Immobilier : la crise du logement sur les littoraux, une bombe sociale à retardement

Sur les littoraux, les populations locales n'arrivent plus à se loger. Face à ce problème économique et social, le gouvernement vient de lancer un groupe de travail sur l'attrition des habitats permanents en zone touristique. Sauf que ni l'Assemblée ni le Sénat ne l'ont attendu pour avancer des pistes. Les maires, eux, actionnent les leviers à leur disposition. Décryptage.
César Armand
Un manifestant à Bayonne pour le droit au logement et contre la spéculation immobilière à Bayonne le 20 novembre 2021.
Un manifestant à Bayonne pour le droit au logement et contre la spéculation immobilière à Bayonne le 20 novembre 2021. (Crédits : Reuters)

C'est un fléau qui touche n'importe quel littoral français. De la façade Atlantique à la Côte d'Azur, en passant par l'Occitanie et la Normandie, les populations locales n'arrivent plus à se loger. Le phénomène n'est pas nouveau, mais s'est aggravé avec l'explosion des prix de l'immobilier, à l'achat ou à la location, du fait de la Covid-19 qui a accéléré l'exode urbain et/ou le travail à distance.

Aussi, à peine les élections législatives passées et l'Assemblée nationale renouvelée, le sujet s'est retrouvé à l'agenda politique et parlementaire. Dès le 27 juillet, le député (PS) de la 4ème circonscription des Pyrénées-Atlantiques a interpellé le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.

« Il s'agit d'une véritable fracture sociale qui touche en premier lieu les jeunes les plus précaires et les classes moyennes. Il est urgent que l'Assemblée se mobilise pour apporter des réponses législatives à ce problème, qui concerne bon nombre de circonscriptions, et pour donner de véritables leviers aux collectivités », a martelé Iñaki Echaniz.

Un principe de compensation au Pays Basque

Prenant l'exemple de la communauté d'agglomération du Pays Basque qui a voté le 9 juillet un principe de compensation contraignant les propriétaires à louer un bien sur Airbnb à proposer un logement équivalent toute l'année, le parlementaire a demandé à Bruno Le Maire ses positions sur une évolution de la fiscalité s'appliquant aux meublés de tourisme, un déplafonnement de la surtaxe d'habitation sur les résidences secondaires et l'encadrement des loyers.

Sauf que ce n'est pas le locataire de Bercy qui a répondu, mais son collègue chargé de la Ville et du Logement. Donnant raison au parlementaire, Olivier Klein affirme alors qu'« il n'est pas possible que, dans certaines zones, des spéculateurs achètent des logements en profitant d'outils spéculatifs, sans les mettre en location de longue durée » et promet d'y « travailler d'arrache-pied dans les prochains mois ».

« Je n'oublie pas la question du littoral, mais nous travaillerons à l'ensemble de ces chantiers dans les mois qui viennent », dit encore le membre du gouvernement Borne, nommé quelques semaines plus tôt.

Un groupe de travail lancé par trois ministres

Six mois plus tard, l'exécutif commence à prendre la mesure du problème. Pas plus tard que le 16 novembre dernier à 17h, trois ministres d'Emmanuel Macron, dont Olivier Klein, ont lancé un groupe de travail « sur l'attrition des logements permanents en zone touristique », considérant que ce thème « n'a pas été suffisamment pris en compte ».

« Le logement touristique est un outil de développement économique, mais dans certaines communes, il peut y avoir peu de logements permanents. Il ne s'agit pas de taper sur l'un ou sur l'autre, mais de trouver des solutions équilibrées qui permettent de faciliter l'accessibilité des habitants à des logements permanents à prix abordables », explique à La Tribune une porte-parole du cabinet de la ministre déléguée aux Petites et moyennes entreprises, au Commerce, à l'Artisanat et au Tourisme.

Olivia Grégoire, Olivier Klein (Ville et Logement) et Dominique Faure (Ruralité) viennent donc de confier une mission en ce sens à l'Inspection générale de l'administration (IGA), à l'Inspection générale des Finances (IGF) et à l'Inspection générale du Développement durable (IGEDD) pour un rendu au premier semestre 2023.

