Tereos : le ministre de l'Industrie juge « pas normal » de fermer une usine qui « gagne de l'argent »

Roland Lescure s’est à son tour exprimé sur l’annonce de la fermeture de l’usine Tereos d'Escaudoeuvres, dans le Nord de la France. Il a indiqué vouloir « comprendre les chiffres » qui justifient une telle mesure. Le ministre de l'Industrie doit s’y rendre dans la journée pour rencontrer la direction ainsi que les représentants syndicaux. L’usine est à ce stade toujours bloquée par les salariés.
La direction de Tereos a indiqué fermer l’usine en raison d'une « réduction durable » de la production de betteraves en 2023-2024, avec, dans le secteur d'Escaudoeuvres, une baisse des surfaces emblavées supérieure à 10%.
La direction de Tereos a indiqué fermer l’usine en raison d'une « réduction durable » de la production de betteraves en 2023-2024, avec, dans le secteur d'Escaudoeuvres, une baisse des surfaces emblavées supérieure à 10%. (Crédits : Pascal Rossignol)

À chaque jour sa réaction au sujet de la fermeture de l'usine d'Escaudoeuvres, appartenant au groupe sucrier Tereos, propriétaire de la marque Béghin Say. Depuis l'annonce mercredi dernier, l'incompréhension demeure. Cette fois, c'est le ministre de l'Industrie qui l'a exprimée.

« J'ai envie de comprendre les chiffres, parce qu'à ce stade, une entreprise qui gagne de l'argent qui ferme une usine, je pense que ce n'est pas normal », a déclaré lundi Roland Lescure sur l'antenne de Sud Radio, à quelques heures d'une visite sur place pour rencontrer les représentants syndicaux et la direction.

« Ce qu'ils nous disent, c'est qu'ils s'attendent à ce que la production de betteraves diminue dans les deux ans qui viennent et que pour cela ils comptent reconsolider leur production dans trois usines sur quatre », a poursuivi le ministre. La direction de Tereos a en effet indiqué fermer l'usine d'ici la mi-juin en raison d'une « réduction durable » de la production de betteraves en 2023-2024, avec, dans le secteur d'Escaudoeuvres, une baisse des surfaces emblavées supérieure à 10%. À la clé, la suppression de 123 postes.

Lire aussiTereos : la fermeture d'Escaudœuvres provoque la colère des salariés, des élus réclament des explications

Outre son site d'Escaudoeuvres, Tereos a annoncé l'arrêt de sa distillerie de Morains dans la Marne (26 postes concernés par une suppression), et cherche un acquéreur pour son amidonnerie de pommes de terre à Haussimont, qui emploie 65 personnes.

« On crie au feu alors qu'on n'a pas vu une étincelle »

La Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) pointe « l'interdiction des néonicotinoïdes » comme la principale explication à cette baisse des surfaces. À la suite d'un avis de la justice européenne rendu le 21 janvier, la France a dû renoncer à une nouvelle dérogation pour enrober les semences avec ces insecticides, à quelques semaines du début des semis. Nocifs pour les abeilles, ils étaient autorisés jusqu'en 2023 pour prémunir les betteraves contre la jaunisse.

Conséquence de cette décision, les surfaces cultivées ont déjà « diminué d'environ 7% » en moyenne, selon la CGB. Dans les Hauts-de-France, terre betteravière par excellence, elles ont diminué de 20% depuis 2018, ajoute-t-elle. Mais, pour Roland Lescure, « pour l'instant, la production de betteraves elle n'a pas baissé. Pour l'instant, le fameux puceron, il n'a pas frappé », s'est-il exclamé, estimant qu' « on crie au feu alors qu'on n'a pas vu une étincelle ».

Il a par ailleurs rappelé l'engagement du gouvernement de « dédommager si besoin les producteurs de betteraves qui sont affectés » et a demandé « de la clarté » sur tout ça. La semaine dernière, le ministre de l'Agriculture a tenu le même discours, demandant des explications à Tereos et rappelant que le gouvernement s'est engagé à indemniser en totalité les pertes de production en cas d'épisode de jaunisse en 2023.

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L'usine toujours bloquée

Escaudoeuvres est le site historique de Tereos et devait bientôt fêter ses 150 ans. Ce dimanche, un rassemblement a été organisé par la mairie de la commune devant l'usine. La préfecture a comptabilisé 400 personnes dont 50 salariés, 25 élus, mais aussi des habitants. Tous ont souhaité montrer leur opposition « à l'arrêt annoncé de la production » et leur « soutien aux salariés » qui bloquent depuis mercredi les entrées. « Depuis mercredi l'usine est bloquée, les salariés sont présents jour et nuit. Nous voulions leur réaffirmer notre soutien, et notre opposition aux décisions du groupe », s'est exprimé auprès de l'AFP le maire d'Escaudoeuvres, Thierry Bouteman.

