La commande était très attendue par l'armée de Terre. Et pour cause, les artilleurs avaient perdu près de 25% (23,38%) de leur parc de systèmes d'artillerie Caesar après la fourniture aux Ukrainiens par la France de 18 exemplaires (sur les 77 en service à fin 2021 puis 76 en février 2022 après la perte d'un exemplaire lors d'un accident de la route). Des Caesar prélevés au sein des capacités de l'armée de terre pour aider les Ukrainiens à stopper ou freiner l'invasion russe. Nexter a annoncé vendredi la notification de ce contrat le 13 juillet dernier par la Direction générale de l'armement. Ces systèmes seront livrés à l'armée de Terre au plus tard à l'été 2024.
"Une enveloppe de 85 millions d'euros va nous permettre de faire cette recomplétude, l'idée étant de ne pas abimer les plans d'entraînement et de formation de nos artilleurs", avait expliqué le 20 juillet le ministre des Armées Sébastien Lecornu lors d'une audition devant la commission des affaires étrangère et de la défense du Sénat.
En février dernier, le Premier ministre Jean Castex avait annoncé une commande de 600 millions d'euros portant sur l'acquisition de 33 Caesar de nouvelle génération (Caesar MkII) et la modernisation ou le remplacement des 76 canons Caesar actuellement en service. Le ministère avait également promis en février que l'armée de Terre disposera d'un total de 109 Caesar, comme le prévoit la loi de programmation militaire 2019-2025. Toutefois, "ce que l'on observe en Ukraine m'incite à penser que nous devrions même aller au-delà", a estimé le chef d'état-major de l'armée de Terre, le général Pierre Schill lors d'une audition le 20 juillet à la Commission de la défense de l'Assemblée nationale. En attendant la livraison des 18 Caesar, l'armée de Terre s'est réorganisée.
"Deux impératifs s'imposent à l'armée de Terre, a fait valoir le général Pierre Schill. Le premier est la préparation opérationnelle : pour que nos régiments d'artillerie continuent à s'entraîner, nous avons revu la répartition de nos canons et remettons en ligne ceux qui étaient en réparation. Le second est la reconstitution de la capacité d'artillerie de l'armée de Terre à hauteur des 76 canons puis des 109 qui avaient été définis".
Un cycle de production de 18 à 24 mois
Le cycle global de production d'un Caesar est de 18 à 24 mois une fois les approvisionnements long terme réalisés (ébauchés pour les tubes des canons et certaines tôles aux caractéristiques spécifiques). Selon Nexter, "il s'agit d'une procédure accélérée répondant au rythme d'une économie de guerre". Connaissant le besoin de l'armée de Terre et l'appétence du marché mondial pour ce type de matériel, le groupe spécialisé dans l'armement terrestre a dû initier certains approvisionnements sur fonds propres. Pourtant, c'est bien la commande qui permet de démarrer le cycle de production. Ce qui est le cas depuis le 13 juillet.
En juin, la Direction générale de l'armement (DGA) avait également commandé neuf Caesar 6X6 Mark II à Nexter pour équiper la composante Terre des forces armées belges à partir de 2027. En outre, la Lituanie a signé en juin au moment du salon de défense Eurosatory une lettre d'intention en vue d'acquérir 18 français Caesar, lors d'une rencontre entre les ministres de la Défense des deux pays.
18 Caesar MkI
Afin de permettre une mise à disposition rapide en attendant l'entrée en service des Caesar MkII qui équiperont progressivement les régiments d'artillerie de l'armée de Terre à partir de 2026, le choix du ministère des Armées s'est porté sur le Caesar MkI. "Ils nous parviendront dans un délai qui doit être le plus rapide possible, a confirmé le chef d'état-major de l'armée de Terre. C'est pourquoi, plutôt que d'attendre la nouvelle génération de canons, celle qui sera une évolution de nos canons actuels, nous avons fait le choix d'équipements de sortie de chaîne".
C'est donc la première version de ce système d'artillerie de 155 mm monté sur un châssis de camion. Étant le plus léger de sa catégorie (18 tonnes), il a un très faible poids logistique et il fait preuve d'une mobilité tactique, opérative et stratégique performante : le Caesar est caractérisé par une mise en batterie rapide (moins d'une minute), une cadence de tir de 6 coups/minute à une distance de 40 kilomètres et un réapprovisionnement très rapide (18 obus/minute). Selon Nexter, "son canon de 155mm/52 calibres est le seul au monde à être « long range proven » dans des conditions proches du combat de haute intensité".
Ce système d'artillerie autotracté est le best-seller de Nexter à l'export avec 282 exemplaires vendus dans sept pays : Arabie Saoudite, Belgique, Danemark, Indonésie, Maroc, République tchèque, Thaïlande. La sélection du Caesar par plusieurs pays partenaires, notamment en Europe (Danemark, République Tchèque, Belgique et Lituanie) témoigne de la confiance placée dans ce matériel. En outre, le 16 juin, Emmanuel Macron avait annoncé lors d'une conférence de presse à Kiev après s'être entretenu avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky que la France allait livrer à l'Ukraine "six Caesar additionnels" "au-delà des 12 Caesar déjà livrés" à partir du 23 mai. Le président ukrainien a souligné que le Caesar faisait la différence sur le terrain, par la précision de ses tirs et par sa capacité à échapper aux ripostes adverses.
Combat urbain ?
Dans l'Est de l'Ukraine, des soldats de l'unité d'artillerie de la 55e brigade avaient fait fin juin la démonstration de l'utilisation d'un de ses systèmes Caesar qui visent l'artillerie russe dans le Donbass. Selon un commandant ukrainien sur le front, surnommé "Glib", interrogé par l'AFP, il a rendu la défense ukrainienne plus agile, moins prévisible. "Ce système est principalement très maniable et mobile. C'est un facteur très important dans une guerre contemporaine comme celle-ci", explique-t-il, opposant les Caesar "aux vieux systèmes ukrainiens non mobiles".
"Grâce à cette arme, nous gagnons beaucoup de temps, de sorte que l'ennemi ne peut pas nous attaquer ni riposter rapidement", se félicitait le président ukrainien. Le général Pierre Schill a confirmé lors de son audition à l'Assemblée nationale les performances du Caesar en Ukraine. "Manifestement, ces canons répondent à un besoin opérationnel des Ukrainiens : ils réussissent à échapper aux tirs de contre-batterie et se montrent efficaces contre les forces russes", a-t-il constaté.
"Le Caesar permet ainsi de transmettre des éléments de tir à des systèmes d'artillerie mobiles disséminés et camouflés. Sur ordre, ils se mettent en batterie, tirent six obus et, avant même que le premier obus ne frappe leur cible, ils ont déjà quitté leur position. L'emploi de l'artillerie en Ukraine nous confirme la pertinence de notre choix de matériel", a-t-il précisé lors de son audition.
Ce système d'artillerie est très prisé par les partenaires militaires de Paris pour sa précision mais pas au point de l'utiliser dans des combats urbains en raison de possibles dommages collatéraux sur des civils. Selon nos informations, aucune contrainte d'emploi n'a été signifié aux Ukrainiens. Les séparatistes prorusses, soutenus par Moscou dans la région depuis 2014, accusent de leur côté l'armée ukrainienne d'utiliser des armes avec des munitions de 155mm - celles notamment utilisées par le Caesar - pour tirer sur la population de la grande ville de Donetsk et d'autres localités alentour. Une accusation formellement rejetée par "Glib": "La sécurité des civils est l'une de nos priorités. Nous ne tirons pas sur des zones résidentielles".
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