Pourquoi l’autorisation des carburants de synthèse ne freinera pas l’électrification de l’automobile

Aujourd'hui, les 27 Etats membres de l'Union européenne ont validé le texte sur la fin des voitures thermiques pour 2035 après avoir cédé sur les carburants de synthèse demandés par l'Allemagne. Une ouverture pour cette nouvelle technologie qui interroge, tant sur le fond que sur la forme. Explications.
(Crédits : Francois Lenoir)

C'est fait. Ce lundi, les 27 Etats membres de l'Union européenne ont approuvé le texte mettant fin à la vente des véhicules thermiques à horizon 2035. Après un revirement inattendu de l'Allemagne en début de mois, qui exigeait une intégration des carburants de synthèse, Bruxelles a fini par céder samedi dernier en acceptant cette requête. Le ministre des transports allemand a indiqué que « les véhicules équipés d'un moteur à combustion pourront être immatriculés après 2035 s'ils utilisent exclusivement des carburants neutres en termes d'émissions de CO2 ». Un changement de texte, qui, en réalité, invite davantage à s'interroger sur la forme que sur le fond.

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Carburants de synthèse, un caprice de riche ?

Le texte parle en effet d'une neutralité d'émissions de CO2. Or, les carburants de synthèse ne sont, pour l'heure, pas neutres car ils émettent du dioxyde de carbone pendant la combustion. Il faudrait donc qu'une nouvelle technologie voit le jour pour les autoriser. Des solutions qui, dans les deux cas, seront extrêmement coûteuses, sachant que les prix des carburants de synthèse actuels sont déjà très élevés. Le coût à la pompe de ceux produits aujourd'hui par le constructeur Porsche sont en effet environ 50% plus chers que ceux de l'essence. Un scénario qui ne peut s'appliquer qu'aux véhicules de luxe comme Porsche ou Ferrari, les deux constructeurs qui se sont pour l'heure prononcés en faveur de cette technologie. Et pour cause : leurs clients sont à la fois fortunés et nostalgiques du moteur thermique.

Pour autant, dans l'esprit de Porsche, les carburants de synthèse resteront un complément de l'électrique. Le constructeur allemand a en effet assuré que l'électrique restait son principal objectif, mais « qu'il ne s'agissait pas de la seule solution. Il est important de ne pas opposer électrique et e-fuel ».

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Peu de constructeurs se sont positionnés sur cette nouvelle technologie. La plupart d'entre eux, notamment les constructeurs français Renault et Stellantis, confirment garder le cap de l'électrique comme prévu initialement. Car les carburants de synthèse n'ont pas que des atouts. Au contraire. En plus d'être coûteux à développer à grande échelle, ils nécessitent également cinq fois plus d'énergie à produire que l'électrique. Un luxe que de nombreux constructeurs ont abandonné et qui ne peut être réservé qu'à une clientèle fortunée.

Ce texte ne change donc pas les stratégies initiales des constructeurs mais « alimente les fausses informations et sème le trouble sur les moteurs thermiques », déplore l'association Transport et environnement. Plusieurs spécialistes du secteur automobile, comme le cabinet Roland Berger, se sont dit « surpris » de cette réclamation allemande sur les e-fuel sachant qu'une grande partie de l'industrie a déjà pris la décision d'aller vers l'électrique.

La crainte d'un effet domino

Cette ouverture aux carburants synthétiques faisait peur aux associations écologistes car elle pouvait permettre une "triche" de la part des usagers qui préféreront mettre de l'essence dans les moteurs plutôt que ces carburants beaucoup plus chers. Finalement, le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, a assuré que les véhicules fonctionnant aux e-fuels devront être équipés de moteurs n'acceptant que ce type de carburant. Un soulagement pour les associations et les députés écologistes.

Seulement, si ces carburants ne semblent pas changer la transition vers l'électrique, la possibilité de revenir sur un texte européen aussi tard dans les validations fait craindre un effet domino. L'Italie a en effet prôné l'ouverture aux biocarburants qui ne sont pas neutres en carbone. De son côté, la France, par la voix du ministère de la Transition écologique, pointe « l'incohérence d'embarquer des e-fuel qui sont des technologies très émergentes au titre de la transition énergétique mais de refuser l'hydrogène produit à partir du nucléaire ».