Une mission d'information de l'Assemblée nationale

Sans attendre cette échéance, les parlementaires de la majorité présidentielle se sont déjà emparés de ce thème. La commission des affaires économiques, présidée par le député (Renaissance) de la 1ère circonscription d'Eure-et-Loir Guillaume Kasbarian, vient de lancer une mission d'information sur les moyens de faire baisser les prix du logement en zones tendues, c'est-à-dire où l'offre d'habitats est inférieure à la demande.

« Je vais faire un constat de ce qui a été mené dans certaines villes tout en faisant attention aux fausses bonnes idées comme augmenter la taxe foncière [uniquement payée par les propriétaires, Ndlr] », confie Annaig Le Meur, députée Renaissance de la 1ère circonscription du Finistère, qui a commencé ses auditions la semaine du 7 novembre.

Son collègue Renaissance de la 3ème circonscription de Vendée, Stéphane Buchou avait, lui, alerté, dès le 13 octobre en commission de l'aménagement et du développement durable, la ministre des Collectivités territoriales, Caroline Cayeux, sur les « difficultés criantes » des locaux à se loger sur le littoral.

« Le taux de résidences secondaires parfois supérieur à 65 % - 71 % dans l'île de Noirmoutier - freine l'installation d'une population jeune et active », a souligné l'élu.

L'exemple des Sables-d'Olonne

Hasard du calendrier, son prédécesseur à l'Assemblée nationale, Yannick Moreau, a été élu le même jour président de l'Association nationale des élus du littoral (ANEL). Maire (LR) des Sables-d'Olonne, il recense 45.000 habitants l'hiver et... 200 à 250.000 l'été, avec 60% de résidences principales - une grande majorité de propriétaires - et 40% de résidences secondaires. Aussi est-il parti en guerre contre « l'hyperprofitabilité d'Airbnb » et la location de courte durée « qui exclut les jeunes familles et la population locale ».

A l'échelle de la communauté d'agglomération (55.000 résidents), l'édile subventionne les propriétaires qui acceptent de retirer leur logement du marché de la location touristique. Si ces derniers s'engagent à louer leur bien pendant trois ans, ils peuvent percevoir jusqu'à 10.000 euros, et même 7.200 supplémentaires s'ils font des travaux de rénovation énergétique. Soit 17.200 euros chaque année !

Contre toute attente, le dispositif peine encore à prendre. Seules 120 sur 16.000 résidences secondaires sont concernées à date, mais Yannick Moreau ne désespère pas : « Nous venons de le lancer. Notre objectif est d'atteindre les 2.000 locations avec ce régime ». Le maire des Sables-d'Olonne a également défini un plafond de résidences secondaires de 75% dans le Quartier du passage, partant du principe qu'il y a trente ans, 75% de ces habitats le long de la grande plage étaient des résidences... principales.

Un sujet au Sénat

Outre les députés et les maires, le sujet interpelle les parlementaires de la Chambre haute. La loi de finances de 2020 prévoit en effet que dès 2023, les maires devront augmenter, dans les mêmes proportions, le taux de la taxe foncière - que paie les propriétaires - et celui de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires. Sauf que selon le sénateur (PS) de Seine-Maritime, Didier Marie, il vaut mieux découpler les deux taxes.

« Sur les communes littorales, des personnes modestes, propriétaires de leur logement, risquent d'être pénalisées. Si la taxe foncière augmente, cela pèsera très lourd dans leur budget. Quant à la hausse de la taxe sur les résidences secondaires, elle témoigne certes de la prise de conscience du problème, mais elle n'apporte qu'une volonté partielle d'y répondre », estime le parlementaire.

Une proposition qui s'invitera à coup sûr dans les prochains jours au Sénat où le budget 2023 vient d'arriver en première lecture. Dans la version du projet de loi de finances adopté par l'Assemblée le 4 novembre après 49-3 et rejet des motions de censure, il se trouve d'ailleurs que le gouvernement a retenu un amendement ciblant les propriétaires de résidences secondaires.

