« Le métier de promoteur n'est pas extrêmement simple en ce moment » (Alain Taravella, Altarea)

GRAND ENTRETIEN. Malgré le rachat de Primonial et la signature d'un partenariat avec Crédit Agricole Assurances, le développeur immobilier de bureaux, commerces et logements Altarea fait face, comme ses confrères, à une crise des permis de construire ainsi qu'à une pénurie de matières premières. Son président-fondateur Alain Taravella n'en demeure pas moins « optimiste ».
César Armand
Alain Taravella a fondé Altarea en 1994.
Alain Taravella a fondé Altarea en 1994. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Pourquoi venez-vous d'acheter, début juillet, pour 1,9 milliards d'euros le gestionnaire d'actifs Primonial alors que vous êtes déjà une foncière et un promoteur immobilier ?

ALAIN TARAVELLA - Altarea est une entreprise de ville. Comme vous l'avez rappelé, nous sommes une foncière, un promoteur, bref nous travaillons sur beaucoup de classes d'actifs. Notre ambition est claire : devenir une entreprise complète en se développant dans l'asset management. En nous engageant dans la gestion d'actifs, nous acquérons une force de distribution extrêmement puissante. L'acquisition de Primonial va nous permettre de nous ouvrir sur l'Allemagne mais également dans le domaine de la santé, un produit que nous ne développons pas actuellement.

Allez-vous devenir comme Icade, une foncière qui accélère dans la santé, après avoir acquis le promoteur de logements et de bureaux Cogedim en 2007, son homologue Pitch Promotion en 2016, le développeur immobilier en bois Woodeum en 2019 ?

Notre histoire est marquée par de la croissance externe. J'ai commencé en 1994 avec le développement d'une foncière de commerce avant d'acquérir Cogedim pour être promoteur de logements et de bureaux. A cette opération structurante, se sont ajoutés Pitch Promotion et Woodeum à 50%. En réalité, ce ne sont que la déclinaison de ce que nous avons fait dans la promotion. La santé est une classe d'actifs extrêmement intéressante qui est de l'ordre de 9 milliards d'euros chez Primonial, ce qui la situe devant Icade.

A propos de banques, fin juin, vous avez signé un partenariat avec Crédit Agricole Assurances afin de développer deux co-entreprises, l'une dans les centres commerciaux, l'autre dans les commerces de gare. Dans quel but ?

L'accord avec Crédit Agricole Assurances se situe également dans la continuité de ce que nous avons toujours réalisé. L'un de nos métiers consiste à développer des centres commerciaux et dès qu'ils sont arrivés à maturité, nous cédons une certaine part à des investisseurs institutionnels. Cette opération a en outre généré des fonds propres qui nous a permis d'acquérir Primonial.

Vous vous définissez depuis toujours comme un « entrepreneur de ville ». A l'heure du recyclage des friches, et notamment des anciens centres commerciaux, subventionné par le plan de relance national, comment imaginez-vous la ville post-Covid ?

Nous sommes depuis longtemps le leader de la transformation urbaine tant est si bien que nous n'avons pas attendu la pandémie pour travailler sur des friches que ce soit à Massy (Essonne) ou à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). Même si ce phénomène va s'accentuer, cela a toujours été notre savoir-faire de muter des endroits dédiés à l'immobilier d'entreprise. Nous sommes en effet capables de les réaliser en une seule tranche et d'y livrer bureaux, commerces et logements.

Croyez-vous-en un exode urbain durable ?

Le logement est un marché immense, les besoins restant énormes. La population s'accroît et une majorité veut habituer dans les métropoles car proche de l'emploi. Peut-être que les choses vont évoluer avec le télétravail, mais nous saurons construire soit en réaménageant, soit en densifiant ou en soit en transformant les bureaux en logements. Quoiqu'il en soit, les villes moyennes vont se développer dans les prochaines années.

C'est nouveau pour vous...

Les villes moyennes constituent en effet un nouveau terrain de jeu. Du fait de la pression sociétale qui diminue la part de la construction dans les métropoles et des changements de modes de travail, nous avons décidé d'y investir fortement.

Combien ?

Notre ambition est désormais pour l'ensemble du territoire national. Au-delà des 12.000 à 13.000 logements neufs que nous livrons chaque année, nous voulons désormais en produire 18.000 au total. Une partie du chemin se fera dans ces villes moyennes en complément du marché dans les grandes métropoles.

Encore faudra-t-il que les maires délivrent les permis de construire...

Certes, il y a moins de permis de construire qui sont délivrés de la même façon qu'ils mettent plus de temps à sortir, mais beaucoup de maires veulent encore construire. Si, après les élections municipales, certains, et pas seulement les écologistes, veulent réduire cette part, les besoins sont nationaux et locaux. Nous-même avons pris un peu de retard au premier semestre 2021 alors que la demande est là. J'ose croire que ce sera un retard et non une chute des permis de construire, mais je suis sûrement trop optimiste.

Les élus locaux, communaux et intercommunaux, sondés par votre confrère Alila et l'institut Elabe citent, en premier, le manque de moyens pour financer les infrastructures publiques, type crèches, écoles, gymnases... Partagez-vous ce constat ?

Bien sûr qu'il faut des aides aux maires bâtisseurs. Encore faut-il qu'ils y croient et qu'ils ressentent que leurs électeurs ne leur reprocheront pas de trop construire. Il existe un consensus sur la nécessité de construire. A nous aussi de réaliser des projets attractifs. C'est nous également qui produisons 25% des logements sociaux dans chacun des programmes neufs. Ces immeubles sont utiles pour la vie dans la ville. Ils apportent une ambition et une rigueur comme nul autre.

L'objectif de la ministre du Logement Emmanuelle Wargon de sortir de terre 250.000 logements sociaux en deux ans est-il tenable ? Le projet de loi « Climat et Résilience », adopté en commission mixte paritaire Assemblée-Sénat dans la nuit du 12 au 13 juillet 2021, rehaussant même les objectifs de 20% dans les communes concernées par la loi SRU...

Je veux y croire. Il y a néanmoins une nouvelle donne en France depuis un an. Construire n'a jamais été extrêmement simple mais risque de devenir compliqué. Si je crois en la force de la loi, je crois davantage en la force des projets.

Croyez-vous par ailleurs en une crise pérenne des matériaux de construction ?

Cela augmente les coûts, mais nous devrions réussir à compenser cette augmentation.

D'autant que la nouvelle réglementation environnementale des bâtiments neufs, dite « RE2020 », qui s'appliquera au 1er janvier 2022, privilégiera les matières biosourcées et géosourcées ainsi que les matériaux usuels si et seulement s'ils sont décarbonés.

Les matériaux biosourcés vont devenir obligatoires, exerçant une forte pression sur les prix, de la même façon que les industriels vont devoir investir. Nous, nous avons pris de l'avance en rachetant la moitié de Woodeum en 2019 et ce afin de développer des logements en bois Il n'empêche que cette période de transition voire de transformation va créer des tensions. Le métier de promoteur n'est pas extrêmement simple en ce moment.

Lire aussi Climat : quelles perspectives pour Altarea, Eiffage et Saint-Gobain?

César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 16/07/2021 à 10:57
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Bah ça doit quand même aller les gars hein on s'en fait pas pour vous.

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