Crise du logement : Real Estech (Rivaton-Pavanello) veut subventionner... et taxer les maires

L'économiste Robin Rivaton et l'entrepreneur Vincent Pavanello, co-fondateurs de l'association Real Estech qui fédère les petits et grands acteurs de l'immobilier, viennent de publier une note « Faire confiance aux maires ». En cela, ils veulent nourrir les conclusions du Conseil national de la refondation (CNR), dédié au logement, prévues pour fin mars-début avril.
César Armand
(Crédits : Regis Duvignau)

Dès février 2022, en pleine campagne présidentielle, il avait tiré la sonnette d'alarme. Dans un rapport intitulé « Le logement, bombe sociale à venir », l'économiste libéral Robin Rivaton interpellait les candidats à la fonction suprême sur la baisse de la production neuve et les réglementations énergétiques liées à l'existant.

« Il y a la crainte généralisée d'une bombe sociale même si la mèche qui l'allumera n'est pas encore là », écrivait-il.

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Un an plus tard, le président de l'association Real Estech, qui fédère les petits et les grands acteurs de l'immobilier, et son co-fondateur Vincent Pavanello, publient, ce 28 février 2023, une contribution baptisée « Faire confiance aux maires » dans le cadre du Conseil national de la refondation dédié au logement. Ce CNR Logement, co-animé par Véronique Bédague, Pdg de Nexity, et Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, doit rendre ses conclusions fin mars-début avril.

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Dans l'intervalle, Robin Rivaton et son co-auteur veulent en finir avec la célèbre question « combien faut-il construire ? » : quand les promoteurs et les responsables politiques plaident pour l'érection de 500.000 logements neufs chaque année, la cheffe économiste de Bercy avance, elle, un besoin proche de 200.000.

« Personne ne construit pour le plaisir de construire. On construit pour augmenter le parc de logements disponibles », affirme les deux auteurs.

Logement : pas de « réservoir miracle » en France

En France, il y a 37,2 millions de logements, mais il n'existe pas « de réservoir miracle », assènent encore les deux rédacteurs de la note.

Le 1,3 million de logements vacants ? Ils sont, d'abord et avant tout, « la preuve d'une inadéquation entre l'offre et la demande ».

Les passoires thermiques interdites à la location en 2023, 2025, 2028 et 2034 ? « Même dans l'hypothèse où seule la moitié des propriétaires se conformeraient à l'interdiction, les sorties annuelles de logements du parc devraient dépasser 50.000 par an », rappellent-ils.

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Récompenser les maires qui augmentent l'offre de logements disponibles

D'autant que les besoins de logement diffèrent selon les territoires. La population de l'Île-de-France s'accroît, encore et toujours, de près de 50.000 personnes par an. Tant est si bien que, sur les 12 millions de Franciliens, 2,7 millions habitent un logement en situation de sur-occupation.

« En conséquence, le stock de logements est de 5,9 millions là où il en faudrait 7 millions d'ici à 2030 », écrivent Robin Rivaton et Vincent Pavanello.

Sauf qu'augmenter le stock de logements implique des coûts supplémentaires liés à la fourniture de services publics. A cela s'ajoute « la crainte [par la population existante] d'une dégradation des services publics locaux par l'afflux de populations nouvelles ».

De là, ils tirent leur première idée forte et « urgente » : récompenser les maires qui augmentent, « en quantité et en qualité » l'offre de logements disponibles.

A la différence de l'aide aux maires densificateurs de France Relance qui prévoyait une enveloppe de 350 millions d'euros pour verser 100 euros par mètre carré de surface nouvelle jusqu'à fin 2022, les deux complices proposent de débloquer 480 millions par an pendant trois ans et demi.

Objectif : faire sortir de terre au total 24.000 logements supplémentaires par semestre avec des objectifs plafonnés dans chacune des 22 métropoles. Le coût en serait « nul » pour les finances publiques, les recettes de TVA rapportant près de 1,6 milliard d'euros par an.

Chacune des mairies, composant ces métropoles, pourrait « en théorie, prétendre à la totalité » de la somme allouée à sa métropole mais, en pratique, cela va mettre les édiles « en situation de concurrence » en créant « un sentiment urgence », estiment Robin Rivaton et Vincent Pavanello.

Concrètement, il s'agirait d'aider les « communes qui grandissent » à hauteur de 10.000 euros par logement collectif supplémentaire. Ce dernier serait défini en comparaison avec la moyenne des autorisations d'urbanisme des quatre dernières années - des données publiques.

