« Nous avons un seul objectif : la continuité des vols de Vega C » (Daniel Neuenschwander, ESA)

Dans la mesure où le moteur supérieur de Vega C est fabriqué en Ukraine, l'Agence spatiale européenne (ESA) réfléchit à des solutions alternatives. Le directeur du transport spatial de l'ESA Daniel Neuenschwander confirme avoir confié à l'industriel italien Avio une étude pour évaluer les différentes options : une solution américaine sur étagère avec Aerojet, une solution italienne et une solution proposée par ArianeGroup Allemagne (moteur Berta).
Je vais être parfaitement clair. Nous n'allons pas essayer de nous libérer d'une dépendance pour tomber dans une autre dépendance. C'est évident. Mais comme je l'ai dit, le critère numéro un est le planning. Si nous devions utiliser des solutions intermédiaires, elles ne pourraient être qu'à durée limitée (Daniel Neuenschwander, directeur u transport spatial à l'ESA)
"Je vais être parfaitement clair. Nous n'allons pas essayer de nous libérer d'une dépendance pour tomber dans une autre dépendance. C'est évident. Mais comme je l'ai dit, le critère numéro un est le planning. Si nous devions utiliser des solutions intermédiaires, elles ne pourraient être qu'à durée limitée" (Daniel Neuenschwander, directeur u transport spatial à l'ESA) (Crédits : Avio)

LA TRIBUNE- Aujourd'hui, l'étage supérieur AVUM de Vega et de Vega C est motorisé par un moteur ukrainien. Avez-vous un stock suffisant de moteurs pour assurer la continuité de service des lanceurs italiens ?
DANIEL NEUENSCHWANDER- Absolument. Je confirme que nous avons à court terme (deux à trois ans) les stocks nécessaires pour l'exploitation des deux derniers Vega, puis de Vega C. C'est une très bonne nouvelle pour les missions institutionnelles européennes, qui doivent absolument profiter de ces opportunités de vols.

Les rumeurs selon lesquelles l'usine de Dnipro avait été détruite ou endommagée semblent fausses. Quelles sont vos informations sur la situation de l'usine de Dnipro ?
Sur la situation de la chaine industrielle, je ne peux pas pour des raisons évidentes de sécurité, commenter. Mais je peux vous dire que je suis très reconnaissant pour le travail mené dans un contexte difficile par cet industriel.

Pour renforcer la résilience du lanceur Vega C, l'ESA a toutefois demandé à Avio de réfléchir à une alternative au moteur ukrainien MEA même si vous souhaitez continuer avec Youjnoye installée à Dnipro non loin des combats russo-ukrainiens. Il y aurait trois solutions : américaine avec Aerojet, italienne et une solution proposée par ArianeGroup Allemagne (moteur Berta). Quelle est votre vision sur ce dossier ?
Les options que vous avez évoquées sont sur la table. Pour être clair, nous avons confié à Avio des études sur ces différentes options et il me semble absolument crucial à ce stade, de les suivre en parallèle jusqu'au moment où nous pourrons nous orienter d'une manière certaine vers l'une ou vers l'autre. Il est clair que la priorité est évidemment de continuer le contrat en place avec les partenaires ukrainiens. Mais c'est une évidence pour tout le monde qu'il faut que nous ayons plusieurs alternatives dans le contexte actuel. C'est ce que nous faisons et cela requiert un petit peu d'investissement. Mais c'est un investissement stratégique.

S'agissant de ces options, il est clair que les Italiens voudront prioritairement développer un programme national. Quels sont les critères prioritaires de l'ESA ?
Soyons clairs, nous avons un seul objectif, un seul : c'est la continuité des services de lancement de Vega C pour les besoins d'autonomie de l'Europe. Une fois qu'on a dit ça, nous regardons les différentes options mais aussi les critères qui prévalent. Ils sont doubles. Le plus important est évidemment le facteur temps : si nous voulons assurer la continuité du service avec Vega C, il faut que nous nous assurions qu'il n'y ait pas de trou capacitaire. Donc le planning est le premier critère. Deuxième critère évidemment fondamental : la faisabilité technique. C'est ce qui nous motive à ce stade dans l'évaluation de ces différentes options.

