Vin : où en est le match entre la France et la Chine ?

Par Laszlo Perelstein  |   |  990  mots
Quatrième pays importateur de vins, la France a certes le goût des vins étrangers (ici, une cave au Portugal).
Depuis plusieurs années, la Chine affiche son intérêt pour le vin. L'Organisation internationale de la vigne et du vin vient de dévoiler un rapport montrant que la Chine possède désormais une plus grande surface totale de vignobles que la France. Production, consommation, importation, surfaces de vignobles: revue de détail des forces et faiblesses de ces deux pays.

Face à la montée en puissance de la Chine dans le domaine viticole, la France est-elle menacée ? Le rapport "Conjoncture viticole mondiale : évolutions et tendances" de l'Organisation internationale de la vigne et du vin dévoilé lundi 27 avril interroge : la Chine possède désormais une plus grande surface de vignobles que la France. L'Hexagone n'a toutefois pas complètement perdu la main.

  • Vignobles : la Chine sur la deuxième marche mondiale

La surface totale des vignobles de Chine a cru de 26% depuis 2011, passant de 633 milliers d'hectares (mha) à 799 (chiffres de 2014 provisoires), alors que sur la même période la superficie des vignobles français a stagné (792 en 2014 contre 796 en 2011).

De fait, la Chine, qui représentait moins de 4 % de la surface totale de vignobles en 2000 est désormais passée à 10,5% permettant au pays de détenir la 2e plus grande superficie mondiale, derrière l'Espagne (13,4% ), d'après ces chiffres prévisionnels.

  •  Production : la France sur le toit du monde

Si le nombre d'hectares chinois s'est largement inscrit à la hausse, ce n'est pas la cas de sa production, essentiellement destinée au marché intérieur, qui est en baisse depuis 2012. La Chine ne devrait ainsi produire que 11.178 millions d'hectolitres (Miohl) en 2014, d'après les chiffres prévisionnels de l'OIV.

Sur la même période, la France, de même que l'Espagne, a élaboré davantage de vins, malgré une superficie de vignobles qui n'a que peu changé. Avec 46.698 millions d'hectolitres, l'Hexagone devrait ainsi garder en 2014 la première place en terme de production mondiale de vins, devant l'Italie (44.739 Miohl) et l'Espagne (41.620 Miohl).

Contacté par La Tribune, Yann Juban, adjoint au directeur général de l'OIV, explique que les nombreux vignobles chinois "ne sont pas tous destinés à la production du vin" mais "produisent également du raisins ou du raison sec". Par ailleurs, "beaucoup des plantations chinoises sont très récentes" (moins de trois ans) et possèdent donc "un faible rendement". Ainsi, la Chine dispose d'un "potentiel".

  •  Consommation: la France a perdu la première place mais devance la Chine

En ce qui concerne la consommation, les États-Unis restent le premier pays avec 30,7 millions d'hectolitres prévus pour 2014 (soit 13% de la consommation mondiale), devant la France, dépassée en 2013. La consommation de l'Hexagone s'inscrit en effet à la baisse ces quinze dernières années : de 34,5 millions d'hectolitres (Miohl) en 2000, celle-ci est passée à 27,9 millions en 2014 d'après les prévisions de l'OIV, soit une baisse de l'ordre de 20%. A contrario, celle des États-Unis a grimpé de 45% sur la même période.

Malgré une forte hausse de sa consommation, passée de 10,9 millions d'hectolitres en 2000 à 15,8 millions en 2014 avec un pic à 17 millions en 2013, la Chine n'occupe que le cinquième rang des pays les plus consommateurs d'alcool avec 7% de la part mondiale (contre 5% en 2000). Elle est devancée par l'Italie (-35% depuis 2000), troisième et l'Allemagne, qui n'a pas plus acheté cette dernière décennie.

Une étude de conjoncture Vinexpo de janvier 2014 met toutefois la Chine au premier rang de la consommation mondiale de vin rouge, devant la France, avec 155 millions de caisse de neuf litres (soit 1,865 milliard de bouteilles) consommées contre 150  millions pour l'Hexagone.

  •  Exportation : personne ne veut du vin chinois

Face à la France, premier pays exportateur en terme de valeur -7,73 milliards d'euros de vin ont été exportés en 2014, soit 30% de la valeur totale du marché- et troisième en terme de volume -14.340 millions d'hectolitres-, la Chine ne fait pas le poids. Le pays ne figure ainsi pas parmi les onze principaux pays exportateurs de vin.

Pis encore, personne ne semble vouloir du vin chinois. Dans une interview accordée à l'AFP à l'occasion de la Vinexpo qui se tenait fin mai 2014 à Hong Kong, Lu Wen, responsable de la production du groupe Dynasty Fine Wines, expliquait ainsi que l'on "peut imaginer une demande des Chinois de l'étranger, mais on ne peut tout simplement pas espérer aller au-delà".

  • Importation : les Chinois dépensent davantage

Quatrième pays importateur de vins avec 6.453 millions d'hectolitres en 2014 (+22,9% par rapport à 2013), la France a certes le goût des vins étrangers mais les Français ne dépensent pas outre mesure pour se les offrir. La valeur des vins importés dans le pays a ainsi baissé de 30 millions d'euros entre 2013 et 2014, pour atteindre 620 millions d'euros. Derrière ces chiffres, se cache l'amour que portent les Français au rosé. Ils en boivent tellement qu'ils sont obligés d'importer près d'un quart de leur consommation (soit pas moins de 2 millions d'hectolitres), principalement d'Espagne.

En face, les Chinois dépensent plus pour des bouteilles qu'ils estiment de qualité. Avec "seulement" 4,5 millions d'hectolitres en 2014, le vin importé en Chine a une valeur de plus d'un milliard d'euros, (1,145 milliard précisément), d'après l'OIV. Et encore, les vins de Bordeaux, qui ont réalisé des ventes à hauteur de 221 millions d'euros, ont pâti de la politique anti-corruption du gouvernement chinois et de l'enquête anti-dumping sur les vins européens, abandonnée depuis.

  • Qualité : la Chine veut être au rendez-vous

Une dégustation à l'aveugle organisée en décembre 2011 a fait craindre à certains observateurs la fin de la domination française en ce qui concerne la qualité des vins. Cela ne s'est pas vérifiée dans les faits. En réalité, cette dégustation avait été effectuée dans des conditions déloyales des grands crus chinois ont été comparés à des vins français de valeur intermédiaire.

La Chine peine encore à faire reconnaître la qualité de ses vins, d'où le faible nombre d'exportations, et le pays est plus connu pour faire primer la quantité sur la qualité. Néanmoins, les implantations de grands groupes de spiritueux français (comme Moët Hennesy ou les Domaines Barons de Roschild) et l'échange de techniques et savoir-faire français, comme le stipule l'accord mettant fin à l'enquête chinoise anti-dumping, devraient peu à peu exercer une influence positive sur les vins du pays.