Construction : "Les collectivités doivent pouvoir mieux valoriser les matériaux locaux"

INTERVIEW. Par la voix du directeur général délégué de Vicat, Didier Petetin, l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction (Unicem) interpelle les collectivités qui mettent en place du granit chinois alors que la France dispose de gisements de granit et de savoir-faire.
César Armand
Pour le directeur délégué de Vicat et porte-parole de l'Unicem, Didier Petetin, si l'on continue ainsi, ce sera dramatique : il y aura des destructions d'emplois, de savoir-faire, qui nous rendront extrêmement dépendants d'intérêts étrangers divergents des nôtres. Des fleurons entiers de notre économie nationale sont partis ou ont disparu, alors que nous savons réaliser des choses merveilleuses.
Pour le directeur délégué de Vicat et porte-parole de l'Unicem, Didier Petetin, "si l'on continue ainsi, ce sera dramatique : il y aura des destructions d'emplois, de savoir-faire, qui nous rendront extrêmement dépendants d'intérêts étrangers divergents des nôtres. Des fleurons entiers de notre économie nationale sont partis ou ont disparu, alors que nous savons réaliser des choses merveilleuses". (Crédits : DR)

LA TRIBUNE : Votre Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction (UNICEM), qui regroupe les extracteurs de minéraux, les fabricants de matériaux et les acteurs de la valorisation des matières du BTP, a proposé au gouvernement un plan de « relance résiliente » de la filière. Pourquoi ? 
DIDIER PETETIN, directeur général délégué de Vicat : 
Il est de prime abord important de relancer la machine économique tout en garantissant la sécurité sanitaire des salariés de la chaîne de valeur. Le confinement a en effet stoppé l'activité économique totalement ou partiellement. Si l'année 2020 partait sous de bons auspices, elle s'est interrompue brutalement. Nos clients se sont eux aussi arrêtés. L'activité du béton prêt à l'emploi était en première ligne, tombant à moins de 10% d'activité.
Dans les métiers des granulats, nous avons pu maintenir des outils de production tout en assurant la sécurité de nos équipes. Depuis le déconfinement, nous continuons à les accompagner. Le fil rouge c'est en effet le maintien de la relation avec les salariés en télétravail, en congés ou en arrêt.
Les sites en secteurs ruraux ont ainsi redémarré plus facilement que les métropoles régionales comme le Grand Paris ou Aix-Marseille. Nous sommes montés à 58% d'activité et même plus pour les granulats. Notre objectif collectif est d'ouvrir 80% des sites d'ici à la fin du mois de mai. Cela ne signifiera pas retrouver un niveau de 80% de ventes, mais permettra d'accompagner la reprise sur le plan économique.

Vous plaidez pour la réalisation d'infrastructures et d'aménagements collectifs « nécessaires à un développement de l'économie compatible avec le respect de l'environnement et la santé des concitoyens ». La transition écologique n'était-elle pas déjà au cœur de vos préoccupations ?
Nos industries ont toujours mis l'accent sur la préservation de l'environnement. Le Covid-19 est une épée de Damoclès, un avertissement supplémentaire en parallèle de la crise climatique. C'est pourquoi il faut relancer l'entretien et les investissements dans les ouvrages existants.
Nous allons également apprendre de cette crise comment mieux construire des habitats neufs. Le confinement amènera des retours d'expérience qui vont inspirer l'architecture, les logements et les modes constructifs.
A cet égard, la crise sanitaire est une « opportunité » pour notre profession. Notre ancrage territorial est majeur pour répondre immédiatement à la demande. Les savoir-faire sont locaux et ne nécessitent ni importations ni délais liés à d'autres pays. La production en France est essentielle pour permettre de répondre aux enjeux sociaux.

D'autant que vos emplois sont locaux et non-délocalisables, limitant les déplacements de population... 
Nos industries sont effectivement basée sur des circuits courts avec des empreintes carbones limitées. Nous souhaitons aller plus loin et réduire encore plus les émissions de CO2. Pour cela, nous innovons dans la mobilité grâce aux véhicules GNV et les motorisations hydrogène à moyen terme.
Nous voulons par ailleurs accélérer le développement de l'économie circulaire. Aujourd'hui, 80% des déchets inertes qui peuvent être retraités sont recyclés ou valorisés, mais nous souhaitons aller plus loin et poursuivre cette trajectoire pour atteindre 95% d'ici 3 ans. Grâce à nos sites implantés au cœur de territoires et grâce à ce maillage territorial dense, nous devons continuer de permettre aux matériaux de faire le moins de kilomètres possibles et de les valoriser au plus près de leurs sources d'emploi.

Lire aussi : Déchets du BTP : Hesus lève 10 millions d'euros

La révolution verte passera-t-elle aussi par une refonte de la fiscalité environnementale que vous appelez de vos vœux, ou la commande publique suffira-t-elle ?
Il faut certes inventer de nouvelles dispositions administratives, les éco-organismes sont évoqués, mais ce n'est pas la seule solution car il nous faut rester efficaces, pragmatiques, réactifs et proches des préoccupations des élus locaux, sans détruire le travail de valorisation et de recyclage réalisé par l'UNICEM depuis plus de 30 ans.
La révolution verte devra être montrée par l'investissement public via la commande publique. Les collectivités doivent pouvoir mieux valoriser, dans leurs achats, les matériaux locaux sans enfreindre les règles de la concurrence.

Comment serait-ce possible ?
Des initiatives existent déjà, comme l'appellation « Origine France Garantie » qui vise le mieux disant. Je pense aussi à des critères qui ne soient pas que financiers mais de synergies entre les différentes parties prenantes. La pierre ornementale par exemple est un fleuron de l'industrie minérale. Quid des collectivités qui mettent en place du granit chinois alors que la France dispose de gisements de granit et de savoir-faire ?
Si l'on continue ainsi, ce sera dramatique : il y aura des destructions d'emplois, de savoir-faire, qui nous rendront extrêmement dépendants d'intérêts étrangers divergents des nôtres. Des fleurons entiers de notre économie nationale sont partis ou ont disparu, alors que nous savons réaliser des choses merveilleuses.

Le programme « Territoires d'industrie » serait-il insuffisant ?
La relance nécessite d'aller au-delà des investissements prévus initialement dans la démarche « Territoires d'Industrie ». Il faut veiller à conserver nos industries présentes dans le pays mais également à relocaliser des chaînes de valeurs aujourd'hui mondialisées, en assurant leur compétitivité. Si nous raisonnons strictement en ratios financiers, rien ne se fera, la démarche doit donc être soutenue et accompagnée par des subventions publiques.

César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 19/05/2020 à 9:08
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Le commerce international est subventionné par l'argent public, quand on en est à ce stade d'aliénation difficile de prendre de bonnes décisions. S'ils pouvaient nous faire prendre l'avion pour allez chez le coiffeur bangladais et revenir pour 15...

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