Pourquoi Carlos Ghosn n'a pas fusionné Renault et Nissan

En 20 ans, les dirigeants de l'Alliance Renault-Nissan ont toujours rejeté l'idée d'une fusion et ce malgré les pressions. Ils s'appuient sur une série d'échecs spectaculaires propres au secteur automobile, dont le mariage raté de Renault avec Volvo au début des années 1990.
Nabil Bourassi
Nissan a officiellement révoqué Carlos Ghosn de son conseil de surveillance.
Nissan a officiellement révoqué Carlos Ghosn de son conseil de surveillance. (Crédits : Philippe Wojazer)

Mais pourquoi Carlos Ghosn n'a jamais procédé à une fusion de Renault et Nissan ? La question a été posée à de multiples reprises par les gouvernements successifs au très charismatique patron de l'Alliance des deux groupes automobiles. Quelques jours après l'arrestation de Carlos Ghosn à Tokyo pour des questions de déclarations de revenus, la question est dans toutes les têtes tant l'Alliance est plus que jamais en danger.

Des rumeurs font même état d'un projet de fusion sur lequel Carlos Ghosn planchait et qu'il souhaitait présenter au printemps prochain. Une information qui a été démentie dans les hautes sphères du gouvernement français. Celui qui préside aux destinées de l'Alliance depuis plus de 10 ans avait jusqu'ici rejeté l'idée d'une fusion jugeant qu'elle faisait courir un risque opérationnel trop important en raison d'une incompatibilité culturelle.

Les fusions dans l'automobile, une histoire très complexe

L'histoire récente de l'industrie automobile compte de nombreux exemples de fusions avortées notamment parce que la greffe n'avait pas pris. La plus spectaculaire est probablement l'échec du rachat de Chrysler par Daimler en 1998. Le groupe allemand rachète l'entreprise américaine pour la somme astronomique, pour l'époque, de 36 milliards de dollars. En quelques années seulement, le marché américain se retourne sous la pression de la concurrence asiatique et de la guerre des prix. Daimler met alors la pression sur les équipes de Chrysler à grands renforts de restructurations. Les revirements stratégiques sont intempestifs, les ingénieurs rejettent le management imposé par Stuttgart, le malaise s'accroît. En 2007, l'allemand jette l'éponge et revend Chrysler pour une bouchée de pain...

Lire aussi : Affaire Ghosn: Nissan veut-il racheter Renault ?

Plus récemment, c'est le japonais Suzuki qui a rejeté le partenariat entamé avec Volkswagen en 2009. Au départ, il s'agissait d'un rapprochement amical, le constructeur allemand s'emparant de 20% du capital du japonais, qui en retour, prenait 1,5% du capital de la firme de Wolfsburg. Cette alliance était ambitieuse, elle offrait à Suzuki un accès à des technologies qu'elle n'était pas capable de financer elle-même, et de l'autre, le groupe allemand s'offrait une fenêtre sur le très verrouillé marché japonais, mais aussi indien (Suzuki y détient près de 40% du marché). Les antagonismes managériaux ont eu raison de cette ambition. Suzuki s'est très vite froissé avec les méthodes musclées de Volkswagen et a dénoncé l'accord moins de deux ans après sa signature.

Plus près de nous, mais plus vieux, c'est l'expérience complètement ratée du mariage Volvo-Renault au début des années 1990. Le montage prend plusieurs années et est élaboré avec un luxe de détails techniques, juridiques et financiers : un modèle du genre. Les deux PDG de l'époque sont sur la même longueur d'onde, mais les Etats-Majors, eux, rejettent catégoriquement le projet de fusion. Chez Volvo, on craint la mainmise des Français. C'est cette expérience catastrophique qui va conduire Louis Schweitzer, qui était à la manoeuvre dans le projet Volvo, à prendre en compte, en 1999, la dimension culturelle en imaginant non pas une fusion avec Nissan, mais une alliance.

L'Alliance à tâtons

Tant et si bien, que cette Alliance avancera à tâtons sur les synergies industrielles. 20 ans après sa mise en place, les marques des deux groupes ne partagent que 70% de leurs modèles sur les mêmes plateformes là où d'autres groupes ont fait mieux en à peine cinq ans. En outre, les deux groupes ont à peine commencé à mettre en place des équipes transverses pour piloter des projets communs. L'exemple des batteries électriques était patent. Renault et Nissan n'étaient jamais parvenu à s'entendre sur les batteries des voitures électriques. Le Français allant jusqu'à acheter des batteries à LG plutôt que celles fabriquées par son partenaire et ainsi dégager des économies d'échelles. Les équipes d'ingénieurs n'avaient jamais réussi à se mettre d'accord sur les arbitrages technologiques. Nissan a fini par céder son activité de fabrication de batteries électriques.