Pour Transport et environnement, cette diversion fait craindre un retard de mesures concrètes sur le terrain.

« Décrochage entre objectif et mise en œuvre politique »

En effet, si le texte a bien été adopté aujourd'hui par les 27 Etats membres, sa mise en œuvre concrète doit être enclenchée rapidement. Problème : entre le manque de bornes de recharge, le prix d'achat des véhicules, les batteries fabriquées en Chine... les freins au développement de la voiture électrique ne manquent pas, et chaque pays va devoir investir plusieurs millions d'euros pour parvenir à atteindre cet objectif.

« Il y a un réel décrochage entre les objectifs des Etats et la mise en œuvre des politiques publiques au niveau national. Il faut donner des directives claires notamment en faveur de l'industrie. Tant que l'on n'a pas de politiques internes en cohérence, il y a un risque de rejet de cette loi », assure Transport et environnement.

Ces retournements de situations font également craindre pour la compétitivité de l'Europe à l'heure où des choix d'industrialisation sont importants pour éviter une mainmise des Etats-Unis et de la Chine sur le marché de l'automobile dans les années à venir. Pour le ministère de la Transition écologique, le message est clair : « il faut faire très attention de ne pas fragiliser le fonctionnement des institutions européennes en rouvrant des textes ».

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Commentaires 11
à écrit le 28/03/2023 à 21:53
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Le modèle français semble plus orienté vers la sa préservation que vers une solution aux problèmes climatique et géopolitique. L'e-fuel est certes au tout début de son déploiement industriel mais il ne fait aucun doute qu'il fonctionne car il repose ...

à écrit le 28/03/2023 à 14:02
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La voiture électrique? Batteries monstrueusement polluantes à fabriquer et à détruire ! Recharges électriques à base d'électricité issues de centrales nucléaires ou à charbon ! Carrosserie en aluminium, métal polluant à produire ! Faire croire que c'...

le 29/03/2023 à 8:50
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dans ces negociations le gouvernement francais est d'une stupidite absolu il suffisait d'exige le nucleaire avant toute autre et de bloquer toute autre dialogue et compromis tant que ce sujet ne soit clos

à écrit le 28/03/2023 à 12:19
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Voilà, on a failli manquer d'électricité en Europe cet hiver, mais on va passer le parc de véhicules (voitures, 2 roues, camions, autocars, engins de chantier...) à l'électricité dans 12 ans. Au rythme auquel les nouvelles centrales nucléaires ne se...

à écrit le 28/03/2023 à 11:16
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Cette interdiction est purement idéologique et inapplicable en la matière, puisque nous sommes dans l'incapacité physique de produire assez de batteries nécessaires au tout électrique, cette espèce de chimère écologique qui va au final aggraver la po...

à écrit le 28/03/2023 à 9:30
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C'est la voie grande ouverte aux véhicules venus de Chine malgré tous les projets des européens et des américains. Car c'est bien la Chine qui domine et dominera quasiment tous les niveaux de la chaîne de production des véhicules électriques. Nous...

à écrit le 28/03/2023 à 6:45
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Bonjour, n'importe comment, la fin du petrole est programmé, et les solution de remplacement sont en train de ce mettre en place.... Motorisation électrique.. Moteur a l'hydrogène... Et si le faut l'emploi de l'essence de synthèse.... Le but e...

à écrit le 27/03/2023 à 20:37
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Parce que la secte de non élus de davos l' a décidé mais non les peuples, j' ai bon ?!!!!

à écrit le 27/03/2023 à 20:31
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Les allemands, ils sont malins. En s'obstinant à refuser le nucléaire , ils savent pertinemment qu'ils ne pourront jamais alimenter leurs voitures électriques avec les énergies renouvelables d'ici 2035. Bref, ils vont continuer à polluer avec le char...

à écrit le 27/03/2023 à 19:07
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Il semble tellement plus raisonnable pour la planète, de développer des carburants alternatifs, c'est tellement plus "vert" que des batterie au cadmium, avec leurs électrodes, leur plastic... Ah au fait Shell, Repsol, et Audi, développent avec le pr...

le 27/03/2023 à 23:39
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Ce serait un coup de maître pour affaiblir leur concurrence européenne.

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