Ventes d'armes : l'exportation énormément limitée par la crise sanitaire (3/3)

Les industriels français ont été contraints d'invoquer la clause de force majeure prévue dans les contrats vis-à-vis de leurs clients en raison des arrêts de production. La Direction générale de l'armement les soutient dans cette démarche. Mais après la crise sanitaire, arrive la crise économique.
Michel Cabirol
L'export est fondamental pour l'équilibre de la BITD (base industrielle et technologique de défense, ndlr) française, a rappelé le président du GIFAS et PDG de Dassault Aviation.
"L'export est fondamental pour l'équilibre de la BITD (base industrielle et technologique de défense, ndlr) française", a rappelé le président du GIFAS et PDG de Dassault Aviation. (Crédits : Reuters)

Plus de deux mois que l'exportation des systèmes d'armes tricolore est à l'arrêt, ou à défaut énormément limitée par la crise sanitaire. Plus de salons d'armement, pas ou peu de réunions entre clients et vendeurs à très haut niveau et très peu de déplacements. Résultat la dynamique commerciale semble rompue pour les industriels français en Europe et dans le grand export. Dans ce contexte inédit, la Direction générale de l'armement (DGA) a pris contact avec l'ensemble des clients des industriels français pour appuyer la demande des industriels, qui ont été contraints d'invoquer la clause de force majeure prévue dans les contrats vis-à-vis de leurs clients en raison des arrêts de production (arrêt, retard, livraison non effectuées...).

Dans ce contexte, le soutien a l'exportation est encore plus fondamental que d'habitude. Ainsi, la DGA a apporté son soutien à l'ensemble des industriels dans ce cas précis en envoyant "120 courriers pour soutenir cette démarche vers l'ensemble des pays clients de ces fournitures industrielles et avec qui nous avons des relations directes", a indiqué fin avril devant les députés le Délégué général pour l'armement, Joël Barre. Point positif, la France, qui reste en contact avec ces pays, n'a pas "à ce jour identifié de réaction négative", affirme le patron de la DGA. Et de préciser qu'ils sont "également touchés et comprennent parfaitement la difficulté de la situation". La DGA a reçu de leur part "des retours compréhensifs". Mais y aura-t-il un impact juridique en raison de contentieux liés aux interprétations de cas de force majeure ? A suivre.

"Nous continuons le dialogue, très actif mais à distance. Évidemment nous avons le soutien de la DGA par sa direction industrielle, qui est la voix de l'État dans nos partenariats dans les pays étrangers", a souligné le 23 avril le président du GICAT (armement terrestre) Stéphane Mayer, qui est également le PDG de Nexter lors d'une audition commune avec le président du GIFAS, Eric Trappier (Dassault Aviation), et le président du GICAN, Hervé Guillou.

Après la crise sanitaire, la crise économique ?

Quid après la crise sanitaire ? Car la crise économique qui risque de s'abattre sur l'économie mondiale pourrait limiter le réarmement de pays dans des zones à risques, qui souhaitent se protéger ou protéger leurs richesses. Le monde ne sera pas plus sûr après le Covid-19. Il le sera peut être encore moins. Mais les acheteurs et les vendeurs devront résoudre un certain nombre de problèmes, notamment le risque d'insolvabilité de certains pays. "Nous avons des pays clients, qui vont avoir besoin de trésorerie pour confirmer leurs commandes, explique le président du GICAN, Hervé Guillou. Il serait intéressant que notre ministère des Finances accorde des facilités de trésorerie aux pays intéressés par nos matériels pour les pousser à nous faire des commandes". Au Qatar par exemple où les industriels français ont des ambitions, le pays ne peut pas ignorer la baisse des prix du gaz.

"Notre politique d'exportation devra être suivie de très près, car certains de nos clients subiront des contraintes budgétaires qui les conduiront peut-être à retarder certains projets, voire à les annuler", avertit Joël Barre

Au-delà, cette période pourrait augmenter l'agressivité commerciale des rivaux de la France à l'exportation. Joël Barre le pense : "Nous ferons face à une concurrence exacerbée de la part des industriels des autres pays". C'est également le cas d'Hervé Guillou, qui estime "très important de relancer l'export pour rester compétitifs car nous connaissons une situation d'hyper concurrence avec l'Allemagne et la Chine. Cette dernière n'a pas arrêté son activité et se repositionne sur les appels d'offres". Les États-Unis ne relâchent pas quant à eux la pression. Ils empilent prospects sur prospects via des ventes FMS depuis plus deux mois dans toutes les parties du monde : Hongrie (230 millions de dollars pour des missiles), Émirats Arabes Unis (556 millions pour des véhicules blindés), Égypte (1,5 milliard pour la modernisation des hélicoptères Apache), Philippines (1,5 milliard pour des Apache ou 450 millions pour des AH-1Z), Corée du Sud (675 millions pour le support du F-35)...

Pour Stéphane Mayer, il est donc important de de continuer à "exercer une vigilance importante pour veiller aux concurrents toujours très actifs". Car comme le rappelle Eric Trappier, "l'export est fondamental pour l'équilibre de la BITD (base industrielle et technologique de défense, ndlr) française". Dassault Aviation tente de vendre le Rafale en Suisse et en Finlande, qui ont lancé des appels d'offres, mais aussi en Inde et Indonésie.

Michel Cabirol

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Commentaire 1
à écrit le 19/05/2020 à 15:07
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Il faut craindre la gouvernance de la DGA truffée de "remplaçants" qui vont aggraver la situation . . .

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