"Slow money", le financement tout trouvé du "slow food"

Né aux Etats-Unis en 2009, ce concept de "l’argent lent", par opposition aux capitaux qui circulent à très haute vitesse sur les marchés financiers, consiste à financer de petites entreprises locales qui produisent une nourriture de qualité. Tout le contraire de la logique du retour sur investissement à court terme.
Christine Lejoux
En janvier, un premier prêt, de 100.000 euros, a été accordé à une entreprise française de semences bio, via le "Slow Money" francophone. REUTERS. .

Remettre la finance au service de l'économie réelle. Tel est l'objectif poursuivi par nombre de gouvernements depuis la crise financière de 2008, provoquée par une spéculation effrénée, déconnectée de toute réalité économique. Or, quelle meilleure façon de redonner du sens à la finance que de l'allouer au développement d'une agriculture saine et durable, qui recycle les ressources naturelles devenues rares, sur le modèle de l'économie circulaire ?

 "Rendre l'argent à la terre", c'est l'ambition de l'investisseur américain Woody Tasch, qui avait publié en 2009 un livre intitulé "Enquêtes sur la nature de l'argent lent : investir comme si la nourriture, l'agriculture et la fertilité étaient importantes." Un an plus tard, dans l'esprit de cet ouvrage, Woody Tasch créait "Slow Money", une association à but non lucratif inspirée du mouvement "Slow Food", né à la fin des années 1980 en réaction à la "fast food" de McDonald's et autres chaînes de restauration industrielle.

 Une stratégie d'investissement de long terme

 " L'agriculture industrielle considère le sol comme un support pour les plantes que l'on gave de substances chimiques synthétiques, de façon à en optimiser le rendement. Pour la finance industrielle, les entreprises sont un support permettant le gavage des capitaux et la maximisation du rendement ",

explique Slow Money. Aussi, tout comme la slow food incite à renouer avec la cuisine maison et les produits du terroir, le slow money a pour vocation d'aider les petits producteurs agricoles, en particulier ceux spécialisés dans le "bio" et l'agro-écologie, à financer leur développement, les banques se faisant parfois tirer l'oreille en la matière. L'idée étant de donner à l'argent le temps de s'investir dans ces projets, de fructifier, loin de la logique de retour sur investissement à court terme des marchés financiers.

 38 millions de dollars investis dans 350 PME agricoles

 A mi-chemin entre microfinance et "crowdfunding", Slow Money met donc en relation de petits agriculteurs locaux, en quête d'argent pour acheter un champ ou un tracteur, avec des investisseurs, particuliers ou institutionnels, en tout cas désireux de réaliser des placements responsables. Les projets des premiers sont examinés par Slow Money, qui décide ensuite - ou non - de leur permettre de les présenter aux seconds. Lesquels peuvent se regrouper, en réseaux locaux ou en clubs d'investissement, afin de constituer une force de frappe financière plus grande pour les PME agricoles d'une région géographique donnée.

 Résultat, depuis la mi-2010, quelque 1.000 investisseurs ont financé 350 petites exploitations agricoles aux Etats-Unis, pour un montant total de 38 millions de dollars. Des financements qui, pour la plupart, prennent la forme de prêts, comme ce crédit de 5.000 dollars accordé au taux de 5% à un couple de fermiers de l'Etat du Maine, et destiné à financer la construction d'une nouvelle serre pour la culture d'aubergines.

 Des projets nécessitant 50.000 à 2 millions d'euros

 Le concept de slow money commence à essaimer hors des Etats-Unis. Et notamment en Europe : en 2013, le "Slow Money" francophone a été créé par Raphaël Souchier, consultant en développement local durable, expert auprès de l'Union européenne, Arvind Ashta, professeur-chercheur, titulaire de la chaire Banque Populaire en Microfinance à l'ESC Dijon-Bourgogne, et par Aymeric Jung, un ancien banquier d'affaires reconverti dans "l'impact investing", c'est-à-dire les investissements ayant un impact positif sur l'environnement et la société.

 En janvier, par l'intermédiaire du Slow Money francophone - qui étudie des projets allant de 50.000 à 2 millions d'euros -, un premier prêt, de 100.000 euros, a été accordé à une entreprise française de semences bio pour financer son développement. Il faut dire qu'avec plus de 500.000 petites entreprises familiales, le secteur agricole français semble un candidat tout indiqué pour le slow money.

Christine Lejoux

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Commentaire 1
à écrit le 23/09/2014 à 21:36
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Est-ce réellement nouveau? Philip A. Fisher dans son livre "Conservative investors sleep well" publié en 1975 disait déjà cela.

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