La Russie pilonne des cibles à 2 minutes de vol de la Pologne, mais "l'Ukraine n'a pas besoin d'avions de chasse" analyse Washington

Alors que les chars russes sont aux portes de Kiev et que les forces russes poursuivent leur offensive sur de nombreuses autres villes ukrainiennes, Washington a surpris, hier soir, en affirmant que l'Ukraine n'avait pas vraiment besoin d'avions de combat pour contrer les attaques russes. D'autant plus surpris que, ce matin, la chasse aérienne russe a détruit deux cibles à 2 min de vol de la Pologne.
Jérôme Cristiani
Deux Mig-29 de l'armée ukrainienne, appartenant à la base militaire de Vassylkiv, dans la région de Kiev, photographiés en 2016.
Deux Mig-29 de l'armée ukrainienne, appartenant à la base militaire de Vassylkiv, dans la région de Kiev, photographiés en 2016. (Crédits : Reuters)

C'est la suite de la valse hésitation des Occidentaux sur la question de livrer ou non  des avions de chasse à l'Ukraine, livraison réclamée à cor et à cri par son président Volodymyr Zelensky et son ministre des Affaires étrangères Dmytro Kuleba pour contrer l'aviation russe qui pilonne leur pays.

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Alors que, poursuivant leur manœuvre d'encerclement, les chars russes sont aujourd'hui aux portes nord-est de Kiev et que les forces russes, selon l'état-major ukrainien, poursuivent leur offensive sur de nombreux autres fronts (dans l'est, les villes d'Izioum, de Petrovske, de Hrouchouvakha, de Soumy et d'Okhtyrka ou dans les régions de Donetsk et de Zaparojie), Washington a surpris, hier soir, en affirmant que l'Ukraine n'avait pas vraiment besoin d'avions de combat pour contrer les attaques russes.

Les États-Unis accusés de laisser tomber l'Ukraine

Les États-Unis qui, dimanche 6 mars déclaraient qu'ils "travaillaient activement" sur le sujet, avaient finalement décidé mercredi dernier qu'ils ne pouvaient pas envoyer de MIG-29 à l'Ukraine via la Pologne, ceci afin d'éviter d'engager tous les pays de l'Otan dans une confrontation directe avec la Russie, laquelle avait clairement annoncé la couleur en cas d'intervention armée des Occidentaux dans le ciel ou au sol. Pour mémoire, la Pologne était tout d'abord réticente à l'envoi d'une aide militaire de cette nature depuis son territoire, et c'est lorsqu'elle finit par soutenir cette solution -risquée pour elle- que les États-Unis font marche arrière.

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Et c'est exactement ce que craignait le président ukrainien Volodymy Zelensky quand, mardi 8 mars, il reprochait aux Occidentaux leur réticence à livrer des avions de combat à l'Ukraine et à imposer une zone d'exclusion aérienne au-dessus de l'Ukraine, alors même que les Russes venaient de détruire l'aéroport de la ville de Vinnytsia, à quelque 200 kilomètres au sud-ouest de Kiev:

« Nous le répétons chaque jour : fermez le ciel au-dessus de l'Ukraine, fermez-le aux missiles russes, à l'aviation russe de combat, à tous ces terroristes », avait-t-il lancé.

Avant de préciser :

« Si vous ne le faites pas, si vous ne nous donnez pas au moins des avions pour que nous puissions nous protéger, on ne peut en tirer qu'une seule conclusion : vous aussi, vous voulez qu'on nous tue lentement ! »

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L'analyse tactique des États-Unis: pas besoin d'avions de chasse...

Hier soir, Washington a invoqué un autre argument pour justifier son refus de fournir des avions - et lui donner moins l'apparence d'une reculade face à la Russie. Cette nouvelle justification se présente désormais sous la forme d'une analyse tactiquement plus fine de la situation militaire des Ukrainiens selon laquelle le problème numéro un des Ukrainiens ne serait pas le manque d'avions de chasse.

Pour avancer un tel argument, alors que depuis 14 jours, on ne parle que de la terreur que font régner les forces armées russes sur le territoire ukrainien dont elles dominent entièrement l'espace aérien, Washington s'appuie sur le constat que les destructions sont beaucoup moins dues à des avions de chasse qu'à des tirs de missiles de croisière et à des tirs d'artillerie, notamment de roquettes.

"Les avions, ce n'est pas ce dont nos partenaires ukrainiens ont principalement besoin en ce moment", a déclaré le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price devant la presse.

Il expliquait l'analyse de la situation militaire ukrainienne en ces termes :

« Quand on analyse la destruction semée par le Kremlin sur des régions d'Ukraine, c'est essentiellement dû à des missiles », « à des roquettes», « à des tirs d'artillerie» (...) « Les avions ne sont pas les mieux placés pour éliminer ces armes.»

