C'est une rupture dans la doctrine d'internationalisation du groupe Stellantis... Pour Carlos Tavares, il est temps de tirer les conclusions de la nouvelle donne géopolitique. « Au chaos du monde que j'évoque depuis plusieurs années, il faut désormais ajouter sa fragmentation », a expliqué le patron de Stellantis. La guerre en Ukraine a été le point culminant d'une détérioration des relations internationales, mais qui avait déjà trouvé ses racines auparavant.
Une « rupture de confiance"
C'est le cas chinois qui a largement occupé les propos de Carlos Tavares devant la presse, en marge de la présentation des résultats financiers. En début d'année, il avait annoncé son intention de monter à hauteur de 75% du capital de la coentreprise avec le groupe local GAC qui industrialise et commercialise la marque Jeep en Chine. Sauf que le dossier n'a pas avancé. « Nous avions confié à Gac la responsabilité de porter le dossier auprès de l'administration centrale (...) Notre partenaire n'a jamais déposé ce dossier », s'est-il ému ajoutant « c'était un motif de rupture de confiance ».
Pour Carlos Tavares, en Chine, qui est, de loin, le premier marché automobile du monde avec 28 millions de voitures neuves par an, « le climat des affaires s'est fortement politisé ces dernières années ». Et de citer les baisses de ventes des groupes occidentaux, comparé aux performances commerciales des groupes chinois. « Vendre des voitures en Chine est de plus en plus difficile », a-t-il commenté. Selon lui, cette tendance trouve ses racines dans la doctrine du parti communiste chinois, posée en 2010: « tout est inscrit dans ce document ».
Jeep sera désormais exporté
Désormais, Carlos Tavares préfère travailler à travers un nouveau modèle baptisé « asset light strategy », en français, la stratégie des actifs réduits. Dans le cas de Jeep, il s'agit de fermer les usines en Chine ainsi que la coentreprise pour passer à de l'exportation des véhicules sur place.
« Nous pressentons des tensions croissantes et nous craignons qu'elles aboutissent à des sanctions croisées qui in fine toucheraient les entreprises occidentales », a-t-il expliqué avant de citer le cas de l'Iran qui avait amputé le groupe PSA de près de 400.000 voitures annuelles, ou dans une autre mesure, le cas de la Russie qui a brutalement privé son concurrent, le groupe Renault, de son deuxième marché mondial et du fruit de ses investissements sur place. A travers la « asset light strategy », Stellantis sécuriserait alors ses investissements.
Il s'agit d'une véritable rupture pour Carlos Tavares qui a toujours privilégié la production locale pour conquérir les marchés internationaux. En Chine, il est confronté depuis près de cinq ans à un effondrement des ventes de ses marques commercialisées sur place et dont il n'est jamais parvenu à trouver la parade. Jusqu'ici, il remettait en cause des problèmes d'exécution opérationnelle du fait de ses partenaires locaux, mais n'avait jamais évoqué cette dimension politique.
Quelle solution pour Peugeot et Citroën ?
Stellantis doit encore résoudre la question de Peugeot et Citroën qui sont industrialisés à travers DPCA, une coentreprise avec DongFeng Motors mais dont les ventes sont devenues minuscules. Cette joint venture comporte pas moins de trois usines qui produisent des voitures pour le marché européen comme la DS9 ou la nouvelle Citroën C5X. Il lui faudra pourtant trouver une issue pour ces deux marques qui ne parviennent pas à décoller en Chine, et donc trouver un accord avec DongFeng Motors, qui détient encore 3% du capital de Stellantis.
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