Une surtaxe dans le budget 2023

Jusqu'à présent, 1.136 communes pouvaient majorer jusqu'à 60% la taxe d'habitation de ces logements. Avec la loi de finances 2023, toutes les agglomérations de plus de 50.000 habitants en zone tendue, c'est-à-dire là où l'offre d'habitats est inférieure à la demande, pourront appliquer cette surtaxe si elles le souhaitent. Autrement dit, 4.000 communes supplémentaires dont la liste paraîtra par décret au Journal officiel.

D'ici là, le député Renaissance de la 2ème circonscription des Landes, rapporteur du volet "Se loger" dans la loi "Climat & Résilience, considère que les maires ont déjà des cartes en main, comme les plans locaux d'urbanisme (PLU). Édile (PS) de Saint-Martin-de-Seignanx de 2014 à 2017, Lionel Causse y a doublé le nombre de logements sociaux (de 200 à 400) et mis des terrains à disponibilité des promoteurs immobiliers pour construire.

Députés, maires, ministres, sénateurs... Chacun y va de sa piste pour réguler la crise du logement sur les littoraux. Reste qu'aucun territoire n'est impacté de la même manière et que ni les acteurs économiques ni les propriétaires, majoritaires en France, n'ont le même regard sur la question. Sauf que seul le pouvoir politique a la ou les clés...

César Armand

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Commentaires 27
à écrit le 29/11/2022 à 19:57
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Oui le souci est que le gouvernement l etat propose des choses nationales, en région les acteurs du gouververnement, de l etat liciecient des salariés pour des jalousies des motifs lesbiens lgbt des quand dira t on, des rumeurs .... donc cet article...

à écrit le 21/11/2022 à 16:35
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La Spécul est l'un des problèmes, que les municipalités conservent certains terrains au lieu de les vendre aux promoteurs. Dans ce cas ils pourront agir sur le prix de revente..

à écrit le 21/11/2022 à 9:29
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il faut pas oublier que si certains on du mal a se loger (les jeunes) d autres en mettent plein les poches en vendant/louant cher (les vieux). Je suis pas sur que l interet des maires soit de favoriser les jeunes : deja ils ne votent pas ou quand ils...

à écrit le 21/11/2022 à 8:12
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Même en montagne c’est comme ça, il y a même des stations qui ont fermées car il n’y avait plus assez de saisonniers et de locaux pour faire tourné les stations. Il faut avoir la main beaucoup plus dure sur la taxation des maisons secondaires vides l...

à écrit le 20/11/2022 à 23:59
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On ne voit pas bien le problème... ça fait des générations que les (certains) corses se sont emparés du problème des résidences secondaires ! Quant aux "primo accédants locaux", ils ne veulent pas habiter à quelques km de leur lieu de travail; lequel...

le 21/11/2022 à 11:07
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a mon avis c est pas juste quelques km mais des dizaines. et contrairement a paris, il n y a pas de metro. il faut donc prendre sa voiture et payer l essence. on est quand meme dans un systeme fou: il est plus rentable d avoir une maison utilisée 2 ...

le 22/11/2022 à 13:12
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Votre avis "des dizaines de ,km"; renseignez vous mieux, et vous verrez qu'au delà de 15/20mn de route, pour les locaux, c'est "invivable". Qualificatif qui ferait sourire les parisiens; lesquels "ont le métro"... à condition d'arriver à la station !...

à écrit le 20/11/2022 à 10:21
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Hé oui c'est un peu plus cher car touristique, sinon Monaco ou Megève c'est bien pire.

à écrit le 19/11/2022 à 10:54
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Toujours locataire à 57 ans, je continue à faire des sacrifices en travaillant dur pour continuer à payer une résidence secondaire sur le littoral où dés la retraite j'habiterai en résidence principale. Aujourd'hui, le problème c'est l'explosion démo...

le 19/11/2022 à 13:02
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Dans votre cas vous n'avez que payer une taxe d'habitation plus élevé pour quelques années et donc c'est pas si grave j'espere pour vous. Ceux qui voudront faire comme vous à l'avenir devront simplement investir leur epargne différement (en assuranc...

le 19/11/2022 à 18:46
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La résidence secondaire est une spécificité bien française - le pays qui en a le plus en Europe - et une hérésie économique ainsi que la création de ghetto pour nantis maires vous n avez qu ´à multiplier par 10 les taxes foncières pour ce type de...

