
Au moment où toute l'Europe s'est enfin convertie au concept de la souveraineté ou de l'autonomie, le PDG du groupe italien Avio Giulio Ranzo réfléchit quant à lui à un moteur américain (Aerojet) pour remplacer à moyen ou long terme le moteur ukrainien MEA (évolution du moteur russe RD-869) du quatrième étage de Vega C (AVUM pour Attitude and Vernier Upper Module), selon des sources concordantes. Deux autres solutions ont été évoquées il y a une quinzaine de jours par le PDG d'Avio devant les responsables de l'ESA : lancer le développement d'un nouveau moteur en Italie ou monter à bord d'un moteur en cours de développement par ArianeGroup en Allemagne (Berta). Ces réflexions ont été lancées en raison de l'invasion de la Russie en Ukraine.
« Il faudrait choisir la solution la plus européenne, la plus rapide et la moins coûteuse. Ce sont les trois paramètres qui doivent fonder une bonne décision. Après, c'est à Avio de faire ces choix », explique-t-on à La Tribune.
A court terme, sur les deux à trois ans à venir, Avio a sécurisé "des stocks stratégiques" du moteur MEA fabriqué par la société ukrainienne Youjnoye installée à Dnipro. Ce qui est rassurant par rapport aux nombreuses rumeurs qui avançaient que l'usine était à l'arrêt en raison de la proximité des combats russo-ukrainiens ou avait subi des bombardements. Toutefois, assure-t-on, « le fonctionnement de cette usine n'a pas été touchée par la guerre. Un certain nombre d'inquiétudes sur le court terme n'ont pas lieu d'être ». L'exploitation est « assurée à moyen terme », a confirmé à l'AFP le directeur du transport spatial à l'Agence spatiale européenne (ESA), Daniel Neuenschwander.
Avio, la préférence pour une solution italienne
La piste italienne apparaît logiquement comme la solution privilégiée par Avio. Le lancement d'un nouveau programme de moteur va demander beaucoup de temps au moment où l'Europe manque actuellement de solutions de lancements après l'arrêt de Soyuz à Kourou et à Baïkonour (Starsem) et en raison des retards d'Ariane 6. Selon nos informations, les Italiens vont demander des crédits pour ce programme lors de la prochaine conférence ministérielle de l'ESA à Paris prévue en novembre prochain. Une solution américaine serait difficilement acceptable pour des raisons d'autonomie stratégique et équivaudrait de passer d'une dépendance ukrainienne à une dépendance américaine. « Cela paraîtrait un peu une politique de Gribouille », estime-t-on.
En revanche, ArianeGroup pousse de son côté la solution développée par ses équipes en Allemagne, le moteur réallumable Berta (ergols stockables), qui doit équiper le futur étage Astris d'Ariane 6. Ce moteur, dont le programme est déjà bien avancé dans le cadre du programme de préparation des futurs lanceurs (FLPP) de l'ESA, est en cours de développement et de qualification chez ArianeGroup à Ottobrunn. Ce type de moteur peut être rallumé plusieurs fois, ce qui le rend particulièrement adapté aux missions prolongées ou au transport sur différentes orbites. ArianeGroup s'est également engagé à développer cet étage dans les délais très courts, fixés par l'ESA. L'Agence spatiale européenne dispose de trois solutions à moyen et long terme. « Cela permet d'envisager une solution avec un certain degré de sérénité », explique-t-on à La Tribune.
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