« Rien ne rentre, rien ne sort du site. On continue de se battre. Il y a encore 40.000 tonnes dans le silo. Il va falloir que Tereos s'explique », a déclaré Loïc Lagouche, secrétaire adjoint CGT au CSE. Et d'ajouter : « Demain on dira au ministre : c'est incompréhensible, (de fermer) une usine aussi rentable que la nôtre, avec le canal Seine-Nord qui va un jour passer juste derrière. Tereos ne réfléchit qu'à court terme », a-t-il regretté.

Mercredi, dans le cadre de la journée de mobilisation contre la réforme des retraites, l'intersyndicale cambraisienne délocalise sa manifestation à Escaudoeuvres. Une « marche de solidarité » sera aussi organisée par les élus dimanche 19 mars, en « remplacement » des festivités prévues pour les 150 ans.

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(Avec AFP)

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Commentaires 12
à écrit le 14/03/2023 à 8:03
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Drole de ministre pour lequel il faut attendre que l'entreprise toute entière soit en difficulté pour fermer une de ses usines. Et à ce moment, il aura encore la formule toute faite du genre "pourquoi n'ont ils pas anticipé ?". Pas grand chose à atte...

à écrit le 14/03/2023 à 7:45
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Tereos prend une décision normale pour un industriel. La production de betteraves va baisser du fait des décisions politiques. Il baisse ses capacités de production. Nos politiques sont des Bisounours ayant la compétence d'élèves de seconde.

à écrit le 13/03/2023 à 19:39
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Chers commentateurs avez vous pensez à suggérer aux salariés de créer une scoop avec l'aide des pouvoirs publics au nom de notre indépendance alimentaire et industrielle et de l'emploi !!

à écrit le 13/03/2023 à 18:28
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De toute façon avec le prix du sucre garanti en France il est inutile de surproduire sinon pour exporter lorsque les cours mondiaux sont élevés tandis que les producteurs se plaindront d'un manque à gagner dans le cas contraire...

à écrit le 13/03/2023 à 16:27
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C'est tout simplement mathématique, il vaut mieux prévenir quand ça va bien que de guérir plus tard si il n'y a plus de récolte de betteraves correcte mieux vaut s orienter sur une autre production (si possible).

à écrit le 13/03/2023 à 16:18
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Il important de se souvenir que Tereos a du faire face à un gros problème d'endettement récemment qui s'est traduit par de la revente d'actifs. Cette fermeture est vraisemblablement une des dernières conséquence de cet accident de gestion (l'arrêt de...

à écrit le 13/03/2023 à 15:13
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Jusqu'à preuve du contraire le propriétaire d'une entreprise est libre du mode de gestion de celle ci donc le ministre en question serait bien avisé de s'abstenir. In fini l'usine fermera donc il est inutile de faire une montagne d'un événement quas...

le 13/03/2023 à 15:56
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"le propriétaire d'une entreprise est libre du mode de gestion de celle ci donc le ministre en question serait bien avisé de s'abstenir" Le ministre en question le sait pertinemment puisqu'il est macroniste ,il est juste la pour faire sa com ,un p...

à écrit le 13/03/2023 à 13:03
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Jusqu'à preuve du contraire le ministre de l'industrie non élu par le peuple n'est pas patron ou actionnaire de contrôle de Tereos donc il ferait mieux de se taire et d'arrêter de rejeter inutilement du CO2...

le 13/03/2023 à 19:45
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A vous lire aucun ministre ne serait légitime ! sauf qu'il arrive qu'en se mettant autour d'une table il en ressort des solutions !

à écrit le 13/03/2023 à 13:03
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Ce "brillant" ministre a tout-à-fait raison: la France est un pays très bien géré depuis cinquante ans; elle accumule les déficits et n'a pourtant aucune difficulté à trouver des préteurs pour financer sa dette. Je défie un entrepreneur normal de tro...

à écrit le 13/03/2023 à 11:43
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Il n'y a pas nécessairement besoin de perdre de l'argent avant de décider d'une réorientation industrielle qui peut en rapporter plus. Chaque entreprise est gérée par ses dirigeant au mieux des intérêts de ses actionnaires, le reste étant une variabl...

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