Le retour (enfin) des livraisons du 787 marque la fin du calvaire pour Boeing

La traversée du désert semble enfin toucher à sa fin pour le Dreamliner. Après avoir enchaîné les déboires, le 787 a repris ses livraisons en août après près d'un an et demi d'attente. Et Boeing peut enfin souffler un peu, lui qui enchaîne les crises depuis le drame du 737 MAX. Il doit désormais se montrer patient pour faire remonter en puissance son programme long-courrier et arriver à retrouver des marges positives une fois les importants surcoûts digérés.
Léo Barnier
Les livraisons de 787 ont enfin repris après près d'un an et demi d'interruption.
Les livraisons de 787 ont enfin repris après près d'un an et demi d'interruption. (Crédits : Reuters)

Le Dreamliner est de retour et cela va faire du bien à Boeing. Début août, le constructeur américain a enfin livré un 787 à American Airlines, le premier en 15 mois. Les livraisons étaient suspendues sur ordre de l'Administration fédérale de l'aviation (FAA) depuis mai 2021 en raison de problème de production. La priorité pour le constructeur est désormais de vider ses parkings, où environ 120 avions sont en attente de remise en état avant livraison, puis de faire remonter doucement les cadences de production. Il faudra encore longtemps avant que les conséquences de cet épisode - et du précédent, le programme ayant été déjà suspendu quelques mois auparavant - soient pleinement résorbées. Mais c'est assurément une bonne nouvelle pour Boeing, distancé sur les moyen-courriers par Airbus et à la peine pour finaliser le développement de son 777X.

L'avion de rêve, le Dreamliner, sort ainsi de deux ans de cauchemar, lui qui a déjà connu plusieurs périodes sombres tout au long de son développement puis de sa carrière opérationnelle débutée en 2011 (retards, faiblesses structurelles, difficultés de certification, incidents électriques avec départ de feu à bord...).

Des problèmes à répétition

Après la découverte de premiers défauts en septembre 2020, l'avion est sous la loupe de la FAA, le régulateur américain se montrant particulièrement vigilant à l'encontre du constructeur depuis le scandale entourant la certification du 737 MAX. Les livraisons sont finalement suspendues entre novembre 2020 avant de reprendre une première fois en avril 2021. A peine deux mois et 14 exemplaires livrés plus tard, rebelote : la FAA ordonne à Boeing de suspendre encore une fois la remise d'appareils à ses clients pour une durée indéterminée.

Certes, le marché du long-courrier tourne au ralenti depuis le début de la crise sanitaire, mais le coup est rude après les déboires déjà connus sur le 737 MAX, interdit de vol entre mars 2019 et décembre 2020. Avec la découverte de nouveaux défauts, la mise au ban se poursuit et la FAA indique que les avions déjà produits et en attente de livraison devront être modifiés. Et la série noire se poursuit. A tel point que le régulateur finit par suspendre l'autorisation donnée à Boeing de réaliser lui-même l'inspection finale de ses avions.

Ce n'est qu'en juillet dernier, après deux ans de déboires, que Boeing parvient à obtenir l'approbation par la FAA de son nouveau plan d'inspection et de modifications, ouvrant enfin la voie à une reprise des livraisons. C'est désormais chose faite. D'après un courrier transmis à l'AFP, Boeing déclare ainsi avoir « repris les livraisons du 787 à la suite de nos analyses, vérifications et réusinage qui visaient à s'assurer que tous les avions soient conformes aux spécifications exactes de Boeing et aux exigences réglementaires ».

Un effet positif à retardement

Plusieurs compagnies attendent leurs Dreamliner avec impatience. Outre American Airlines, Lufthansa s'est dépêchée de réceptionner son premier exemplaire le 29 août. En manque de capacités avec le retrait d'au moins 25 de ses A350 - à cause des problèmes de revêtement - Qatar Airways a également hâte de reprendre les livraisons, tout comme Emirates dont la patience a déjà été mise à rude épreuve par les retards à répétition du programme 777X.

En dépit de cette attente, il faudra encore du temps avant que le retour du 787 se traduise par une amélioration significative sur le plan financier. Avec les livraisons, le chiffre d'affaires va mécaniquement augmenter au second semestre, mais la rentabilité devra attendre encore un peu. En juillet, David Calhoun, PDG de Boeing, déclarait ainsi que « les marges augmenteraient légèrement avec le retour du 787, mais n'augmenteront réellement lorsque les deux programmes (avec le 737 MAX) seront stabilisés ». Mais peu d'avions devraient être livrés d'ici la fin de l'année.

Pendant la suspension, Boeing a continué à produire à un rythme très faible. Il se retrouve donc avec 120 appareils stockés sur ses parkings. Autant d'actifs immobilisés qui coûtent cher au constructeur. Il doit donc les livrer en priorité, une fois les correctifs apportés. Or ce travail est fastidieux, comme l'a montré le 737 MAX dont plusieurs centaines d'exemplaires sont encore en attente de livraison plus d'un an et demi après la reprise des vols. D'ailleurs, le constructeur avait admis fin 2021, que le travail pour la remise en état des 787 en attente de livraison serait plus important que prévu.