Lire aussi : Arrestation de Carlos Ghosn : l'avenir de Renault en pointillé

Pour Carlos Ghosn, ces turpitudes ne peuvent pas occulter les réussites de l'Alliance. Il estime que cette démarche a permis de préserver l'Alliance des susceptibilités mais également de ménager les "identités" de marques et, in fine, culturelles. Et de citer cette anecdote selon laquelle Vladimir Poutine a choisi Renault au détriment de Daimler pourtant mieux-disant, pour la reprise d'Avtovaz (Lada), justement en vertu de ce pari réussi. Le chef du Kremlin était très attaché à ce que Lada ne soit pas dissous dans un groupe automobile multinational. Heureusement pour Renault, Avtovaz n'est pas un allié, mais bien un groupe automobile totalement acquis et fusionné, et pour l'heure, il semble que la greffe a pris...

Nabil Bourassi

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Commentaires 14
à écrit le 23/11/2018 à 14:44
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Rapport de force inversé. En 1999, au moment du rapprochement, Renault affiche une meilleure santé que son homologue japonais. Près de vingt ans plus tard, Nissan frôle quasiment les 100 milliards de chiffre d’affaires et pèse presque deux fois plus ...

le 23/11/2018 à 16:29
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@jbp ! ! Apparemment l'arrivée de Renault au capital de Nissan et la constitution de l'Alliance à beaucoup profité à Nissan durant ces 20 années Renault à vraiment été un actionnaire et un partenaire de choix pour Nissan y a pas à dire. Brav...

le 25/11/2018 à 10:23
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Cette alliance, comme de coutume, est établie sur des participations croisées établies sur un rapport de force mais sans apport de capital. Ainsi Renault était valorisé 3 fois plus que Nissan (exactement 43/15). L'investissement réel se fait en natur...

le 26/11/2018 à 12:50
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@Boule Faux en 1999 Renault à injecté 640 milliards de yens dans Nissan pour en prendre 34% du capital soit environ 5 milliard d'euros. Les 10% restant suivront quelques années après toujours en cash. C'est données sont consultables dans les ra...

à écrit le 23/11/2018 à 11:59
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Les média parlent sans cesse et sans retenue du salaire élevé de Mr Ghosn, très peu soulignent les résultats exemplaires que ce patron d’industrie a obtenu par sa stratégie de visionnaire et en particulier pour le groupe Nissan. Par ailleurs, ces méd...

le 23/11/2018 à 12:33
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L'actionnaire Nissan ? Nissan à obtenu 15% de Renault sans droits de vote sur la seule volonté de Renault et bien après la prise la constitution de l'Alliance. Qui est "Nissan" ? Qui s'est offusqué concrètement ? Le PDG était alors C. Ghosn (auss...

le 23/11/2018 à 14:16
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@obsevateur aucun article ne nie sa réussite industriel, maintenant que les dés soient pipés ou pas, pour lui ils sont jetés, c'est game over. On reparlera de Ghosn à son procès, quand il sortira ses "mémoires" et quand Renault votera sa destitution ...

à écrit le 23/11/2018 à 11:22
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Fautes de grammaire lamentables dans l'article : "ont à peine commencer"... PARTICIPE passé ! commencé !

le 23/11/2018 à 11:55
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Et sur le fond de l'article un avis peut être ? Parce que d'une part c'est clairement une faute d'inattention et pas de connaissance, et d'autre part on n'a pas besoin d'une police de l'orthographe ici Merci

le 25/11/2018 à 4:30
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@ Antoine92 Si, si, on en a besoin : Quand vous allez au restau et que vous trouvez un os de poulet dans la soupe, vous faites une remarque au serveur. Une faute aussi énorme dans un article écrit par un journaliste professionnel, c’est pareil. C’...

à écrit le 23/11/2018 à 10:51
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Réponse d’Elie Cohen, lors de son audition par la commission parlementaire d’information sur l’automobile (12 Nov 2015) – Extraits : « l’état ne possède plus de compétences techniques – les décisions sont prises par des banquiers d’affaires – nos deu...

à écrit le 23/11/2018 à 9:45
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Très bon article sur l'histoire récente des dernières fusions dans l'automobiles. Merci. Plus anciennement on pourrait aussi citer l'acquisition de American Motor Corp fabriquant notamment la Jeep, par Renault et l'acquisition de Chrysler Simca par P...

à écrit le 23/11/2018 à 9:37
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Très bon article. Intéressant car il éclaire cette OVNI industriel qu'est l'Alliance Renault-Nissan. C'est vrai que Renault est resté particulièrement marqué par son échec de fusion avec Volvo et cela à contribué a y aller à pas de velours avec le...

à écrit le 23/11/2018 à 9:02
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Personne n a intérêt a dissoudre l alliance Renault Nissan, grâce a sa participation, Renault reste au centre du jeu, Tu veux Nissan, tu raids sur Renault ou tu le courtises pour qu il vend sa participation. Tout puissant qu il soit, Nissan n est p...

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