Covid-19 : de nombreux programmes d'armement ont pris du retard (1/3)

La crise sanitaire liée au Covid-19 a retardé de nombreux programmes d'armement. Mais la direction générale de l'armement a toutefois poursuivi son plan de continuité d'activité, notamment dans la dissuasion nucléaire, pour les opérations extérieures et intérieures, les opérations relatives à la posture permanente de sûreté (aéronautique ou maritime) et le maintien en condition opérationnelle.
Michel Cabirol
Les essais de réception des appareils du quatrième système Reaper, prévus au mois de mai, ont été décalés à juillet, sans conséquence sur la date de début de vol dans la bande sahélo-saharienne (BSS).
Les essais de réception des appareils du quatrième système Reaper, prévus au mois de mai, ont été décalés à juillet, sans conséquence sur la date de début de vol dans la bande sahélo-saharienne (BSS). (Crédits : OMAR SOBHANI)

Ce n'est pas une surprise : la crise sanitaire liée au Covid-19 a eu des répercussions sur le bon déroulement de nombreux programmes d'armement. "À la date d'aujourd'hui, le premier bilan des opérations d'armement est le suivant : à fin avril, 80 % des jalons présentent un décalage calendaire de l'ordre de 1 à 2 mois selon les opérations", a expliqué le délégué général pour l'armement Joël Barre lors d'une audition fin avril à l'Assemblée nationale. Dans ce contexte inédit, la direction générale de l'armement (DGA) a donné la priorité aux activités relatives à la dissuasion, aux opérations extérieures et intérieures, aux opérations relatives à la posture permanente de sûreté (aéronautique ou maritime) et aux actions en soutien du maintien en condition opérationnelle afin que les armées puissent poursuivre l'ensemble de leurs activités.

Des retards pénalisants pour les armées

"Il est encore trop tôt pour évaluer le retard des livraisons d'équipements neufs mais celui-ci est inéluctable. Nous essaierons, autant que possible, de le rattraper tant il nous pénalise", a expliqué de son côté le chef d'état-major des armées, le général François Lecointre lors d'une audition à l'Assemblée nationale le 22 avril. Ainsi, les armées sont "particulièrement" attentives "à ce que la dette organique ne se creuse pas dans les domaines du maintien en condition opérationnelle, des munitions et de l'infrastructure, a-t-il précisé. Car "si, faute d'une relance rapide de l'activité industrielle, la situation perdure, nous rencontrerons des difficultés d'ici à la rentrée de septembre et nous devrons alors adapter nos postures opérationnelles".

La direction générale de l'armement (DGA) a d'ailleurs mis en place un plan en coopération avec les industriels en vue de rattraper ces retards, qui restent minimes au regard du temps long de certains des programmes d'armement. Elle fera un retour d'expérience de la crise "dans les semaines qui viennent : il devra être intégré dans l'actualisation de la LPM de 2021 et tiendra compte de la question des programmes multimodaux", a précisé le patron de la DGA. Par exemple, le retard dans la livraison des véhicules Griffon, Jaguar et Serval à l'armée de Terre devra être rattrapé au plus tard fin 2021.

Un retour à la normale fin juillet

Sans surprise non plus ce décalage est dû au fait que l'industrie de la défense a travaillé "dans une situation dégradée" en raison du confinement décrété par le gouvernement et le président. Fin avril, le niveau d'activité des industriels, qui remonte progressivement, était évalué à environ 75 %. "L'industrie annonce un retour d'activité de l'ordre de 100 % entre mai et fin juillet, selon les industriels et les domaines concernés", a observé Joël Barre. "Un certain nombre d'arrêts techniques et de visites systématiques d'équipements ont été reportés ; sans doute à partir de la rentrée, nous aurons donc une baisse de régime pour assurer les mises en réparation, notamment dans le domaine naval", a pour sa part précisé le 23 avril au Sénat le chef d'état-major des armées.