En parallèle, Boeing doit aussi réussir la remontée en cadence de son appareil. Il vise ainsi un retour progressif à une production mensuelle de 5 avions, sans préciser d'échéance. Ce rythme, qui était prévu en mars 2021 avant que de nouveaux problèmes ne viennent impacter le programme, reste très éloigné des 13 appareils qui sortaient des chaînes d'Everett et de Charleston chaque mois en 2019.

Boeing n'a de toute façon pas intérêt à repartir trop vite. Le constructeur se doit d'éviter les heurts sur sa chaîne de production après plus d'un an de fonctionnement au ralenti et s'assurer que tous les problèmes de qualité sont bel et bien réglés.

Lire aussi : Toujours plombé par le 787, Boeing voit son bénéfice net divisé par trois

Des coûts exorbitants

En attendant, le bilan est lourd. Sur le plan financier tout d'abord. En juillet, lors de la présentation des résultats semestriels, Brian West, directeur financier de Boeing, chiffrait le surcoût attendu pour le programme à 2 milliards de dollars, dont la plupart sera engagée d'ici la fin 2023. Cela s'ajoute à une charge de 3,5 milliards de dollars passée dans les comptes au dernier trimestre 2021. Elle devait permettre d'absorber les coûts de stockage, la remise en état et les compensations aux clients.

Il y a aussi le manque à gagner. Avec 473 appareils encore à livrer, le 787 constitue le principal actif du carnet de commandes de Boeing pour les long-courriers. Compte tenu des 120 exemplaires déjà assemblés, cela représente près de six ans de production. Le constructeur a de quoi voir venir, même s'il est fort probable que les cadences remontent au fur et à mesure que le marché du long-courrier redémarre.

Le Dreamliner devance ainsi le 777X et ses 341 exemplaires - lui aussi connaissant d'importants problèmes dans son processus de fabrication - tandis que le 777-300ER est en bout de course. Les autres valeurs fortes sont le 777F et le 767, mais il s'agit uniquement des avions cargo et ravitailleurs. Enfin, le 747 approche de la fin, avec la livraison à venir des trois derniers avions (tous des cargos).

Les commandes sont en berne

En dépit d'un matelas de commandes encore bien fourni, cette situation a lourdement pesé sur les ventes du 787. La crise sanitaire a fortement ralenti la demande pour des avions long-courriers neuf, tous modèles confondus. Mais le Dreamliner n'a pour l'instant connu aucun rebond. La situation est même pire qu'en 2020. Depuis un an, seule Lufthansa a passé une commande ferme pour sept exemplaires. Le bilan pourrait légèrement gonfler au vu des annonces faites par AerCap et Azerbaijan Airlines lors du salon de Farnborough, mais il ne s'agit respectivement que de cinq et quatre appareils. Et en 2021, le tableau de chasse était à peine plus reluisant avec 21 exemplaires vendus.

Jamais l'appareil n'avait enregistré un score aussi bas que ce soit en 2020, au plus fort de la crise sanitaire (29 commandes) ou même en 2009 (24 commandes), où le premier vol du Dreamliner avait fini par faire son premier vol en décembre, après plusieurs mois de retard en raison de faiblesses structurelles. Le contraste est surtout saisissant avec les années précédant la crise : entre 2015 et 2019, Boeing a vendu en moyenne plus d'une centaine d'exemplaires par an, avec une pointe à 136 appareils en 2018.

A titre de comparaison, la famille 777 a subit plus fortement la crise avec seulement 13 commandes en 2020, mais a rebondit beaucoup plus vite avec 53 appareils vendus en 2021 et 49 en 2022. Il faut tout de même préciser que sur ce total, il y a une grosse majorité d'appareils cargo avec le 777F et le 777-8F. Le constat est relativement similaire pour le 767, si ce n'est qu'il s'agit exclusivement d'avions cargo. De l'autre côté de l'Atlantique, Airbus n'a pas profité de cette faiblesse du 787 pour créer un écart gigantesque, mais aura tout de même placé 34 A330 NEO et 54 A350 depuis le début de l'année 2021.

Boeing pourra se consoler en se disant qu'il a limité quelque peu les annulations : 9 en 2020 avec les premiers effets de la crise, 32 en 2021 avec le premier impact de la suspension des livraisons, et 22 cette année. En 2009, le constructeur avait enregistré pas moins de 83 annulations et 41 l'année suivante.

Léo Barnier

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Commentaires 4
à écrit le 30/08/2022 à 16:12
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La sobriété énergétique va passer par le retour des hélices, mais visiblement rien n'est anticipé!;-)

le 31/08/2022 à 14:16
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Si, c'est dans les cartons des motoristes et des avionneurs, mais encore faut-il que vous vous intéressiez sérieusement à la question au lieu de pondre des commentaires sans fondement .

à écrit le 30/08/2022 à 14:35
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Trois catastrophes industrielles quasiment en même temps sur ses programmes b737, b777 et b787, heureusement qu'il y a les subventions du gouvernement américain pour permettre à Boeing de survivre.

le 30/08/2022 à 16:47
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Pleurez! Hahahaha Vive Boeing!!!

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