Comment le Sénat est venu à la rescousse du budget de la défense

Des sénateurs de tous bords ont déposé un amendement visant à limiter à 30% la décote sur la valeur des emprises immobilières cédées par le ministère de la Défense. L'amendement a été adopté mardi par le Sénat.
Michel Cabirol
Une vue de l'emprise immobilière du ministère de la Défense à l'îlot Saint-Germain

Tout parti politique confondu, les sénateurs de la commission des affaires étrangères et de la défense et des finances sont venus à la rescousse du budget du ministère de la Défense en déposant un amendement rétablissant la limitation à 30% maximum jusqu'à la fin 2019 de la "décote Duflot" en faveur du logement social, sur la valeur des immeubles cédés par l'Hôtel de Brienne. Le Sénat a adopté cet amendement mardi et annule par conséquent une disposition, qui avait été adoptée lors de l'actualisation de la loi de programmation militaire (LPM) en juillet 2015.

Déposé par le président de la commission des affaires étrangères du Sénat, Jean-Pierre Raffarin, Jacques Gautier (Les Républicains), Daniel Reiner (Parti Socialiste), Xavier Pintat (Les Républicains) et Yves Pozzo di Borgio (Union des Démocrates et Indépendants), cet amendement est, selon une rédaction élaborée par les commissions des finances et des affaires étrangères, "nécessaire pour garantir le niveau de ressources attendues par le budget de la défense en provenance de cessions immobilières, lesquelles constituent un élément de l'équilibre de la programmation militaire (730 millions d'euros sur la période 2015-2019)".

"Dans le contexte où notre armée est sollicitée à l'intérieur comme à l'extérieur des frontières pour assurer notre sécurité, il faut que les moyens qu'on lui attribue soient en ligne avec les missions qui lui sont confiées", a estimé Jean-Pierre Raffarin dans un communiqué de la commission des affaires étrangères et de la défense.

200 millions d'euros de cessions attendus en 2016

Dans le projet de loi de finances de 2016, le montant des recettes exceptionnelles (REX) doit s'élever à 250 millions d'euros au moins, dont 200 millions alimentés par les cessions immobilières, notamment de sites parisiens du ministère (environ 150 millions). Il s'agit principalement de l'ilot Saint-Germain, où était jusqu'ici installé le ministère de la Défense avant de migrer vers Balard, et de l'Hôtel de l'artillerie (Saint-Thomas d'Aquin). Dans le cadre de la vente de ces deux sites, les services de la ville de Paris et d'autres services de l'État participent aux discussions pilotées par le préfet de Paris. Le produit de plusieurs cessions, en province, devrait en outre s'élever à environ 50 millions d'euros.

Le ministère de la Défense a déjà cédé en 2015 le site de la Pépinière pour 119 millions d'euros et en 2014 celui de Bellechasse-Pentemont pour 137 millions d'euros. Il a par ailleurs vendu une partie de la caserne Lourcine, tout en conservant une partie du bâtiment comportant des places d'hébergement, qui sont utiles pour loger les militaires engagés dans l'opération Sentinelle. Le budget de la défense 2014 prévoyait 230 millions d'euros au total de cessions immobilières.

Des incertitudes pèsent sur l'Hôtel de l'artillerie et l'îlot Saint-Germain

Fin octobre, la vente de l'Hôtel de l'artillerie était toujours en négociations, la transaction étant évaluée à 104 millions d'euros. "La question de savoir si le site de Saint-Thomas d'Aquin sera repris par Sciences Po s'inscrit dans une réflexion globale sur les établissements universitaires parisiens", a expliqué le 13 octobre à l'Assemblée nationale le secrétaire général pour l'administration (SGA), Jean-Paul Bodin.

Selon le député Jean-François Lamour (Les Républicains), Sciences Po considère que l'évaluation de 104 millions d'euros est trop élevée. La décision de procéder à une cession de gré à gré ou à un appel d'offres est soumis à l'arbitrage du Premier ministre, a expliqué Jean-Paul Bodin. Le SGA recommande la procédure d'un appel d'offres qui est "la meilleure formule" pour le ministère de la Défense.

"Le ministère de la défense considère que le site de Saint Thomas d'Aquin devrait faire l'objet d'un appel d'offres, comme ce fut le cas, avec succès, pour les sites de Bellechasse et de la Pépinière", a expliqué fin octobre Jean-Paul Bodin au Sénat.

Sur le dossier de l'îlot Saint-Germain dont la vente est évaluée entre 300 et 320 millions d'euros, la discussion est également toujours en cours avec la ville de Paris. Notamment sur le pourcentage de logements sociaux prévus et sur la surface à prendre en compte pour le calcul de cette part. La loi sur le logement social a institué un mécanisme de décote pouvant atteindre 100% de la valeur d'un bien, en fonction du nombre et de la nature des logements prévus par l'acquéreur. Ainsi, comme l'a indiqué Jean-Paul Bodin à l'Assemblée nationale, "tant que ces points - qui relèvent de la compétence du préfet - ne sont pas réglés, nous ne pourrons pas céder ces immeubles".

Des difficultés à partir de 2017?

Compte tenu des paiements de 2015, le ministère de la Défense ne devrait connaître "de réelles difficultés qu'à partir de 2017 si l'îlot Saint-Germain et l'Hôtel de l'artillerie ne sont pas vendus", a expliqué Jean-Paul Bodin. Il compte également sur la vente d'une partie de l'emprise du Val-de-Grâce qui pourrait intervenir fin 2016 ou en 2017. "La partie moderne du Val-de-Grâce fermera en 2017 et entrera alors sur le marché, a-t-il affirmé au Sénat. La préfecture de Paris a déjà engagé des discussions avec des repreneurs éventuels". En revanche, la partie historique du Val de Grâce sera conservée par le ministère de la défense.

Pour passer le cap de 2017, le secrétariat général pour l'administration a initié de nouvelles discussions avec la société de valorisation foncière et immobilière SOVAFIM, qui réhabilite des ensembles immobiliers comme l'îlot Fontenoy-Ségur. Cette société qui appartient à l'Etat, dispose de moyens financiers pour acheter des immeubles. Ainsi, "France Domaine bâtit actuellement une convention avec SOVAFIM, dont nous pourrions bénéficier. Il s'agirait d'apporter un ensemble d'immeubles à cette société, à un prix déterminé par le service des Domaines, avec une clause de retour à meilleur fortune dans le cas où ces immeubles seraient cédés ensuite à des prix plus élevés", a expliqué Jean-Paul Bodin. Une méthode déjà utilisée par la gendarmerie, qui a cédé une partie de son patrimoine.

Michel Cabirol

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Commentaires 3
à écrit le 25/11/2015 à 23:53
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Le budget de la défense a été divisé par 2 en 34 ans : il n'y avait alors qu'un ennemi : l'Est : " le Pacte de Varsovie " . Des conflits périodiques en Afriques nettement moins fréquents, et plus rapides. Et aucun ! dans la région actuelle. Les troi...

à écrit le 25/11/2015 à 22:06
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C'est bien, larguer tous ces nids douillets de généraux qui en nombre, en exercice ou retraités, sont plus nombreux et bien plus onéreux, que l'ensemble des lieutenants et des capitaines de notre armée.

à écrit le 25/11/2015 à 18:31
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tripoter les valeurs des immobilisations, c'est le B-A-BA de la falsification des bilans.

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