Construire sa maison autonome au prix d’un changement de vie

De plus en plus de personnes se mettent en quête d’une maison autonome. Pour diverses raisons. Seulement, vivre dans un tel lieu demande un changement de mentalité profond. (Cet article est issu de T La Revue n°13 - "Energies, la France qui innove" actuellement en kiosque).
(Crédits : Rémi Benoit pour La Tribune)

En plein cœur de Muret (Haute-Garonne), un chantier au fond d'un jardin attire l'attention. Une maison est en construction, et si, à première vue, elle ne présente aucune singularité, elle n'a pourtant rien à voir avec ses voisines. Il s'agit d'une maison écologique, pour ne pas dire « autonome ». « C'est une maison qui sera quasiment autonome puisqu'elle consommera très peu d'énergie. Elle a été construite à partir d'une ossature en bois, agrémentée de bottes de paille, recouvertes par un enduit de terre et de chaux à partir de la terre du jardin. La paille est l'un des matériaux les plus isolants et elle permet de réguler naturellement l'humidité à l'intérieur de la maison. Elle augmente aussi l'inertie de l'habitation, ce qui est important pour le confort en été. Cette maison n'aura pas besoin de climatisation dans les 30 prochaines années », raconte Raphaël Auria, le cofondateur et codirigeant de la SCOP toulousaine Houself chargée de mener à bien ce chantier et spécialisée dans ce type de projets. Cette maison de 160 m2 sera également équipée d'un poêle à bûches, de panneaux photovoltaïques, de solaire thermique et de récupérateurs d'eau. Autre aspect, cette maison écologique a été habillée au sol d'une dalle de chaux-chanvre, « ce qui permet de mieux capter la chaleur l'hiver notamment », commente l'entrepreneur qui veut agir sur l'environnement par le biais du bâtiment. Les menuiseries ont, toutes sans exception, étaient installées sur la façade sud de la future habitation afin de capter le plus possible de chaleur naturelle et éviter les déperditions de chaleur sur des façades où le soleil sera peu présent. À plus de 2 500 euros au mètre carré TTC, « c'est avant tout un projet de raison et de conviction écologique. Je ne suis pas sûr de m'y retrouver financièrement à long terme, et ce n'est pas la finalité économique qui a motivé ce projet », confie Guillaume Henneguez, le futur propriétaire de cette maison qu'il espère occuper pour l'été prochain. « Il y a eu des petits écueils techniques sur le chantier, ce qui n'est pas une surprise pour ce type de projet. Par exemple, il y a beaucoup d'artisans qui sont frileux à utiliser ces nouveaux matériaux, donc trouver certains professionnels prend parfois du temps », raconte-t-il. Pour lui et sa famille, ce chantier est le fruit d'une très longue réflexion. Ce type de constructions a tout de même convaincu son entourage, puisque l'un de ses amis proches a également construit sa maison à partir de bottes de paille. Petite anecdote : Guillaume Henneguez est pilote d'avion de profession. Son choix pour sa vie personnelle est donc aux antipodes de l'image de « pollueur » que peut refléter le milieu de l'aviation. « Je suis leur caution écologique », dit-il avec humour, avant d'ajouter : « Quand je parle de ma future maison autour de moi, cela ne manque pas de faire réagir et pourtant c'est un sujet important. »

