La réforme de l'assurance récolte entre en vigueur pour soulager agriculteurs et assureurs

Entrant en vigueur le 1er janvier prochain, la réforme de l'assurance récolte a pour objectif d'inciter les agriculteurs à s'assurer face aux aléas liés au changement climatique. Un soulagement pour les assureurs après plusieurs années de déficit assurantiel. Si s'assurer ne sera pas une obligation pour les agriculteurs, ils devront impérativement choisir un interlocuteur avant mars 2023 pour espérer toucher des indemnités de l'Etat en cas de pertes agricoles très conséquentes.
L'objectif pour les grandes cultures assurées : passer de 30 % actuellement à 60 % d'ici 2030
L'objectif pour les grandes cultures assurées : passer de 30 % actuellement à 60 % d'ici 2030 (Crédits : Reuters)

C'est une petite révolution qui s'opère dans le monde agricole, à l'heure où les sinistres dus au réchauffement climatique sont de plus en plus fréquents. Après le gel de 2021 et la sécheresse de 2022, les assurances qui couvraient les risques climatiques des agriculteurs devenaient déficitaires.

« La situation était très difficile. Depuis 2016, on observait un déséquilibre entre les primes perçues et les sinistres observés », souligne Pascal Viné, directeur des relations institutionnelles de Groupama.

Aujourd'hui, seulement 17% des surfaces agricoles, toutes catégories confondues, sont assurées. « Pour les prairies, on descend même à 1% des surfaces », déplore Joël Limouzin, responsable de la gestion des risques climatiques et sanitaires à la Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles (FNSEA).

Dès le 1er janvier 2023 et jusqu'à la fin du mois de mars, les agriculteurs devront choisir un interlocuteur agréé - généralement les assurances - afin d'espérer bénéficier des aides à l'assurance récolte.

L'objectif de la réforme : doubler les surfaces assurées à l'horizon 2030 et faire de la gestion des risques une dimension importante de la politique agricole en France. L'État a même doublé son budget prévisionnel pour cette réforme pour un montant allant jusqu'à 680 millions d'euros.

Des trous dans la raquette assurantielle

Cette réforme de l'assurance récolte est en réalité une superposition des deux systèmes assurantiels existant actuellement : le fond de calamités et l'assurance récolte. Les grandes cultures et la viticulture étaient plutôt assurées par l'assurance récolte quand les autres secteurs agricoles touchaient le fond de calamités.

En 2021, le gel a frappé fortement les viticulteurs où près de 50 % d'entre eux n'étaient pas assurés. Un constat qui a mis à jour des trous dans la raquette assurantielle et qui a incité le gouvernement à revoir les dédommagements des agriculteurs, dans un contexte de réchauffement climatique qui voit les événements météorologiques extrêmes gagner en nombre et en intensité.

Seuils de déclenchement abaissés et subventions d'État augmentées

La nouvelle loi sur l'assurance récolte a été votée en mars 2022 et démarre au 1er janvier 2023. Elle fixe des seuils de déclenchement d'indemnisation par l'assurance entre 30% et 50% des pertes pour les grandes cultures et la viticulture ( le seuil peut descendre à 20% dans le cas d'une franchise plus élevée ) et entre 25% et 30% pour l'arboriculture, les prairies et les autres petites cultures.

Ce seuil de déclenchement d'indemnisation des pertes a été abaissé puisqu'il était jusqu'à présent de 30% pour les assurances. Autre nouveauté : l'Etat subventionne l'assurance récolte à hauteur de 70% pour toutes les cultures contre 65% actuellement.

Quand la solidarité nationale prend le relai

Au-delà de 50% de pertes pour les vignes et les grandes cultures, et de 30% pour les autres filières, la solidarité nationale prend le relai de l'indemnisation à 90% pour les assurés. Les 10% restants seront complétés par les assurances.

Si les agriculteurs ne souhaitent pas souscrire à ce régime assurantiel, aucune indemnisation ne sera versée en dessous des seuils de solidarité nationale et seulement 45% des pertes seront couvertes alors.

Créer un « choc assurantiel » (assurés plus nombreux, assurance moins chère)

Un système qui marque clairement une différence entre les assurés et les non-assurés :

« Plus on a de gens qui cotisent, plus le système sera robuste. Il faut faire un choc assurantiel », martèle Joël Limouzin.

Lire aussiAléas climatiques: le gouvernement veut un système d'assurance plus protecteur pour les agriculteurs

« L'augmentation des tarifs des assurances dernièrement crispait tout le monde. Le coût de cette assurance restera supportable et accessible », explique Joël Limouzin.

Un constat affirmé par Groupama qui évoque « un effet de baisse de reste à charge pour l'agriculteur ». Mais pas plus de précisions pour l'instant.

Si les coûts seront en légère baisse pour certaines filières déjà bien assurées comme les grandes cultures, ce dispositif permettra surtout d'assurer des cultures plus « risquées » comme l'arboriculture, qui « ne devenaient presque plus du tout assurables ».

Création d'un pool d'assureurs pour le partage des risques

Des discussions autour de la création d'un pool d'assureurs sont pour le moment en cours avec le gouvernement. L'issue de ces débats pourraient influencer les coûts des assurances.

Ce pool d'assureurs, similaire au système espagnol, permet de mutualiser les données sur l'ensemble du territoire français concernant les risques par régions et par types de cultures.

Pour Groupama, si tout le secteur agricole regroupe ses informations, les primes techniques, qui représentent 70% à 80% du prix de l'assurance pour les agriculteurs, pourront être calculées au plus juste selon leurs situations.

« Un agriculteur en Bretagne est globalement moins touché par les risques que celui dans le Sud, ils ne vont pas payer exactement les mêmes prix. »

Le flou autour de l'indemnisation pour les prairies

Si les assurances se disent prêtes pour la mise en place de ce nouveau système dès janvier 2023, une zone d'ombre reste à éclaircir : les assurances sur les pertes fourragères dans les prairies.

Fortement touchées par les sécheresses cet été, les pertes de prairies sont évaluées par un système d'indice de pousse à l'aide d'un satellite piloté par Airbus.

Mais ce dispositif comporte des failles, affirme la FNSEA, qui estime que la méthode de comparaison de la quantité d'herbe par rapport aux 5 années précédentes n'est pas fiable. Même son de cloche pour les assurances qui parle d'un « angle mort » de la réforme.

Le syndicat agricole propose de tester des techniques de calcul de pertes des prairies sur leurs fermes de référence. L'objectif est de prendre en compte d'autres paramètres que la quantité de fourrage comme la situation de la prairie, en montagne ou en plaine, qui conditionne la repousse de l'herbe.

Les assurances et le syndicat espèrent maintenant que la communication soit effective auprès de tous les agriculteurs pour qu'ils choisissent un interlocuteur avant mars 2023, sans quoi ils ne toucheraient aucune indemnités liées aux conséquences du changement climatique.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.