... mais de plus de systèmes de défense sol-air (Stinger...)

Selon le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price, l'armée ukrainienne dispose d'ailleurs encore de « plusieurs escadrons d'avions » en état de voler - mais il ne dit  pistes en état pour que lesdits avions puissent décoller...

Mais il a ajouté que « l'efficacité » de la flotte aérienne russe avait été «  limitée par les systèmes de défense aérienne au sol » , qu'il s'agisse de « missiles sol-air » ou de systèmes portatifs - comme les Stinger, ces lance-missiles sol-air américain à courte portée utilisé pour atteindre les hélicoptères ou les avions de combat à basse altitude, fournis par les Américains.

"Nous allons continuer à fournir à nos partenaires ukrainiens des systèmes sol-air", et "nous allons peut-être pouvoir en fournir encore davantage", a-t-il dit.

La position byzantine de Washington

Toutefois, si les Etats-Unis ont "définitivement" rejeté mercredi la proposition de la Pologne de livrer à l'armée américaine ses avions Mig-29, la porte à cette solution n'est pas totalement fermée par Washington, qui dans une nouvelle déclaration byzantine, n'a pas totalement exclu qu'un pays de l'Otan puisse livrer des avions de chasse à Kiev, mais cela relèverait de sa « décision souveraine », a souligné Ned Price, laissant entendre que les Etats-Unis n'y seraient pas "ouvertement favorables".

Le porte-parole de la diplomatie des États-Unis a rappelé que le renseignement américain avait mis en garde contre le transfert d'avions depuis des pays de l'Alliance atlantique à l'Ukraine, car cela serait pourrait être considéré comme "une escalade" par le président russe Vladimir Poutine, avec le risque d'aboutir à une confrontation directe entre l'Otan et la Russie.

L'aviation russe détruit des cibles à 2 minutes de vol de la Pologne

Mais comment l'Otan va-t-il réagir alors que les forces aériennes russes viennent de pilonner des cibles à relative proximité de la Pologne?

Ce vendredi, l'aviation russe a en effet détruit deux aérodromes militaires ukrainiens, celui de Loutsk (dans l'ouest de l'Ukraine, à seulement 87 km de la frontière avec la Pologne) et celui et d'Ivano-Frankivsk (toujours dans l'ouest de l'Ukraine mais 250 km plus au sud).

Pour rappeler les ordres de grandeur - de vitesse en l'occurrence -, un rapide calcul permet de comprendre qu'un avion de chasse volant à 2.600 km/h (ou Mach 2,45, la vitesse de pointe d'un Soukhoï Su-57) n'a besoin que de 2 minutes pour parcourir une distance de 87 km (3.600 sec : 2.600 km x 87 km = 120, 46 secondes).

Ces deux attaques ont été explicitement revendiquées par le porte-parole du ministère russe de la Défense, Igor Konachenkov, qui a annoncé ce matin que « les aérodromes militaires de Lutsk et d'Ivano-Frankivsk (ouest), ont été mis hors service ».

Côté ukrainien, la destruction du site militaire de Loutsk a été confirmée, via la messagerie Telegram, par le responsable de l'administration régionale de Volhynie, Youriy Pohuliayko:

« À 05h45 (03h45 GMT), quatre roquettes ont été tirées, selon nos informations, par un bombardier de l'armée russe sur la base aérienne de Loutsk », a-t-il indiqué, précisant le bilan humain: « deux militaires tués et six blessés ».

(avec AFP et Reuters)

Jérôme Cristiani

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Commentaires 25
à écrit le 01/04/2022 à 17:26
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Les occidentaux s'agitent beaucoup pour la galerie mais ne veulent pas d'une rupture avec la Russie qui serait catastrophique pour leur économie, ils veulent encore moins d'une guerre et cela a juste titre. L'Ukraine devra tot ou tard se plier aux in...

à écrit le 30/03/2022 à 18:58
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La stratégie américaine est plus subtile. Même si les embargos fusent sur la Russie de la part de Washington, et que "Biden le sénile" insulte Poutine, la Russie reste un "allié" géostratégique des US. Les 2 pays se partagent le Monde depuis 1945. ...

à écrit le 15/03/2022 à 12:40
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La Russie souhaite la présence d'un "glacis" entre d'éventuels agresseurs (l'OTAN) et sa frontière. Faisons de même avec nos frontières Est, tout aéronef s'approchant à moins de XX km de la limite sera détruit. La Turquie avait appliqué le même pri...

à écrit le 14/03/2022 à 14:19
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Ces attentes et réunions stériles ,nous laissent penser tout comme nos voisins ukrainiens que les occidentaux laissent traîner la situation par peur d'un conflit avec la Russie ! Nous devons constater que le nouveau "petit père des peuples " lui ,ne ...

