Il n'y a pas si longtemps - trois ans à peine - Boeing livrait plus d'une centaine de 787 chaque année, faisant de l'appareil un véritable succès sur le marché des long-courriers. Aujourd'hui, le "Dreamliner" est empêtré dans des problèmes de qualité et plombe les comptes de l'avionneur américain. Pour faire face à l'arrêt quasi-ininterrompu des livraisons depuis plus d'un an et de nouveaux retards, Boeing a enregistré une charge de 3,5 milliards de dollars (3,1 milliards d'euros) dans ses comptes au dernier trimestre 2021. De fait, il affiche un déficit opérationnel de 3 milliards de dollars sur l'année, pour une perte nette de perte nette de 4,3 milliards de dollars.
En 2021, Boeing n'a été capable de remettre que 14 exemplaires de 787 à leurs clients. Interrompue en novembre 2020, les livraisons ont repris en avril pour s'arrêter de nouveau fin mai. Depuis, le constructeur ne fait que repousser la date de reprise. Après avoir déterminé lors du dernier trimestre que le travail nécessaire pour résoudre les problèmes de production et remettre en état les avions en attente de livraison serait plus important que prévu, Boeing s'est donc résolu à annoncer de nouveaux retards à ses clients. Et donc de passer cette nouvelle charge hors trésorerie de 3,5 milliards de dollars.
Boeing joue la prudence
De fait, son PDG David Calhoun se garde bien désormais d'annoncer une date de reprise des livraisons même si celle-ci est tout de même attendue l'an prochain. Lors de la présentation des résultats annuels 2021, il a répété à l'envi que cette date dépendait de son régulateur, l'Administration fédérale de l'aviation américaine (FAA). C'est en effet elle qui doit valider les correctifs apportés par Boeing et déterminer si les livraisons peuvent reprendre. Depuis le scandale entourant la certification du 737 MAX - révélé suite au crash de deux appareils en quelques mois - la FAA se montre particulièrement vigilante avec l'avionneur de Seattle.
Sans entrer dans les détails, le PDG de Boeing a assuré que le programme complet pour mettre en conformité la chaîne de production du 787 progressait.
"Nous finalisons le travail sur les éléments restants, a-t-il déclaré. Nous continuons également à nous concentrer sur le respect des exigences et des attentes de la FAA et nous suivrons leurs directives quant au calendrier de reprise des livraisons."
Outre la résolution des problèmes de production, Boeing doit aussi mener un important travail de réparation suite à la découverte l'an dernier de problèmes structurels dans l'encadrement des portes à l'arrière du fuselage. Cela concerne l'ensemble des appareils en attente de livraison, ce qui s'avère fortement consommateur de main d'œuvre et chronophage entre la collecte des données, leur analyse avec la FAA et la validation de la réparation.
Les avions s'entassent et pèsent sur les comptes
La production n'a pas cessé pour autant. Désormais concentrée à North Charleston en Caroline du Sud, elle tourne à un rythme très réduit. Boeing prévient que cette situation va perdurer jusqu'à la reprise des livraisons. De fait, comme lors de l'arrêt des livraisons des 737 MAX, le constructeur doit gérer une importante flotte stockée sur des parkings. Celle-ci était de 110 exemplaires fin 2021 et continue donc de croître. Un stock qui pèse sur la trésorerie du groupe, même si celle-ci s'est renforcée l'an passé pour atteindre 8 milliards de dollars (+4 %).
L'impact financier des problèmes du 787 va se poursuivre sur les prochaines années. Le programme restera touché par d'importants "coûts anormaux" jusqu'à fin 2023, pour un total estimé à hauteur de deux milliards de dollars. C'est un milliard de plus que ce qui avait été annoncé en octobre 2021 en raison du maintien des cadences à un niveau très bas.
La performance de 2022 sera déterminée par la reprise du marché commercial, le retour à la livraison des 787 et 737 max en chine, la stabilité du système de production et de livraison et les relations commerciales entre les Etats-Unis et la Chine. Les efforts pour stabiliser le système de production, y compris la chaîne d'approvisionnement, et améliorer la délivrabilité restent des priorités absolues. Primordiales pour notre succès. David Calhoun, PDG de Boeing
Par rapport à 2021, Boeing espère une amélioration du chiffre d'affaires (62 milliards de dollars l'an dernier) et du cash-flow (-3,4 milliards de dollars) grâce à la remontée en puissance du 737 MAX - qui doit passer d'une cadence de 26 appareils par mois actuellement à 31 dans les prochains mois - et la reprise des livraisons de 787. Mais le constructeur prévient que ces perspectives resteront impactées par les mesures compensatoires vis-à-vis des clients du 787.
Le PDG de Boeing reste confiant sur l'avenir du 787
David Calhoun a néanmoins précisé que les marges du programme restent positives et affirme que Boeing va continuer à vendre beaucoup de 787 dans les prochaines décennies. Il a ainsi déclaré : "Nous restons convaincus du succès futur du 787 et il demeure l'un de nos programmes les plus attrayants. Il est important de noter qu'aucun des problèmes auxquels nous nous sommes attaqués n'a soulevé de craintes immédiates quant à la sécurité des vols ou n'a affecté les capacités de la flotte en service. Nous avons reçu des commandes brutes pour 21 avions l'année dernière et nous voyons un long chemin devant nous."
Il faut tout de même préciser que le programme a subi 32 annulations de commandes l'an dernier auxquelles s'ajoutent des modifications de normes comptables. Au total, Boeing a dû retrancher 33 exemplaires de son carnet de commandes, qui compte encore 488 avions à livrer.
Une remontée en cadence bien modeste
Une fois que la FAA aura autorisé la reprise des livraisons, Boeing entend remonter doucement en cadence. Il vise ainsi un retour progressif à une production mensuelle de 5 avions, sans préciser d'échéance. Ce rythme, qui était prévu en mars 2021 avant que de nouveaux problèmes ne viennent impacter le programme, reste très éloigné des 13 appareils qui sortaient des chaînes d'Everett et de Charleston chaque mois en 2019.
Boeing n'a de toute façon pas intérêt à repartir trop vite. Le constructeur se doit d'éviter les heurts sur sa chaîne de production après un an de fonctionnement au ralenti et s'assurer que tous les problèmes de qualité sont bel et bien réglés. Mais il doit aussi vider ses parkings où s'entassent les 787, et s'adapter à la conjoncture du marché où les livraisons de long-courriers restent faibles en raison de la reprise lente du trafic international.
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