
À chaque jour sa réaction au sujet de la fermeture de l'usine d'Escaudoeuvres, appartenant au groupe sucrier Tereos, propriétaire de la marque Béghin Say. Depuis l'annonce mercredi dernier, l'incompréhension demeure. Cette fois, c'est le ministre de l'Industrie qui l'a exprimée.
« J'ai envie de comprendre les chiffres, parce qu'à ce stade, une entreprise qui gagne de l'argent qui ferme une usine, je pense que ce n'est pas normal », a déclaré lundi Roland Lescure sur l'antenne de Sud Radio, à quelques heures d'une visite sur place pour rencontrer les représentants syndicaux et la direction.
« Ce qu'ils nous disent, c'est qu'ils s'attendent à ce que la production de betteraves diminue dans les deux ans qui viennent et que pour cela ils comptent reconsolider leur production dans trois usines sur quatre », a poursuivi le ministre. La direction de Tereos a en effet indiqué fermer l'usine d'ici la mi-juin en raison d'une « réduction durable » de la production de betteraves en 2023-2024, avec, dans le secteur d'Escaudoeuvres, une baisse des surfaces emblavées supérieure à 10%. À la clé, la suppression de 123 postes.
Outre son site d'Escaudoeuvres, Tereos a annoncé l'arrêt de sa distillerie de Morains dans la Marne (26 postes concernés par une suppression), et cherche un acquéreur pour son amidonnerie de pommes de terre à Haussimont, qui emploie 65 personnes.
« On crie au feu alors qu'on n'a pas vu une étincelle »
La Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) pointe « l'interdiction des néonicotinoïdes » comme la principale explication à cette baisse des surfaces. À la suite d'un avis de la justice européenne rendu le 21 janvier, la France a dû renoncer à une nouvelle dérogation pour enrober les semences avec ces insecticides, à quelques semaines du début des semis. Nocifs pour les abeilles, ils étaient autorisés jusqu'en 2023 pour prémunir les betteraves contre la jaunisse.
Conséquence de cette décision, les surfaces cultivées ont déjà « diminué d'environ 7% » en moyenne, selon la CGB. Dans les Hauts-de-France, terre betteravière par excellence, elles ont diminué de 20% depuis 2018, ajoute-t-elle. Mais, pour Roland Lescure, « pour l'instant, la production de betteraves elle n'a pas baissé. Pour l'instant, le fameux puceron, il n'a pas frappé », s'est-il exclamé, estimant qu' « on crie au feu alors qu'on n'a pas vu une étincelle ».
Il a par ailleurs rappelé l'engagement du gouvernement de « dédommager si besoin les producteurs de betteraves qui sont affectés » et a demandé « de la clarté » sur tout ça. La semaine dernière, le ministre de l'Agriculture a tenu le même discours, demandant des explications à Tereos et rappelant que le gouvernement s'est engagé à indemniser en totalité les pertes de production en cas d'épisode de jaunisse en 2023.
L'usine toujours bloquée
Escaudoeuvres est le site historique de Tereos et devait bientôt fêter ses 150 ans. Ce dimanche, un rassemblement a été organisé par la mairie de la commune devant l'usine. La préfecture a comptabilisé 400 personnes dont 50 salariés, 25 élus, mais aussi des habitants. Tous ont souhaité montrer leur opposition « à l'arrêt annoncé de la production » et leur « soutien aux salariés » qui bloquent depuis mercredi les entrées. « Depuis mercredi l'usine est bloquée, les salariés sont présents jour et nuit. Nous voulions leur réaffirmer notre soutien, et notre opposition aux décisions du groupe », s'est exprimé auprès de l'AFP le maire d'Escaudoeuvres, Thierry Bouteman.
« Rien ne rentre, rien ne sort du site. On continue de se battre. Il y a encore 40.000 tonnes dans le silo. Il va falloir que Tereos s'explique », a déclaré Loïc Lagouche, secrétaire adjoint CGT au CSE. Et d'ajouter : « Demain on dira au ministre : c'est incompréhensible, (de fermer) une usine aussi rentable que la nôtre, avec le canal Seine-Nord qui va un jour passer juste derrière. Tereos ne réfléchit qu'à court terme », a-t-il regretté.
Mercredi, dans le cadre de la journée de mobilisation contre la réforme des retraites, l'intersyndicale cambraisienne délocalise sa manifestation à Escaudoeuvres. Une « marche de solidarité » sera aussi organisée par les élus dimanche 19 mars, en « remplacement » des festivités prévues pour les 150 ans.
(Avec AFP)
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