à écrit le 19/11/2022 à 10:23
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Les autochtones ne voient aucun problème a vendre leur terrain ou maison a des prix prohibitifs a des étrangers du lieu, générant une explosion des prix de l'immobilier local, mais l'opprobre tombe sur ces proprios de résidence secondaires qui amènen...

à écrit le 19/11/2022 à 10:06
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A force de vouloir limiter le foncier (ZAN et autre), son prix augmente... et ils découvrent cela ? C'est un choix de société: renchérir le foncier (au nom de l'écologie)... Que les politiques assument ! Et qu'ils ne viennent pas râler si les gilet...

le 21/11/2022 à 15:22
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l explosion des prix c est surtout liee a la copine de Tapie qui a mit les taux au plancher. les prix ont flambés dans toutes l europe et pas qu en france. Evidement on France on a voulu l immobilier cher car ca permettait d enrichir (fictivement cer...

à écrit le 19/11/2022 à 9:16
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He oui, l'argent gratuit sans aucune conséquence qui permet de faire de la dépense publique gratuite n'a aucune conséquence, comme on l'a appris dans nos cours d'économie

le 19/11/2022 à 10:49
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On apprend aussi qu'il ne faut pas venir "chouiner" quand on perd au casino de la bourse. (cf. EDF)

à écrit le 19/11/2022 à 8:09
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Petit à petit les français sont expropriés de leur terroir pour être remplacés par des clients plus riches. Mais ces derniers ne pourrons pas en profiter tranquillement au regard des troubles sociaux que cela va produire. L'état ne pense qu'à attirer...

à écrit le 19/11/2022 à 8:00
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La loi du marché dans l'immobilier est hypercruelle pour tous ces gens qui sont nés et ont jusqu'à présent vécu dans ces zones littorales. Il en a été de même pour les anciens habitants de Bordeaux qui ont dû quitter le centre ville lorsque les prix ...

le 20/11/2022 à 9:25
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Je suggère que les gens qui sont nées sur le littoral (c'est à dire quasi personne) remontent dans les terres pour s'adapter à la montée des eaux, rendant le front de côte à des activités naturelles, élevage agriculture. Je suggère aussi que les gens...

à écrit le 19/11/2022 à 5:03
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Je pense que l'invention ou la decouverte de l'eau chaude, ca doit etre francais.

à écrit le 18/11/2022 à 23:49
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En retraite nous nous sommes privés toute notre vie pour obtenir un T2 à la mer,dans un département limitrophe à notre maison principale, la ou on était originaire.On est jamais parri en voyage ailleurs. Meme si on comprend le problème des personnes...

le 19/11/2022 à 18:15
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"je pense qu on pourrait toucher les personnes qui ont investit dans plus de 2 logements soit 1 principal et secondaire." La moitié des ménages multi-propriétaires, soit 13 % des ménages, détiennent exactement deux logements et possèdent près d'un...

à écrit le 18/11/2022 à 22:11
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C'est un problème que des primos accédants ne puissent pas avoir leur villa au bord de mer ? Mon voisin va acheter sa première voiture, il ne comprends pas pourquoi, il n'a pas le droit à une porche et doit se contenter de la renault d'occasion ? La ...

le 19/11/2022 à 11:15
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La situation n'est pas comparable avec celle du marché de l'automobile, du pouvoir ou non de s'acheter une porsche. Ces gens vivaient là auparavant, ils y ont leur leur famille, leurs amis, leurs paysage, leur environnement. Le prix du m2 les oblige...

le 20/11/2022 à 9:56
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Oui, je connais bien cela : nous aussi nous avions nos habitudes, notre famille, nos paysages....C'était la banlieue profonde des années 60. Nous avons été chassés par l'urbanisation ; pensez-donc, les prix au m2 ont été multipliés par 100 ...au Bois...

à écrit le 18/11/2022 à 21:09
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Normal! Habiter près de la mer, cela se mérite. Perso, je m'en lasse pas de la voir au quotidien avec un climat parfait. Bob métro et Rer à vous.

le 20/11/2022 à 9:56
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Voire. Attention aux éoliennes...

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