2022, annus horribilis pour les lanceurs européens. Rien ne s'est déroulé comme prévu. Rien. Et le cauchemar dure, dure... Tout a commencé avec le départ des Russes de Kourou fin février après l'invasion de l'Ukraine par la Russie et la fin de l'aventure Soyuz au Centre spatial guyanais (CSG). Puis, l'ESA (Agence spatiale européenne) s'est enfin décidée à annoncer en juin le retard du vol inaugural du futur lanceur lourd de l'Europe qui n'aura pas lieu fin 2022. Ariane 6 volera en principe pour la première fois fin 2023. Et enfin, le crash du nouveau lanceur italien, Vega C lors de son premier vol commercial. Une série de déboires aussi bien géopolitiques (Soyuz) que techniques (Ariane 6 et Vega C) qui dynamite et éparpille façon puzzle pendant plusieurs mois la souveraineté européenne en matière d'accès à l'espace.
Un problème Avio ?
Arianespace n'a aujourd'hui en stock que deux Ariane 5, qui ont déjà depuis longtemps leurs clients prêts à partir en 2023. Notamment la sonde Juice (Jupiter Icy moons Explorer) qui doit embarquer en principe en avril prochain sur le lanceur lourd européen. Et c'est tout. Après l'échec de VV22 (premier vol commercial de Vega C), la société de commercialisation des lanceurs européens a dû suspendre les lancements du nouveau lanceur le temps que la commission d'enquête indépendante analyse les raisons de l'échec et définisse les mesures remplissant toutes les conditions de sécurité et de fiabilité requises pour permettre la reprise des vols Vega C. Et selon nos informations, Arianespace a également dû suspendre les deux derniers vols de Vega.
L'ESA, qui prévoyait initialement une cadence de trois lancements de Vega C par an, en visait quatre dès 2023, puis cinq en 2024 au regard du succès commercial du lanceur italien et des retards d'Ariane 6. Le carnet de lancements Vega s'élève à 15 vols, dont deux lancements Vega. La cadence de quatre vols par an va désormais être compliquée à tenir après cet échec. La commission d'enquête devra travailler vite, très vite pour remettre en vol le plus rapidement possible aux lanceurs italiens (Vega C et Vega) afin de permettre à certains pays européens d'effectuer des lancements souverains aujourd'hui salle d'attente.
Le retour en vol de Vega après son premier échec le 11 juillet 2019 s'est effectué 14 mois après son revers, le 3 septembre 2020. Il était néanmoins prévu en mars mais la pandémie du Covid-19, puis les conditions météorologiques ont retardé le lancement de plusieurs mois. Le retour en vol après le deuxième échec du lanceur (17 novembre 2020) s'est quant à lui effectué près de six mois après. Surtout, trois échecs en moins de quatre ans pour les lanceurs italiens interrogent. Il y a manifestement une organisation chez Avio et une gouvernance des lanceurs en Europe à corriger dans la profondeur afin de limiter au maximum un nouvel échec.
Une absence de vision stratégique
Cet échec arrive au pire moment après l'arrêt de Soyuz à Kourou et à Baïkonour, la fin programmée d'Ariane 5 (plus que deux lancements) et les retards d'Ariane 6 mais aussi les éventuels aléas du premier vol du nouveau lanceur d'ArianeGroup. L'Europe spatiale subit parce qu'elle a extrêmement mal anticipé et géré la transition entre la fin d'Ariane 5 et Vega et l'arrivée des deux nouveaux lanceurs européens Ariane 6 et Vega C. Elle n'a plus de lanceurs disponibles alors que la liste des clients s'allonge chez Arianespace. Un cauchemar créé par une absence de vision stratégique. L'Europe spatiale devra faire un retour d'expérience sans concession. Pourtant, la transition entre Ariane 4 (dernier vol début 2003) et Ariane 5 (échec de ECA du 11 décembre 2002 et retour en vol le 12 février 2005) aurait dû inciter à la prudence. Mais l'Europe spatiale n'en a pas tenu compte...
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