à écrit le 12/03/2022 à 13:59
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Avec les américains : abandons en Irak, Syrie, Afghanistan.... qui peut encore leur faire confiance??? Pas moi!

le 15/03/2022 à 18:23
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Pour les américains, comme les allemands d'ailleurs, il n'y a que le business qui compte : il faut plumer et asservir économiquement les européens.

à écrit le 11/03/2022 à 17:05
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Les Américains en disant qu'ils n'interviendraient pas, ont donné le feu vert à Poutine, comme ils l'ont fait en 1990 avec Saddam Hussein. Saddam était un tyran, mais on n'opère pas un ulcère variqueux en coupant la jambe au ras de la cuisse. Voir ce...

le 12/03/2022 à 18:00
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Excellente analyse. J'imagine que les USA souhaitent voir ce conflit durer le plus longtemps possible, au mépris des intérêts des ukrainiens.

à écrit le 11/03/2022 à 14:21
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Les Américains ont raison, les avions de chasse ne servent à rien dans ce conflit. Par contre, un Tomahawk avec tête nucléaire lancé sur Moscou pourrait bien débloquer la situation de manière définitive pour tout le monde :-(

le 12/03/2022 à 5:31
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J'espère juste que vos écrits sont du second degré.

à écrit le 11/03/2022 à 14:01
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Ou quand voter pour les wokes bobos tout gentils amène un peuple tout entier au bord de l'abîme. Imagine t on Poutine faire son mariole avec Trump aux commandes quand 100 f35 auraient suffi à détruire l'armée d'invasion de ce tyran ? La guerre nucléa...

le 12/03/2022 à 5:34
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Il n'a aucun intérêt à envahir les pays baltes. Son seul objectif est de sécuriser l'accès à la mer noire via la Crimee et l'Ukraine pour protéger la Russie.

à écrit le 11/03/2022 à 13:28
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Il serait temps de cesser d'envoyer de l'argent à des pays hostiles comme le Mali ou le Pakistan et a augmenter le budget militaire. Les dividendes de la paix qu'ils disaient. Parmi les dix premiers pays bénéficiaires des subventions de l’AFD en 201...

le 11/03/2022 à 13:50
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la France n'a jamais rien donné sans contre partie si elle te donne 1 EURO elle t'arrache 1000

le 11/03/2022 à 15:04
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On donne notre argent à des pays complètement hostiles, y compris à la Chine ! On croit rêver quand ensuite on veut économiser 15 milliards par an en relevant l'age de départ à la retraite à 65 ans, et que l'on vient de cramer 300 milliards en pure p...

le 11/03/2022 à 15:09
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Certainement MOMAX, il suffit de voir les centaines de milliers de gens originaires de ces pays et ce qu'ils nous coûtent et nous apportent, je pense notamment à la famille Traoré. Les Africains verront vite que les Ruses et les Chinois sont là bas p...

le 12/03/2022 à 6:20
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Completement d accord avec vous

à écrit le 11/03/2022 à 12:46
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Il faut quand même rappeler qu'un avion de chasse peut possiblement aller très vite mais cela engendre des problèmes d'échauffement et affecte grandement sa maneuvrabilité. la vitesse "efficace" est plutôt entre 800 et 1000 kms/h.

le 11/03/2022 à 16:17
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N'importe quoi...

le 12/03/2022 à 8:54
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Oui. Et que pour faire voler un avion sur la durée, il faut une piste. Et 50 mécanos. Et du kérosène. Et pas 5 SNLE en patrouille dans la mer de Barents. Surtout quand on a vendu l’avion.

à écrit le 11/03/2022 à 12:37
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Je ne suis pas un politique,mais moi ce que je vois c'est que ont laisse Poutine détruire l'Ukraine et ses habitants car soi disant que aucuns pays ne peut intervenir à cause de la peur d'une troisième guerre mondiale.Ces responsables politiques mond...

le 12/03/2022 à 6:22
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L opinion publique n est pas prete a la guerre et nos armees aussi. Mais vous avez peut etre raison, personne ne peut etre pret et peut etre qu il faut etre dur des maintenant.

le 12/03/2022 à 8:51
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Alors allons-y camarade. Prends ton billet d’avion et rdv en Pologne.

le 12/03/2022 à 13:02
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Ce dont nos dirigeants ne se rendent pas compte, c'est que nous avons affaire là à un nouveau Munich ! Dés que Poutine a menacé d'utiliser l'arme nucléaire, Macron aurait dû répliquer : "Tirez le 1er M. Poutine, mais ne vous étonnez pas si ensuite ...

à écrit le 11/03/2022 à 11:41
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C'est surtout qu'il n' y a plus une seule piste d'atterrissage en etats dans toute l'Ukraine

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