En dépit de quelques alertes qui ont circulé ces dernières semaines, la DGA s'est montrée semble-t-il compréhensive avec les industriels en retard. "Nous avons mis en place une démarche de sursis de livraison - prolongation de délais - pour tenir compte de la situation dégradée" des industriels, a-t-il indiqué. Dans ce cadre, la DGA a pris des dispositions permettant de neutraliser dans les contrats les retards consécutifs à la crise. "Nous passerons les avenants nécessaires avec nos industriels pour adapter les échéanciers de livraisons", a souligné Joël Barre.

Un plan de remontée en puissance

Dans le plan de remontée progressive d'activité de la DGA, elle a inclus des dispositions de rattrapage des retards. Pour rattraper la "dette" (sic), un objectif a été fixé pour y parvenir : rattraper d'ici à "fin 2021 les retards pris en 2020 sur les livraisons prévues par la Loi de Programmation Militaire (LPM) du fait de la crise". Ainsi, le retard pris dans la fourniture des drone MALE (Medium Altitude Long Endurance) américain Reaper "n'est pas critique mais il faut rester vigilant", a précisé le DGA. Les essais de réception des appareils du quatrième système Reaper, prévus au mois de mai, ont été décalés à juillet, "sans conséquence sur la date de début de vol dans la bande sahélo-saharienne (BSS)", a-t-il assuré.

Au-delà des retards liées à la crise sanitaire, le Délégué général a rappelé que les "retards capacitaires doivent être comblés au titre de la LPM 2019-2025, axée sur un modèle d'armée 2030". Dans ce contexte, la DGA met "la pression sur les industriels pour qu'ils honorent leurs engagements et rattrapent le cas échéant leurs retards de livraison le plus rapidement possible". C'est le cas de Thales. Le retard du groupe d'électronique dans la production de la nacelle optronique Talios est "en cours de résorption" : les premiers pods Talios ont été livrés et sont en opération dans l'armée de l'air et la marine. "Une dizaine d'autres sera livrée cette année", a promis le DGA.

L'armée a reçu des équipements

Tout n'a pas été négatif pour la filière défense. "La crise ne nous a cependant pas interdit de franchir certains jalons depuis mars", a ainsi reconnu le patron de la DGA. Plusieurs livraisons ont pu être effectuées : un 3ème ATL2 rénové à la marine nationale, le 17ème A400M et le 3ème MRTT à l'armée de l'air, et, enfin, des véhicules de l'avant blindé avec protection contre IED à l'armée de terre. Ces véhicules étaient "urgemment attendus, la protection contre les engins explosifs improvisés étant vitale pour nos troupes en particulier en BSS".

Le sous-marin nucléaire d'attaque (SNA), le Suffren, a effectué ses essais à la mer. La DGA a démarré les essais en vol sur le site de Bourges, du drone SMDR, le Système de Mini-Drones de Renseignement prévu pour équiper l'armée de terre. "Malgré la crise, nous avons réussi à maintenir certaines activités", a démontré le patron de la DGA. Enfin, la crise sanitaire n'a pas empêché le lancement du programme du char du futur européen, le MGCS (Main Ground Combat System), sous leadership allemand. Berlin et Paris ont signé fin avril le premier contrat d'études d'architecture système, qui s'étalera sur une durée de 18 mois. Ce contrat représente une valeur de 30 millions : 15 millions d'euros pour l'industrie française, dont Nexter en tant que tête de file ; 15 millions d'euros pour l'industrie allemande.

Michel Cabirol

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Commentaires 5
à écrit le 18/05/2020 à 10:29
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Quel dommage ! car si le covid ne nous tue on espère l'être par les armes...

le 19/05/2020 à 6:19
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Bof, pas très pertinent comme commentaire... Allez dire ça aux militaires dont certains se battent encore avec des moyens des année 70 sous acharnement thérapeutique (frag, Pamac, Vab, p4, Puma... Et là je ne parle que de l'AdT). Sans compter le MCO...

à écrit le 18/05/2020 à 9:10
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Ras

à écrit le 18/05/2020 à 9:03
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Si les programmes ont pris du retard sur toute la planète, on ne voit pas où est le problème? Vous n'avez pas pris d'avance voilà tout!

à écrit le 18/05/2020 à 8:16
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C'est trop triste.. Mais bon, si on cherche des économies a faire :-)) Monsieur Cabirol, je vous trouve spécialement belliqueux.

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