 18/05/2020 à 18:54
Signaler
Je ne sais pas pourquoi vous avez achete des fusils automatiques HK d'Allemagne et pas des fusils francophones d'Herstal.

à écrit le 18/05/2020 à 12:39
Signaler
Oui bien sûr c'est de la faute au covid19...oui oui. Tout ce qui n'allait déjà pas avant le covid ben maintenant c'est de la faute au covid on vous dit OK ?

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.