Renault : l'astuce de Luca de Meo pour relancer l'Alliance avec Nissan

Le patron du groupe automobile français veut trouver un nouveau centre de gravité industriel à une Alliance en panne depuis presque sept ans... Il espère ainsi que Nissan participera à Ampère, la nouvelle filiale dédiée à l'électrification et que Renault espère introduire en Bourse en 2023. Le marché, lui, est enthousiaste mais attend encore les détails d'un accord final avant d'applaudir des deux mains...
Nabil Bourassi
(Crédits : BENOIT TESSIER)

La Renaulution se poursuit... Méthodiquement et progressivement, Luca de Meo est en train de détricoter près de vingt années de convictions stratégiques et industrielles chez Renault. Après avoir revu la gamme, la politique commerciale, le management et la chaîne d'approvisionnement... voilà que le patron de Renault s'attaque à un totem absolu du groupe automobile français : l'Alliance avec Nissan. D'après Les Échos, il serait prêt à descendre dans le capital du japonais dont il possède 44% du capital depuis plus de vingt ans maintenant, pour accéder à une participation résiduelle de 15%. Ce scénario est une rupture historique inattendue tant cette participation était perçue comme un quasi-contrôle sur Nissan. Elle était également vécue comme le socle de l'Alliance Renault-Nissan telle qu'elle était voulue par l'État français (qui détient 15% de Renault), c'est-à-dire avec une domination de fait du japonais par le français.

Une Alliance en panne mais nécessaire

Mais Luca de Meo n'agit pas dans le désordre... Et surtout, il n'est pas question d'en finir avec l'Alliance avec Nissan qui permet tout de même d'accéder à une échelle industrielle de 8 à 10 millions de voitures par an... Une autre dimension pour un Renault qui plafonne à 3,5 millions d'immatriculations par an. Mais de fait, l'Alliance est en panne depuis plusieurs années... Officiellement depuis l'arrestation de Carlos Ghosn en novembre 2018 au Japon, officieusement, depuis la montée de l'État français dans le capital de Renault en avril 2015 avec l'affaire des droits de vote double, et la volonté sous-jacente de prendre le contrôle de Nissan, c'est-à-dire au-delà des 50% du capital, suscitant la défiance de la partie japonaise. Il était donc impératif de relancer l'Alliance avec Nissan... Mais sur de nouvelles bases.

L'idée de génie de Luca de Meo réside dans Ampère, cette filiale dédiée aux activités électriques et qu'il souhaite introduire en Bourse en 2023. Il s'agirait alors de déplacer le centre de gravité de l'Alliance sur un nouveau partenariat industriel, en l'occurrence, l'électromobilité, qui nécessite d'importants investissements, mais également des brevets.

"Les marchés sont tournés vers cette fameuse IPO qui est attendue pour 2023. L'annonce d'un rééquilibrage de la participation permet de lever ce qui était devenu un frein pour une Alliance qui ne fonctionnait plus assez bien. Renault est ainsi en train de se libérer de cette contrainte qui étouffait la prise de décision et l'innovation à un moment où le marché se joue d'une manière croissante sur la R&D.", analyse Benjamin Sacchet, directeur associé et gérant de fortune chez Avant-Garde Investment.

"Ce plan peut permettre de rééquilibrer l'Alliance avec Nissan, c'est une question lancinante, mais elle avait besoin d'être éclaircie pour pouvoir avancer", abonde Frédéric Rozier, gérant chez Mirabaud. "Le plan consisterait à réallouer le capital vers les segments les plus rentables, notamment ceux autour de l'électrification. C'est une très bonne nouvelle. Cela va permettre à Renault de retrouver des niveaux de valorisation intéressant, comme ceux que l'on voit vers les pure player de l'électromobilité comme Rivian, Lucid ou Tesla", ajoute-il.

Le marché s'intéresse de nouveau à Renault

Il faut dire que la réaction du marché ne s'est pas faite attendre. Le titre Renault prenait près de 8% dans les premiers échanges lundi, au lendemain de l'article des Échos. La valorisation de Renault est un véritable sujet puisqu'à 9 milliards d'euros, elle vaut à peine plus que sa participation dans Nissan. Le groupe français souffre des très mauvais résultats engrangés jusqu'en 2020, et d'une comparaison défavorable avec l'autre français, Stellantis, dont les ratios financiers sont autrement plus importants. Enfin, la conjoncture est particulièrement défavorable sur le secteur, et plombe impitoyablement les valeurs à la traîne... Mais il semblerait que Renault soit sur un point de bascule...