Réguler sa consommation

Un sujet important qui prend de l'ampleur depuis le courant des années 2010 et encore plus depuis le début de la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine. « Le premier boom de l'éco-construction est arrivé à la suite du premier choc pétrolier en 1973, puis les autres pics énergétiques ont entretenu cette tendance. Là, il y a une reprise depuis 2010 et dans le même temps les filières des matériaux biosourcés se sont structurées, ce qui facilite les choses », commente Raphaël Auria. L'exemple de ce chantier à Muret reflète une dynamique indéniable, observée en France et ailleurs, et ce n'est pas un cas isolé. La grande majorité des « autonomistes », comme ils sont appelés, sont des personnes qui ont opté pour un radical changement de vie en consommant uniquement l'énergie qu'ils ont eux-mêmes produite et qui, pour la plupart, ont décidé de construire eux-mêmes leur maison autonome. « Jusqu'en 2016, je vivais en région parisienne et je travaillais à La Défense. Je me suis rendu compte que je consommais une énergie folle chez moi et je me suis dit que dès à présent je souhaitais contrôler ma consommation », raconte Brian Ejarque. Dans une petite localité du Tarn, il déniche alors une maison des années 1980 au milieu d'une forêt, déconnectée de tous les réseaux, qu'il achète pour 28 000 euros. Son ambition ? La rendre progressivement autonome. Cinq ans plus tard, il a investi 12 000 euros pour y parvenir. « Aujourd'hui, je suis totalement dépendant de ce que je collecte et je pense avoir rentabilisé mon investissement. Pour l'énergie solaire, j'ai acheté un équipement, à 4 300 euros, que j'ai installé moi-même. J'ai six panneaux et je vais en rajouter quatre. J'ai aussi deux onduleurs. Je viens de faire l'isolation des murs par l'extérieur en y ajoutant du chaux-chanvre afin de chauffer moins qu'habituellement avec ma cuisinière à bois, qui permet de chauffer l'eau et qui est équipée d'un four. J'ai aussi un système de récupération d'eau et c'est pour cela que j'ai agrandi mes toits afin de stocker davantage d'eau dans mes cuves de 3 et 10 m3 », raconte l'ancien citadin. Ce dernier s'est aussi équipé d'un système de batterie pour stocker son surplus énergétique qu'il a constaté sur six à huit mois de l'année. Il s'est même permis d'acquérir une voiture électrique. À l'extérieur, un poulailler et 150 arbres fruitiers décorent ses jardins. « Aujourd'hui, je ne m'inquiète plus des fins de mois. Avec 400 euros par mois, j'arrive à vivre sans problème. Auparavant, je gagnais 1 500 euros net. Ce changement de vie est avant tout une prise de conscience et être autonomiste consiste à se contenter uniquement de ce que nous avons et de ce que l'environnement nous donne », raconte l'autonomiste. Mais tout n'a pas été simple pour Brian qui évoque même « un parcours du combattant ». « Je ne savais rien faire. J'ai donc appris en allant voir les autres (autonomistes) », ajoute-t-il.

L'entraide et l'accompagnement

Ce constat l'a alors amené à une démarche qu'il n'avait pas du tout prévue initialement : créer une chaîne YouTube pour raconter comment rendre sa maison autonome quand on est un débutant, mais aussi pour faire découvrir d'autres membres du mouvement des autonomistes. Nommée « L'ArchiPelle », elle comptabilise aujourd'hui plus de 254 000 abonnés et rien que sur le mois de septembre 2022 son auteur a recensé un million de vues. Certaines de ses vidéos frôlent même les 3 millions de visionnage unique. « Grâce à ces vidéos, je gagne bien ma vie et je ne cherche pas à gagner plus. Je ne m'attendais pas à un tel succès [...]. Mais aujourd'hui, c'est tellement difficile de tout faire seul ou de maîtriser toutes les techniques de constructeur. L'aide des autres est importante et cela caractérise le mouvement des autonomistes », raconte fièrement Brian, avec le sentiment de contribuer grandement à cette entraide. « Nous faisons aussi du soutien et de l'accompagnement à l'auto-construction et nous avons beaucoup de demandes. Mais on ne s'engage que dans des projets à forte résonnance environnementale », ajoute Raphaël Auria, de la société coopérative Houself, confirmant cette attractivité autour de la maison autonome. D'autres professionnels ont fait le choix de se consacrer uniquement à ce soutien à la conception et la construction comme le bureau d'études toulousain J'autonomise, fondé il y a seulement quelques mois. « Au-delà du fait que la disponibilité de l'énergie se tend, la montée du marché de la maison autonome est aussi liée à des personnes qui ont voulu agir en post-covid. Aujourd'hui, nous les estimons à 200 000 personnes en France et cela augmente. La demande est vraiment démentielle. J'ai trois mois d'attente avant de pouvoir consulter un dossier », témoigne Benjamin Vialan, le créateur de ce bureau d'études. Avec J'autonomise, l'entrepreneur promet de concevoir des maisons autonomes en eau, électricité et chauffage. Pour ce faire, il accompagne ses clients dans la conception même du logement et surtout dans le choix des matériaux et des systèmes d'autonomie associés. « Cela demande du temps de penser sa maison autonome et de la concevoir. Tout d'abord, toutes les bâtisses et toutes les maisons n'ont pas vocation à devenir autonomes. Il faut en premier lieu du terrain, au moins 2 000 m2. Il faut aussi que la maison soit bien orientée, sinon cela peut complexifier l'équation, bien que cela ne soit pas impossible. Ensuite, tous les matériaux ne sont pas adaptés à toutes les maisons et à tous les usages. C'est pour cela que je refuse d'accompagner les programmes de promotion immobilière, avec des systèmes universels. Chaque maison autonome doit être adaptée au mode de consommation de ses occupants. Dans une maison autonome, un tiers du travail c'est notre consommation une fois à l'intérieur, un tiers la production et un dernier tiers la mise en œuvre des diverses solutions. Une maison autonome demande à réguler sa consommation, notamment en fonction de la météo », poursuit celui qui a commencé sa carrière comme acousticien. Selon lui, il faut aussi avoir conscience qu'une maison réellement autonome est bien plus onéreuse à construire qu'une maison classique. Par conséquent, cette ambition se transforme parfois en un projet de toute une vie. « C'est un projet de vie à contre-courant de ce qui se fait actuellement avec des logements pensés pour durer 20 ou 30 ans. Une maison autonome demande de l'argent et du temps quand vous voulez la construire vous-même », tient à souligner Benjamin Vialan. Afin de ne pas limiter l'imagination de ses clients, l'entrepreneur ne demande pas leur budget quand il traite un dossier afin de faire le choix des bonnes technologies en fonction de leur mode de vie et non pas pour des raisons économiques. Il étudie ensuite ce qu'il est possible de faire avec l'enveloppe déterminée. « La maison autonome est un chemin long et compliqué et quand vous manquez de moyens, il est parfois plus raisonnable d'attendre », ajoute l'ingénieur. Si la maison autonome en énergie est certainement le rêve de nombreux Français face à la flambée des factures, elle demande donc des compromis et une nouvelle manière de consommer.