Le facteur temps privilégie la solution américaine, qui est un achat sur étagère mais qui serait peut-être mal vécue en Europe. Est-ce exact ?
Vous évoquez l'option Aerojet, qui est effectivement un achat sur étagère. Nous n'allons certainement pas développer une nouvelle capacité en dehors de l'Europe. Et je vais être parfaitement clair. Nous n'allons pas essayer de nous libérer d'une dépendance pour tomber dans une autre dépendance. C'est évident. Mais comme je l'ai dit, le critère numéro un est le planning. Si nous devions utiliser des solutions intermédiaires, elles ne pourraient être qu'à durée limitée. J'aimerai insister sur le fait qu'il faudra que nous ayons à long terme une solution purement européenne. C'est bien sur cette orientation que nous travaillons, que travaille l'Italie, c'est-à-dire Avio mais aussi l'Agence spatiale italienne et le gouvernement italien. Nous sommes en contact étroit avec eux parce que nous partageons tous les acteurs l'objectif du besoin de continuité des services de lancement de Vega C.

Développer un moteur en Italie à partir d'une page blanche pourrait être très long. Quelle est l'échéance visée ?
Je vais laisser mes spécialistes évaluer les différentes options et je me ferai ma propre opinion sur la base de ces travaux. Aujourd'hui, je ne veux pas spéculer sur un planning. Mais simplement pour vous donner un élément, on ne partirait pas d'une page blanche parce que l'Italie a un savoir faire aujourd'hui qui est plus qu'une page blanche. Il est clair que nous avons une épée de Damoclès, qui est le facteur temps, critère très important. Et c'est vrai qu'un moteur ne se développe pas comme on produit un tee-shirt. Cela va prendre quelques années. Mais il faut que nous regardions le planning complet et ce que nous pouvons faire. Mais vous avez raison de soulever ce point parce que c'est le point absolument crucial auquel je répondrai quand j'aurai les résultats des différentes études.

Qui décidera en dernier ressort : l'ESA, l'Italie ou les pays membres ?
L'industriel Avio propose. Nous, du côté de l'ESA, nous allons évaluer la solution. Nous allons faire un arbitrage technique et nous allons discuter cet arbitrage avec nos partenaires insttutionnels italiens, c'est-à-dire le gouvernement et l'Agence spatiale italienne.

L'option Berta semble écartée. N'est-elle pas adaptée au lanceur Vega C ?
Le moteur Berta est une solution concrète que nous avons sous étude. Pour tout vous dire, Vega et Vega C ont besoin d'un moteur pour l'étage supérieur d'une puissance de la classe de 2,5 kilos Newton. Pour Berta, il y avait au départ deux options : un moteur de 2,5 kilos Newton et de 4 kilos Newton, la dernière étant déjà aujourd'hui sur les bancs d'essai parce qu'il sera utile également au kick-stage allemand Astris (étage additionnel) pour Ariane 62. Nous avons donc écarté l'option 2,5 kilos Newton parce qu'elle prendrait trop de temps et nous avons déjà sous étude l'option 4 kilos Newton. Cette solution n'est pas la plus optimale par rapport aux besoins de Vega C, mais comme on parle de « gap-filler » pour trouver une solution intermédiaire avec l'objectif de lancer les missions européennes cruciales. Dans le segment Vega C, ce sont évidemment les Sentinel du programme Copernicus.

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Commentaires 4
à écrit le 27/08/2022 à 10:37
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une autre solution serait la fabrication sous licence des moteurs ukrainiens, avec éventuellement le transfert d'équipes ukrainiens pour les aider et ne affaiblir leur industrie dans l'attente d'une résolution du conflit. Ce serait élégant. Déclarer ...

à écrit le 26/08/2022 à 16:41
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Bonjours, en cas de ruptures des livraisons ukrainienne, la solutions réponse sur la souveraineté Européens, dobc l'achat américain est forcément rejeté... Bien sur ils ne faut pas le dire....

le 27/08/2022 à 8:29
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@Rogger: Pourquoi ne faurait-il pas le dire ? Le spatial européen est là pour assurer l'indépendance européenne : il est évident qu'une solution européenne sera privilégiée si elle répond techniquement au besoin. Il n'y a aucun secret sur ce point.

le 27/08/2022 à 12:34
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Bonjour, bien sûr dit comme cela c'est publiquement toujours correctes... Mais , ils ne faut surtout pas oublié les groupes de pression qui favorise les intérêts des autres ( certains industriel et leur commission personnelle) au détriment de l'inté...

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