PSA offre un coup d'accélérateur à l'industrie automobile chinoise

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  863  mots
La DS 5LS, prochain modèle de PSA prévu pour la Chine
Pour la première fois, un groupe public chinois devrait devenir actionnaire d'un constructeur étranger. L'accès de Dongfeng aux ressources technologiques et industrielles de PSA risque d'accélérer la stratégie automobile intercontinentale de Pékin.

Pour la première fois, un groupe public chinois devrait devenir actionnaire d'un constructeur automobile étranger. Une première, qui pourrait précipiter  l'émergence d'une vraie stratégie automobile chinoise internationale. Et ce, alors que Pékin, conscient de ses faiblesses,  s'efforçait jusqu'ici de ne pas aller trop vite ! L'offre inespérée de PSA en crise permet au gouvernement chinois d'avancer ses pions beaucoup plus rapidement que prévu dans ce domaine.

Contrairement à ce que l'on croit, le risque pour les constructeurs européens, américains, japonais ou coréens, n'est pas de voir à court terme leur propre marché intérieur envahi par les voitures à bas coûts des marques de l'ex-Empire du Milieu comme les Chery ou Geely. Non, le vrai danger, c'est la constitution de véritables ressources technologiques et d'un solide outil de production  intercontinental au sein de l'industrie chinoise. Ce que PSA... apporte sur un plateau.

Echec relatif des marques chinoises

"Le gouvernement de Pékin a une stratégie très claire. Il veut que les marques chinoises indépendantes représentent 70% du marché", explique un fin connaisseur de la Chine chez PSA. "Mais, celles-ci n'en occupent que 25-30% environ et ce, de façon assez stable". Car les clients locaux préfèrent obstinément les produits de marque étrangère, autrement plus aboutis et flatteurs.

Du coup, "les pouvoirs publics ont subtilement demandé aux co-entreprises (avec des constructeurs étrangers) de créer chacune une marque chinoise avec la technologie de ces "joint-ventures". DPCA (la co-entreprise de PSA avec Dongfeng)  va ainsi lancer dans quelques mois des produits dérivés sous une telle marque. Mais on sait que ce sera difficile et cher".

La fin tant annoncée des co-entreprises avec les constructeurs étrangers en Chine n'est  pas pour tout de suite. "Il est trop tôt pour que le gouvernement chinois les arrête", souligne en effet un expert. En outre, les groupes chinois gagnent beaucoup d'argent avec elles: SAIC avec GM et Volkswagen; Dongfeng avec Nissan, Honda et PSA - même si DPCA est très peu rentable; BAIC avec Hyundai et Mercedes; FAW avec Volkswagen et Toyota; Changan avec Ford et plus récemment aussi PSA (gamme DS)... I

L'eldorado chinois est dangereux

Il n'en reste pas moins que la menace plane à terme sur les grands constructeurs mondiaux, qui, aujourd'hui, ne rêvent que l'ex-Empire du Milieu! Logique: c'est le premier gâteau automobile du monde, dont les taux de croissance laissent loin derrière tous les autres grands marchés. GM a écoulé la bagatelle de 3,16 millions de véhicules en Chine en 2013 (+11,4%).  L'américain vend désormais presque 600.000 véhicules de plus en en Chine qu'aux Etats-Unis. Volkswagen affirme en avoir livré encore davantage, soit 3,27 millions (+16,2%). Le japonais Nissan y a enregistré une hausse de 17,2% de ses volumes à 1,26 million de véhicules et PSA de 26% à 557.000 exemplaires.

Mais, avant que, sur l'injonction des pouvoirs publics, les groupes chinois ne fassent éventuellement main basse directement sur ces co-entreprises occidentales (ainsi que  japonaises et coréennes), ne voilà-t-il pas que PSA, après son alliance ratée avec GM, demande au groupe public chinois Dongfeng de venir en sauveur - pas en éventuel prédateur ! Il ne s'agit plus de coopérer en... Chine. Non, PSA propose (fortement) au chinois de devenir l'un de ses actionnaires de référence.

Fondé à l'époque à la fin des années soixante, et implanté dans la province du Hubei loin des côtes pour le protéger d'une possible invasion par l'est, le groupe Dongfeng est aujourd'hui le deuxième assembleur automobile du pays. Même s'il a été créé pour fabriquer des camions destinés à l'Armée populaire de libération.

Négociations d'Etat à Etat

Certes, il y avait le précédent Volvo. Mais la reprise du suédois par Geely n'avait pas la même envergure. Volvo est un petit constructeur qui n'était plus indépendant depuis longtemps. La firme de Göteborg a été vendue en effet au chinois par Ford il y a quatre ans. En outre, Geely est une entreprise privée, créée par Li Shu Fu.

Dans le cas des négociations en cours entre PSA et Dongfeng, il s'agit carrément d'une négociation d'Etat à Etat. Le groupe automobile tricolore a confirmé lundi soir un projet d'augmentation de capital d'un montant de l'ordre de 3 milliards d'euros. Selon le scenario privilégié, le constructeur français procèderait à une augmentation de capital réservée au groupe national Dongfeng. L'Etat français accompagnerait l'opération, afin d'avoir une parité avec le groupe public chinois et la famille Peugeot au sein du consortium tricolore.

PSA resterait donc contrôlé par les intérêts français. Mais, les chinois travaillent sur le très long terme. Or, si une nouvelle augmentation de  capital se révélait nécessaire chez PSA, la famille Peugeot suivrait-elle ? Et l'Etat français ? Si Dongfeng semble a priori une excellente solution pour apporter de l'argent frais à PSA,  il est clair que cela crée un précédent. Tout un symbole d'un transfert progressif des centres de pouvoir.