Comment Bouyer Leroux, leader français des briques en terre cuite, se libère des énergies fossiles

Engagé depuis 2018 dans un important plan d’investissement pour décarboner 90% de ses outils de production à l’horizon 2025-2027, le groupe coopératif Bouyer Leroux, numéro un de la brique en terre cuite et leader français de la fabrication de parquets en chêne, accélère sa diversification vers les énergies vertes pour limiter sa consommation de gaz « russe » et son impact environnemental.
Présent sur une trentaine de sites en France et en Belgique, Bouyer Leroux s’est, en une décennie, diversifié dans plusieurs métiers de l’habitat : les fermetures pour l'habitat (SPPF, FLO Fermetures…), les solutions en terre cuite (Bio bric, Tregula), le parquet (Panaget), les cloisons... Prudent, le groupe coopératif vient de renoncer à son projet de rachat du groupe Riaux, leader de l’escalier sur-mesure en France.
Présent sur une trentaine de sites en France et en Belgique, Bouyer Leroux s’est, en une décennie, diversifié dans plusieurs métiers de l’habitat : les fermetures pour l'habitat (SPPF, FLO Fermetures…), les solutions en terre cuite (Bio bric, Tregula), le parquet (Panaget), les cloisons... Prudent, le groupe coopératif vient de renoncer à son projet de rachat du groupe Riaux, leader de l’escalier sur-mesure en France. (Crédits : BLX)

« Nous faisons feu de tout bois pour trouver de nouvelles sources d'énergies », affirme Roland Besnard, Pdg du groupe Bouyer Leroux, numéro un de la brique en terre cuite pour l'habitat individuel et collectif, et leader français de la fabrication de parquets en chêne, avec sa filiale Panaget. Des activités (fours, séchoirs...) particulièrement gourmandes en énergies, touchées de plein fouet par la hausse du prix du gaz et de l'électricité.

Biomasse et biogaz, deux atouts pour la maîtrise des coûts

« Nous ne sommes plus dans les années 1970 avec la seule crise pétrolière, aujourd'hui, le climat est beaucoup plus anxiogène. La population est éprouvée par le mouvement des gilets jaunes, la crise sanitaire, la mise en œuvre du télétravail... Le contexte géopolitique se fait sentir sur les prix et sur le marché de la construction déjà fragilisé par les tensions sur les matériaux. Si nous n'avions pas investi dans la biomasse et le biogaz, jamais nous n'aurions pu maîtriser nos coûts au regard de la flambée de l'énergie dont les tarifs ont été multipliés par 10 sur le gaz. Le jour où EDF a appelé à réduire des consommations, l'électricité a été multipliée par 100 en un jour. Le marché est fou ! », relève Roland Besnard, dont la stratégie de transition énergétique lancée il y a quatre ans lui a peut-être sauvé la mise.

Objectif : 90% de décarbonation

Engagé depuis 2018 dans un plan d'investissement de 62 millions d'euros, ce spécialiste des solutions constructives (briques, cloisons, parquets...) pour l'habitat individuel et collectif s'était fixé comme ambition de décarboner 90% de ses outils de production (fours, séchoirs...) à l'horizon 2025-27. Courant mars, le leader français de la brique en terre cuite indiquait avoir déjà décarboné 45% de ses installations à La Séguinière (49), à Mably (42), Colomiers (31), Gironde-sur-Dropt (33), et à Saint-Martin-des-Fontaines (85).

Sur ce dernier site, Bouyer Leroux initie la mise en service d'un pilote industriel de gazéificateur dédié à l'industrie céramique, avec le concours de la startup Naoden, dont il est actionnaire, et de l'Ademe. A la Séguinière, dans le choletais, le plus grand site de production de briques en France est déjà décarboné à 50% grâce au biogaz et à la biomasse. Le groupe vient encore d'investir plus de 10 millions d'euros dans un nouveau projet de foyer biomasse, utilisé comme source d'énergie pour le séchage des produits, avec l'objectif d'atteindre les 80% de décarbonation. A Malby dans la Loire ou à Dropt en Gironde, les investissements, lauréats du programme France Relance, se poursuivent avec la même ambition.

Face à "des marchés bodybuildés"

Résultat : malgré la hausse des matières premières, des carburants, l'envolée des prix des palettes et les tensions sur un marché mondial en phase de reprise d'activité, seule une partie des surcoûts de production a été répercutée sur les tarifs en février (+8,5 %) et le seront en juin prochain (+12%). Un moindre mal pour l'entreprise qui, en pleine crise sanitaire, avait jugé plus prudent de commander 60% de ses besoins en gaz. Insuffisant aujourd'hui pour faire face à la reprise économique.