Au cas où leur idée serait reprise en conclusion du « CNR Logement », les deux acolytes ont déjà pensé au calendrier.

Avril 2023 serait le mois de la définition du seuil de chaque commune et de l'objectif de chaque métropole en fonction de critères démographiques. Mai 2023 rimerait, lui, avec la communication auprès des élus et de la population avec un site web rendant les objectifs transparents.

« Cela donnera potentiellement des arguments aux futures oppositions municipales qui argumenteront que le refus de construire au maire actuel a privé la commune de tant de subventions empêchant la rénovation de tel équipement », insistent les deux co-fondateurs de Real Estech.

L'exemple de Bagnolet

En janvier 2024, il sera déjà l'heure de faire le bilan du deuxième semestre 2023 et de le comparer avec la moyenne des quatrièmes et deuxièmes semestres précédents. Cela permettra en outre de mettre en lumière les communes les plus dynamiques. « Idéalement », il faudrait des témoignages vidéo de maires expliquant comment ils comptent bénéficier de l'aide.

En février 2024, 80% de la première aide serait alors versée, avec un séquestre de 20% libéral « en cas d'achèvement du programme ».

Par exemple, à Bagnolet, se trouvent 13.828 appartements, un nombre en hausse de 7% sur 5 ans. Rapporté par semestre, cela fait en fait 86. Le seuil est donc de 87 logements supplémentaires par semestre pour bénéficier de l'aide aux maires bâtisseurs.

« Très concrètement, si [cette ville] parvient à atteindre 150 logements autorisés [+64 au-dessus du seuil] lors du deuxième trimestre 2023, dès février 2024, elle touchera 532.000 euros de subventions [et] 108.000 à l'achèvement du programme [soit 64x10.000=640.000 euros, à 80% puis à 20%, Ndlr]. Une somme non négligeable à mettre au regard d'un budget de fonctionnement de 90 millions d'euros et d'investissement de 36 millions », écrivent Rivaton et Pavanello.

Taxer les propriétaires de bureaux vacants...

Ce n'est pas tout : les compères proposent de taxer les bureaux vacants ou sous-utilisés, dont l'intégralité des recettes irait aux communes.

« La transformation de bureaux en logements est à la peine [et] le principal frein est le désalignement d'intérêt », relèvent-ils.

Entre 2013 et 2020, en moyenne, 350.000 m² de bureaux ont été transformés chaque année en 5.300 logements - soit 1,2% de l'ensemble de la production.

Depuis la crise sanitaire, le stock d'immeubles de bureaux en déshérence augmente encore. Certes il existe des freins techniques, mais le « principal frein » demeure le « non-alignement de l'intérêt des communes ». Ces dernières préfèrent conserver des bureaux vides - car toujours assujettis à la taxe sur les bureaux - que d'accueillir des nouveaux habitants, synonyme d'investissements dans des équipements publics.

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Dans ces conditions, une taxe sur les bureaux vacants serait due dès qu'un immeuble ne génère pas plus de 10% de loyer moyen de la zone par m² multiplié par la surface de plancher (sauf là où elle existe déjà, à savoir en Ile-de-France et dans les départements des Alpes-Maritimes, des Bouches-du-Rhône et du Var). Les deux premières années, cette taxe serait acquittée par le propriétaire de bureaux au profit de la mairie.

... avant de se retourner vers le maire

En revanche, dès la troisième année, le maire serait taxé. Sa dotation globale de fonctionnement - versée par l'Etat - serait en effet amputée de la moitié du montant perçu au titre de la taxe.

Mais si l'édile acceptait une opération de reconstruction, de rénovation ou de réhabilitation, en délivrant un permis de construire en année 1, 2 ou 3, il pourrait bénéficier d'une contribution exceptionnelle financée par ladite taxe.

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César Armand

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Commentaires 2
à écrit le 28/02/2023 à 11:26
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les francais font moins d enfant que le renouvellement. on aura donc besoin a terme de moins de logement. est il donc une bonne idee de poursser a construire et en entasser les gens dans les metropoles ? ne vaut il pas mieux depenser cet argent pour ...

à écrit le 28/02/2023 à 10:56
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Lorsque Emmanuelle Wargon, alors ministre du Logement, prononce ces mots en octobre 2021 : « Le modèle du pavillon avec jardin n’est pas soutenable et nous mène à une impasse. (…) C’est un non-sens écologique », elle ne pensait certainement pas, un a...

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