"Renault est en avance sur son plan stratégique. Il a déjà atteint les objectifs attendus pour 2025. Il est désormais envisagé des objectifs de rentabilité proches de ceux de Stellantis. La période rappelle celle rencontrée par PSA au début du mandat de Carlos Tavares et qui avait vu l'entreprise se redresser très rapidement", observe Frédéric Rozier. "Les opérateurs de marché ont subitement retrouvé de l'appétit sur le titre Renault. C'est un vrai tournant, la perception du groupe a vraiment changé", poursuit le gérant de Mirabaud.

"Renault est en train de corriger les problèmes qui limitaient son attractivité il y a encore un an comme sa structure actionnariale défaillante, un bilan compliqué et des capacités d'investissements réduites. Cela se traduit par un retour des faveurs du marché", explique Benjamin Sacchet. "Renault va dégager des marges de manœuvre financières dont il doit encore arbitrer son allocation : réduire l'endettement, redistribuer aux actionnaires, investir dans l'innovation... Dans tous les cas, c'est une bonne nouvelle pour le groupe", conclut-il.

En attente de la journée investisseur

Mais Renault va devoir d'abord détailler le plan qui est attendu. Pour le moment, l'information n'est pas confirmée... Car même si le groupe français a confirmé par voie de communiqué qu'il y a bien des discussions avec Nissan sur ces thématiques, rien n'est confirmé sur l'ampleur de l'accord. D'autant que Nissan semble vouloir maximiser le rééquilibrage des forces. En outre, l'appétence du marché pour les pures valeurs de voitures électriques semble s'essouffler comme l'illustre la baisse des titres Rivian et Lucid depuis plusieurs mois. Enfin, Renault doit confirmer que cette remise à plat de l'Alliance se fait en accord avec l'État français.

Le marché attend donc des réponses extrêmement précises lors du Capital Market Day (journée investisseur) de Renault prévu le 8 novembre prochain sur cette IPO mais également sur le nouveau partenariat avec Nissan. Malgré les résultats spectaculaires engrangés depuis deux ans, Luca de Meo sait qu'il est attendu au tournant...

Nabil Bourassi

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Commentaires 9
à écrit le 13/10/2022 à 14:16
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Bonjour, j'ai du mal à comprendre l'article. Si je comprends bien Renault se désengage massivement de Nissan se faisant lui redonnant toute latitude, mais dans le même moment va demander à ce dernier d'investir dans une société commune sur le busin...

à écrit le 13/10/2022 à 11:35
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Difficile de voir un quelconque "génie", mais plutôt du parachutisme professionnel. Les ventes de la marque Renault sont en repli de 16,5% sur un an à fin juin 2022. Donc ce serait plutôt du génie de clôture d'entreprise en l’occurrence, avec de j...

le 13/10/2022 à 11:53
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Oui, n'oublions pas que Renault semble un gros annonceur sur La Tribune (encarts publicitaires fréquents), d'où cet "article" sûrement, et notamment son titre peu journalistique. Effectivement, l'éventuelle vente d'actions Nissan semble plus là pour ...

le 18/10/2022 à 20:48
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En effet, voitures RENAULT devenant hors de prix, désengagement de voitures accessibles ( voir une soit disant R4 au salon) tout cela pour préparer un achat par "stellantis" dans quelques années. On à vu le président français avec le PDG de ce groupe...

à écrit le 13/10/2022 à 9:57
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Ceux qui pensent que l'electrique est l'avenir vont bientot dechanter. Que les heureux possesseurs de diesel conservent. On ne lache pas la poire pour l'ombre. Ce genie va se planter comme ses predecesseurs.

le 13/10/2022 à 10:51
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+ 1 Bientôt il n'y aura plus d'électricité pour les VE

à écrit le 13/10/2022 à 8:52
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Luca de Meo, mais aussi Carlos Tavares, est le génie de M. Bourassi...rien de nouveau !

à écrit le 12/10/2022 à 19:31
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Bonjour Je suis prêt à réserver les voitures et les ventes au Mali

à écrit le 12/10/2022 à 19:18
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Vivement la nationalisation de Nissan par le gouvernement japonais que l'on puisse féliciter comme il se doit le génie chez Renault...

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