« Nous et les autres, nous sommes complètement trompés. Nous nous attendions à une contraction du marché du BTP sur la construction et la rénovation. Ce qui s'est passé est complètement l'inverse. Le recours à la dette a boosté l'économie et fait émerger des marchés bodybuildés. Mais quand les prix deviennent trop élevés, les gens sursoient ou abandonnent leur projet. Le risque, c'est que l'on aille vers un point d'arrêt du marché. Face à cette hyperinflation, j'ai opté pour le mode prudentiel en renonçant à acquérir le leader de l'escalier en France. 2022 devrait encore bien se passer, mais 2023-2024 risquent d'être des années fortement perturbées », dit-il craignant pour l'hiver prochain.

« Le pays aura-t-il assez de gaz ? le gouvernement fera-t-il le choix d'offrir le gaz aux particuliers pour qu'ils se chauffent et peut-être réduire la fourniture de gaz pour certaines industries...», redoute Roland Besnard, qui multiplie les initiatives pour s'affranchir, autant que faire se peut, des énergies fossiles.

Roland Besnard

[Roland Besnard, Pdg du groupe Bouyer Leroux. Crédit photo: DR]

Être à l'affût de tous les gains possibles

Pour le professionnel , présent sur le marché du neuf et de la rénovation, l'enjeu est double. « Il s'agit à la fois d'étendre la gamme de solutions décarbonées pour rester compétitif auprès des clients du BTP et satisfaire aux exigences des normes RE2020, et, d'autre part, de poursuivre la décarbonation de nos installations de terre cuite dont les résultats déjà atteints - 45% de décarbonation - ont évité l'obligation d'achat de quotas de CO2 - pour compenser les émissions de GES -, qui se chiffrent à plusieurs millions d'euros et dont le marché fait l'objet de fortes spéculations », constate le Pdg du groupe Bouyer Leroux.

Tout en poursuivant les grands projets structurants de 5 à 10 millions d'euros planifiés, qui nécessitent la construction d'usines ou d'équipements lourds, l'entreprise a décidé d'aller encore plus loin.

« J'ai demandé aux ingénieurs d'aller chercher en profondeur tous les petits gains de 15-20 KWh à la tonne de produits », dit-il ayant recruté deux ingénieurs et une docteure en génie thermique pour étoffer l'équipe « travaux neufs » de quatre personnes.

«On se dote de ressources nouvelles. Nous ne sommes pas seulement des gens qui créons des pâtés avec de l'argile, nous sommes devenus des énergéticiens avec l'idée de décarboner notre activité industrielle », ajoute le dirigeant, repreneur de cette PMI industrielle de 75 millions d'euros en 2009, devenue la deuxième coopérative industrielle de France, spécialiste des solutions constructives (briques, cloisons, parquets...) qu'il a amenée, à force d'opérations de croissance externe, à la taille d'un groupe coopératif de 350 millions d'euros en 2020, avec l'objectif d'atteindre 450 millions d'euros en 2025.

Des risques calculés

Depuis un mois et demi, un plan d'action a été lancé pour toutes les usines, les séchoirs, les fours, les programmes informatiques de régulation, d'intervention sur les brûleurs, les wagons... Il y a deux mois de cela, de retour de Normandie, il avait stoppé sa voiture pour donner le feu vert à un partenariat de vingt-cinq ans avec la société lyonnaise New Heat pour récupérer la chaleur dégagée par les fumées des cheminées et sécher de la sciure, injectée dans les fours sur le site de Malby (42). « Une heure avant, je ne connaissais pas le projet !», affirme le dirigeant de cette société coopérative. « Ce statut nous amène à partager l'information facilement et décider très vite. En outre, nous sommes indépendants financièrement et notre endettement est maîtrisé. »

Et d'ajouter :

« La crise nous amène à être plus curieux, à prendre des risques calculés et à accélérer » sur toutes recherches engagées pour trouver des solutions alternatives : la chaleur des fumées, le biogaz, la biomasse, le bio-propane, la méthanisation, le photovoltaïque...

Effacer la facture d'électricité

Un inventaire récent a permis d'identifier 5 à 10 sites susceptibles d'accueillir des centrales photovoltaïques sur des carrières, des sites industriels et de stockage de briques, comme à Gironde-sur-Dron (33) où Bouyer Leroux projette de transformer, avec le concours d'un opérateur, les trente hectares d'une ancienne carrière de faible profondeur en l'une des plus grandes centrales photovoltaïques de France.

Sur la méthanisation, un business model a été élaboré, en vue de sa duplication, avec un Gaec d'agriculteurs qui a construit une unité de méthanisation dont le gaz est entièrement consommé par trois briqueteries du groupe. Celui-ci étudie, actuellement, avec la Communauté d'agglomération du choletais, les moyens d'utiliser la chaleur fatale des fumées de ses installations pour chauffer des logements, des entreprises, etc. Sans viser l'autonomie à 100%, et au-delà de la décarbonation à 90% visée, Bouyer Leroux estime, pourvoir, à travers ses différents métiers, effacer totalement sa facture d'électricité d'ici 5 à 7 ans.

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