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Commentaires 9
à écrit le 27/03/2023 à 8:33
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Seules les maisons en fuste sont ultra résistantes... Le reste en ossature bois actuelles, je ne vous raconte même pas le dégagement de formaldéhydes. A la rigueur des murs à l'ancienne comme en Normandie avec un torchi modernisé. Et la paille de riz...

le 04/04/2023 à 18:22
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Entièrement d'accord avec vous. Le problème en France dans le bâtiment (vraiment) écologique ? L'assurabilité. Les artisans ne sont plus assurés dès lors qu'ils utilisent des techniques dites "courantes" avec des produits qui répondent aux normes et ...

à écrit le 26/03/2023 à 18:10
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Visiblement, cela n'empêche pas de faire du "tape à l'œil".. un plus serait qu'il n'y ait pas de fondation pour éviter l'artificialisation des sols ! ;-)

le 04/04/2023 à 18:14
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Nous sommes d'accord, rien de mieux que la rénovation. Mais à choisir pour construire, du bois et de la paille c'est toujours mieux que du béton et du polystyrène non ?. Votre réflexion sur l'artificialisation des sols est très juste mais à contrebal...

le 04/04/2023 à 18:22
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Nous sommes d'accord, rien de mieux que la rénovation. Mais à choisir pour construire, du bois et de la paille c'est toujours mieux que du béton et du polystyrène non ?. Votre réflexion sur l'artificialisation des sols est très juste mais à contrebal...

le 04/04/2023 à 18:22
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Nous sommes d'accord, rien de mieux que la rénovation. Mais à choisir pour construire, du bois et de la paille c'est toujours mieux que du béton et du polystyrène non ?. Votre réflexion sur l'artificialisation des sols est très juste mais à contrebal...

à écrit le 26/03/2023 à 14:59
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Le problème qui est posé aux français (et aux autres?) est d'abord un problème collectif : comment organiser une filière Bâtiment fiable et efficace, qui soit capable de construire des logements sobres en énergie et accessibles aux gens, là où ils so...

le 27/03/2023 à 0:27
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Vous avez mis le doigt sur le problème, qui se vérifie aussi à plus grande échelle sur les coûteuses annonces de massification de la rénovation, alors que le savoir-faire n'est pas disponible à l'échelle.

à écrit le 26/03/2023 à 13:47
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Le défaut de ces maisons est le même que celui des maisons américaines. En cas de conditions climatiques difficiles la structure porteuse ne résiste pas et c'est un danger pour les occupants.

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