Le torchon brûle toujours entre Airbus et IG Metall sur les aérostructures

Alors qu'Airbus Atlantic prend forme en France, la réforme de l'activité d'aérostructures d'Airbus en Allemagne reste toujours aussi explosive : le très puissant syndicat IG Metall lance des grèves d'avertissement et menace d'ouvrir un conflit majeur, tandis que la direction du constructeur européen tente de désamorcer la situation en s'adressant directement aux salariés, selon un courrier interne obtenu par La Tribune. La perspective de la mise place d'une nouvelle structure début 2022 s'éloigne.
Léo Barnier
La perspective d'un conflit social majeur en Allemagne se rapproche pour Airbus et sa filiale Premium Aerotech.
La perspective d'un conflit social majeur en Allemagne se rapproche pour Airbus et sa filiale Premium Aerotech. (Crédits : Bogdan Cristel)

La situation sociale continue à se tendre pour Airbus en Allemagne. Les négociations sur la réforme de son activité d'aérostructures - qui fabrique par les éléments de fuselage - n'ont trouvé aucune issue pour le moment et le ton monte entre les différentes parties.

Le très puissant syndicat allemand de la métallurgie IG Metall poursuit sa stratégie de « grèves d'avertissement » à répétition sur les sites d'Airbus Commercial Aircraft et de sa filiale locale d'aérostructures Premium Aerotec (PAG), dont une ce jeudi alors que le conseil de surveillance d'Airbus Operations doit se réunir à Hambourg. Le syndicat menace désormais de lancer un conflit majeur. Face à cette attitude, la direction d'Airbus entend désormais contre-attaquer et vient de s'adresser directement aux salariés.

Dans un courrier que La Tribune s'est procuré, Guillaume Faury, président exécutif d'Airbus, et Mike Schoellhorn, président du conseil de surveillance d'Airbus Operations GmbH, saluent les salariés qui ont fait preuve « d'un engagement incroyable et d'une solidarité remarquable pour aider Airbus à traverser une crise sans précédent lors de la pandémie de Covid », tout en fustigeant le blocage des activités jugé « inapproprié et irrespectueux envers ceux qui donnent tant à Airbus chaque jour ».

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Une grève sans justification

Les deux dirigeants d'Airbus dénoncent ainsi un appel à la grève sans aucune justification sérieuse, avec des arguments incompréhensibles, et contraire aux intérêts de l'entreprise et des salariés, alors qu'ils estiment avoir établi depuis le début du projet « un dialogue continu et ouvert avec les partenaires sociaux et nous avons donné de nombreuses garanties en matière de sécurité, de conditions de travail et d'investissement dans l'avenir. »

Un discours qui tranche largement avec celui tenu Daniel Friedrich, responsable régional d'IG Metall à Hambourg, rapporté par Reuters. Le syndicaliste dénonce ainsi un verrouillage des négociations par la direction, estimant qu'elle n'est pas prête à conclure un accord équitable et qu'elle cherche l'escalade. D'où la formulation d'une menace sans doute plus sérieuse que les ponctuelles grèves d'avertissement tenues jusqu'à présent : « Si nous ne parvenons pas à une solution dans les meilleurs délais, nous courons vers un conflit majeur. »

Cela arriverait à un moment de forte tension industrielle pour Airbus qui remonte rapidement en cadence et se bat pour atteindre son objectif de 600 livraisons en 2021. Après avoir livré 36 appareils en octobre, le constructeur devait encore sortir 140 avions sur les deux derniers mois de l'année pour y parvenir. Une mission qui paraît déjà quasiment impossible sans mouvement social, même s'il y a traditionnellement un effet de rattrapage sur les derniers mois de l'année.

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En France, ça passe. En Allemagne, ça casse

Pour convaincre les salariés allemands d'éviter d'en arriver là, Guillaume Faury et Mike Schoellhorn ont souhaité partager leur vision de la situation. Ils ont souligné l'intérêt de leur projet, avec la création de deux entités « core business », une en France et l'autre en Allemagne, pour réintégrer les aérostructures au sein du cœur d'activité du groupe. C'est ce projet qui a conduit à la création d'Airbus Atlantic en France, qui va fusionner les établissements de l'avionneur européen à Nantes et Saint-Nazaire et ceux de sa filiale Stelia Aerospace à partir du 1er janvier 2022.

Si tout se passe bien en France, le projet s'avère bien plus complexe en Allemagne où Airbus mène une démarche parallèle chez Premium Aerotec. La filiale allemande est en proie à « de sérieux problèmes de compétitivité dans nos activités de fabrication de pièces élémentaires », comme le rappelle le courrier envoyé aux salariés. Airbus avait déjà affirmé par le passé qu'elle était entre 25% et 30% plus chère que ses concurrents.

Dans le cadre de la réforme, Airbus souhaite donc se séparer des activités de Premium Aerotec consacrées aux pièces élémentaires, qui nuisent à la rentabilité globale de l'entreprise. C'est cette décision qui est à l'origine de la levée de boucliers actuelle de la part des salariés allemands, menée par IG Metall. Elle pourrait impacter un millier d'emplois sur les 2.500 que compte Premium Aerotec.

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Manque d'alternatives

Dans leur courrier, Guillaume Faury et Mike Schoellhorn ont réaffirmé leur volonté de « trouver la meilleure solution possible pour l'avenir des sites concernés et de tous les collaborateurs impliqués » estimant que « le comportement consistant à bloquer toute proposition de solution - qu'elle vienne de l'interne ou de l'externe - ne fera qu'aggraver le problème, sans le résoudre ».

Reste à savoir si la direction d'Airbus envisage une autre solution que la cession des activités de pièces élémentaires, qui semble pour l'instant rédhibitoire pour les représentants syndicaux.

Comme le rapporte Reuters, Holger Junge, le président du comité d'entreprise du groupe Airbus, a demandé des perspectives plutôt qu'une scission : « nous voulons que les parts de travail soient garanties sur tous les sites actuels d'Airbus et de Premium Aerotec et que nous participions dans la même mesure aux programmes d'avenir. »

Sans solution rapide, le calendrier prévu lors du lancement du projet au printemps dernier risque fort de déraper. L'objectif d'Airbus était que les deux nouvelles entités - Airbus Atlantic en France et son pendant allemand - soient opérationnelles au 1er janvier 2022. Si ce sera bien le cas côté français, rien n'est moins sûr outre-Rhin.

Léo Barnier

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